Grotesque, burlesque, calamiteuse, désolante, ridicule, dramatique … Le choix des adjectifs pour qualifier l’élection à rebondissements du nouveau président de l’UMP est extrêmement vaste. C’est en effet le pire des scénarios qui est en train de se produire puisqu’il met en scène un spectaculaire déchirement entre François Fillon et Jean-François Copé sur fond de suspicion de malversations.
Premier acte de cette mauvaise pièce : Copé déclenche les hostilités en s’autoproclamant nouveau président de l’UMP dimanche 18 au soir, avant même la fin du dépouillage officiel des bulletins. Lui qui se définit comme incarnant une droite décomplexée n’a effectivement aucun complexe. En effet, il a annoncé sa victoire sans même décrocher son téléphone pour prévenir François Fillon, pour ensuite lui tendre les bras et lui proposer la vice-présidence du mouvement. « On marche vraiment sur la tête, cette attitude qui relève de la basse manœuvre politicienne n’est pas digne de quelqu’un qui entend exercer les plus hautes fonctions » assènent en substance les partisans de François Fillon. Le summum est atteint quand ce dernier annonce également sa victoire quelques instants plus tard… Du grand cirque, c’est au choix, Achile Zavata, Bouglione ou Pinder. Alors que les partis concurrents, FN et PS en tête, se régalent de ce spectacle clownesque, les seuls à ne pas avoir le sourire sont bien les adhérents de l’UMP qui assistent impuissants à la déliquescence de leur mouvement.
Deuxième acte : alors que l’on pensait l’épisode de l’élection clos après la victoire annoncée de Jean-François Copé par la Cocoe, le clan Fillon découvre que cette dernière a oublié dans son décompte trois fédérations dans les Dom Tom, ce qui lui donnerait une courte victoire. On croit rêver …
Troisième acte : la Cocoe fait acte de contrition en reconnaissant que les votes non comptabilisés changeraient le résultat du scrutin. Quelle désolation ! Cette instance officielle qui devait mettre tout le monde d’accord affiche au grand jour son incompétence. On peut dire que l’UMP perd officiellement son AAA puisqu’elle devient un parti à risque sur lequel il est désormais dangereux « d’investir ». La première formation politique de France, désormais sous « surveillance négative » de ses adhérents, est donc menacée d’implosion.
Quatrième acte : l’un des pères fondateurs de l’UMP, Alain Juppé, intervient pour proposer la « création d’une instance collégiale qui, sous sa présidence, devra réexaminer l’ensemble des résultats ainsi que l’ensemble des remarques et des contestations émises par les deux camps devant la Commission nationale des recours ». Malheureusement, au regard du climat totalement délétère qui règne, les deux camps ont des conditions qui risquent fortement de bloquer le processus de médiation. En dépit d’une rencontre programmée entre Juppé, Fillon et Copé, le futur s’annonce très compliqué pour l’UMP car nous avons depuis longtemps atteint un point de non-retour dans les relations entre les deux candidats. Nous estimons donc à 80 % le risque de « scission nucléaire » pour le premier parti de France.
Si, pour beaucoup, le grand vainqueur de cette « abracadabrantesque panade » est Nicolas Sarkozy, il nous semble qu’en réalité, le grand gagnant serait Alain Juppé s’il parvenait à trouver une solution à cet imbroglio inextricable. En effet, ce dernier qui ne pense qu’à la présidentielle, et cela depuis bien longtemps, apparaîtrait ainsi non seulement comme celui qui aura sauvé le parti mais surtout comme le véritable chef, quel que soit le gagnant de l’élection.
En d’autres termes, alors que Fillon et Copé se sont quoi qu’il advienne totalement discrédités, l’heure du « meilleur d’entre nous », comme l’appelait Chirac, va peut-être sonner.
La phrase de la semaine :
« Le vote des militants a été massif, j’ai donc laissé un parti bien vivant … » De Nicolas Sarkozy.
Jérôme Boué