Humeur :
Grèce, Montebourg, UMP : un gros problème de crédibilité…
Les derniers jours ont été particulièrement chargés sur le front de l’actualité économico-politique de la France et de la zone euro : nouveaux accords sur la dette grecque, durcissement de ton dans le dossier Florange-Mittal, sans oublier le capharnaüm géant qui ne cesse de secouer l’UMP. Et aussi bizarre que cela puisse paraître, ces trois évènements sont reliés par un point commun bien peu enviable, en l’occurrence le manque de crédibilité.
Sur le front grec, tout d’abord, il faut certes reconnaître que le énième plan de sauvetage arraché de justesse mardi dernier constitue une bonne nouvelle. En fait, que ce soit pour l’UEM, le FMI ou la Grèce, il n’existait pas d’autre choix que de s’entendre. Un échec aurait immanquablement ravivé les tensions économico-sociales grecques et replongé la zone euro dans une nouvelle crise existentielle. Ainsi, au travers de plusieurs arrangements et artifices comptables, la Grèce va bénéficier d’une nouvelle aide de 44 milliards d’euros. Cela porte désormais à environ 260 milliards d’euros le soutien financier accordé à la Grèce depuis 2010, soit près de 70 milliards d’euros de plus que le PIB grec. Au cours de ces cinq années de crise, ce dernier a effectivement chuté de 14 % en valeur et de 21 % en volume (c’est-à-dire hors inflation). A prix courants, le PIB par habitant est même passé de 21 000 euros au début 2008 à 16 900 aujourd’hui.
A ceux qui pourraient se plaindre de l’aide apportée à nos partenaires hellènes, ces chiffres montrent combien la destruction de richesses en Grèce a été dramatique. C’est d’ailleurs bien là que réside le problème principal des différents plans de sauvetage. Car ceux-ci, y compris le dernier, font l’impasse totale sur la clé de la sortie de crise, à savoir le retour de la croissance. Evidemment, comme tous ses prédécesseurs, l’accord du 27 novembre annonce que la croissance va redémarrer dans les prochains mois. De la sorte, le ratio dette publique/PIB pourra tomber à 110 % d’ici 2022. Allons, Mesdames, Messieurs les dirigeants de la zone euro, du FMI et de la Grèce, soyez un peu sérieux. Le Wishful thinking (en français : prendre ses désirs pour la réalité) que vous pratiquez depuis cinq ans n’est absolument plus crédible ! Finalement, les différents plans de sauvetage ont seulement permis de colmater les brèches. Au mieux d’éteindre une partie de l’incendie, mais tout en maintenant des braises incandescentes et « réactivables » au moindre coup de vent. Aussi, plutôt que d’engager une telle stratégie coûteuse et peu efficace, il serait bien plus opportun d’agir en amont, avant que l’incendie ne se déclenche.
Pour être clair : tant que l’euro ne passera pas sous les 1,15 dollar, que la BCE n’achètera pas de la dette publique en direct pour les pays qui le méritent et qu’un plan d’investissement significatif ne sera pas engagé, la Grèce et la zone euro ne pourront pas retrouver le chemin d’une croissance durablement soutenue et ne pourront donc pas sortir de la crise. Cette crise n’est d’ailleurs plus seulement financière et économique, mais elle devenue sociale, voire sociétale. Pis, cette situation chaotique et extrêmement dangereuse pour la stabilité politique n’est pas l’apanage de la Grèce ou du Sud de l’Europe. Elle est en train de se généraliser à l’ensemble des pays de la zone euro, y compris la France.
C’est en cela que les dernières déclarations du Ministre du redressement productif font froid dans le dos. En effet, alors que la France tombe en récession, qu’elle peine à garder un semblant de tissus industriel et que sa crédibilité internationale est battue en brèche, M. Arnaud Montebourg se permet de déclarer qu’il ne veut plus de Mittal dans l’Hexagone et que la France est désormais prête à lancer un mouvement de nationalisation en cas de besoin. Au-delà du drame humain de Florange et des tensions Montebourg-Mittal, ces déclarations à l’emporte-pièce pourraient être lourdes de conséquences pour l’avenir économique français.
Et pour cause : si le gouvernement hexagonal commence à faire la guerre aux entreprises internationales, ces dernières risquent de réduire la voilure dans notre douce France, avec fermetures de sites et destructions d’emplois à la clé. Car le problème ne doit pas se résumer à une guerre de déclarations ou à des problèmes d’égo : la question essentielle porte sur l’emploi et le chômage. A l’heure où ce dernier flambe dangereusement et devrait continuer de le faire au moins jusqu’à l’automne prochain, la France ne peut pas se permettre le luxe de voir une nouvelle vague de baisse de l’investissement productif. Elle ne s’en remettrait pas. Dix jours après la couverture de The Economist, une semaine après la nouvelle dégradation de la dette française, le dérapage Montebourg-Mittal va encore entacher le peu de crédibilité qui reste à la France.
Cerise empoisonnée sur le gâteau, le psychodrame de l’UMP aggrave encore la situation. En effet, au lieu de rebondir sur les couacs gouvernementaux pour montrer qu’une autre voie est possible pour sortir la France de la méfiance et de la récession, ce grand parti politique s’est lancé dans une guerre intestine destructrice. Il montre ainsi que, pour ses dirigeants, les égos et les querelles de clochers passent avant la résolution des graves questions économiques et financières nationales.
Au-delà du caractère ubuesque de ces évolutions, ce double jeu de massacre (Montebourg + UMP) va malheureusement profiter aux partis extrémistes. D’abord à l’extrême gauche, galvanisée par les discours de Montebourg, qui ne viennent finalement que mettre de l’huile sur le feu sans résoudre les problèmes de fond. Ensuite, le risque d’éclatement de l’UMP ne manquera pas de grossir les rangs du Front National, qui en appelle bien sûr au retour du protectionnisme agressif et à la fin de la zone euro. Est-ce vraiment cela que nous souhaitons léguer à nos enfants ? Une UEM et une France en récession durable, avec un chômage structurellement élevé, des tensions sociales et sociétales de plus en plus graves et une situation politique instable ? Non merci.
Après avoir déjà perdu beaucoup trop de temps dans le dogmatisme et dans le maquillage de la vérité, il est donc urgent de retrouver rapidement le chemin du bon sens et de la crédibilité économico-politique. Que ce soit au niveau de la zone euro, du FMI et des dirigeants politiques français, un seul mot d’ordre doit désormais s’imposer : tout faire pour retrouver la croissance et enfin sortir de la crise. Noël approche, on peut quand même rêver un peu…
Marc Touati
Quid de l’économie cette semaine :
Nouveau record historique pour le taux de chômage eurolandais.
Sans surprise, le fléau du chômage a continué de se répandre dans la zone euro en octobre 2012. Ainsi, après déjà quatre ans d’augmentation quasi-continue, le taux de chômage eurolandais a atteint un nouveau sommet historique de 11,7 %.
Récession et taux chômage élevé s’installent dans la zone euro.
Sources : Eurostat, ACDEFI
Conséquence inévitable du retour en récession, la flambée du chômage commence à devenir dramatique. En effet, ce dernier a augmenté de 1,8 point en dix-huit mois et de 4,4 points en quatre ans et demi.
Pis, à l’exception de l’Allemagne qui continue « d’agacer » avec un taux de chômage stabilisé à 5,4 %, tous les pays de la zone euro affichent des taux de chômage déplorable.
Certes, celui de la France se stabilise à 10,7 %, mais reste encore largement trop élevé pour permettre de soutenir la consommation.
France – Allemagne : les écarts de taux de chômage font froid dans le dos.
Sources : Eurostat, ACDEFI
En ce qui concerne les pays du Sud, la facture est malheureusement bien plus salée, avec des taux de chômage de 11,1 % en Italie, 16,3 % au Portugal, 25,4 % en Grèce (pour le mois d’août, dernier chiffre disponible) et 26,2 % en Espagne.
Des taux de chômage catastrophiques dans les pays du Sud.
Sources : Eurostat, Commission Européenne, ACDEFI
Cette situation est encore plus catastrophique sur le front du chômage des moins de 25 ans, qui atteint de nouveaux pics historiques : 23,9 % pour l’UEM dans son ensemble, 25,5 % en France, 36,5 % en Italie, 39,1 % au Portugal, 55,9 % en Espagne et 57 % en Grèce (chiffre du mois d’août, qui risque donc d’augmenter encore au cours des mois suivants).
Taux de chômage des jeunes : toujours plus haut, toujours plus dangereux.
Sources : Eurostat, ACDEFI
Parmi tous les pays de la zone euro, seuls trois affichent un taux de chômage des moins de 25 ans inférieur à 10 %, en l’occurrence l’Allemagne (8,1 %), l’Autriche (8,5 %) et les Pays-Bas (9,8 %).
De quoi rappeler une nouvelle fois que l’UEM est loin d’être une zone monétaire homogène et encore moins optimale.
Encore plus dramatique, la flambée du chômage va s’intensifier dans les prochains mois. En effet, l’emploi étant une variable retardée de l’activité et la récession devant encore se prolonger au moins jusqu’au printemps prochain, le chômage ne pourra pas baisser avant la fin de l’année 2013. Du moins si tout va bien.
C’est en cela que, dans ce contexte particulièrement morose, l’enquête de conjoncture de la Commission Européenne de novembre a apporté une petite lueur d’espoir.
L’indice de sentiment économique remonte légèrement, mais reste très bas.
Sources : Eurostat, Commission Européenne, ACDEFI
En effet, après deux ans de baisse quasi-continue, l’indice de sentiment économique (meilleur indicateur avancé de la croissance du PIB eurolandais) a légèrement rebondi en novembre. En gagnant 1,4 point au cours de ce dernier mois, il reste cependant à un niveau extrêmement bas, qui ne permet toujours pas d’entrevoir le début de la fin de la récession.
Il faut donc s’armer de patience, en espérant que l’euro ne remontera pas et que les dirigeants eurolandais, en particulier en France, cesseront leur dogmatisme maladif
Marc Touati
Les évènements à suivre du 3 au 7 décembre :
La job machine américaine continue de résister.
Le point d’orgue de cette semaine économico-statistique sera sans conteste la publication des chiffres de l’emploi américain de novembre (vendredi). D’ici là, il faudra aussi surveiller les enquêtes des directeurs d’achat dans l’industrie et les services (respectivement lundi et mercredi). Et ce, tant aux Etats-Unis que dans la z
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