Barack(a) Obama : And now Mister President ?

 

« Four years more » (quatre ans de plus). C’est par ces trois mots peu enthousiastes et laissant bizarrement transparaître une certaine lassitude que Barack Obama a annoncé sa réélection à la Présidence des Etats-Unis d’Amérique. Les politologues en tous genres ont beau clamer qu’ils l’avaient prédit et que cette victoire était jouée d’avance, il n’en demeure pas moins que Monsieur Obama est bien un miraculé touché par la « baraka ». En fait, sa réélection est historique. Et pour cause : depuis Roosevelt, aucun Président américain n’avait été réélu avec un taux de chômage élevé, en l’occurrence 7,9 %. En outre, l’enfin prodige de Chicago est devenu le premier dirigeant occidental réélu en dépit de la crise. Si cette dernière a effectivement eu raison des Brown, Zapatero, Papandréou, Berlusconi et Sarkozy, elle n’a pas eu de prise sur le locataire de la Maison Blanche, qui voit donc son bail prolonger de quatre ans.

Les explications de cette réussite exceptionnelle sont nombreuses. Il y a bien sûr la personnalité et les gaffes de Mitt Romney. Après la faillite de Lehman Brothers décidée juste avant les élections de 2008 par L’Administration Bush et le peu de dynamisme de John McCain qui ont ouvert les portes de la Présidence à Obama, c’est à se demander si les Républicains ont vraiment envie de revenir à la Maison Blanche… Certes, à partir du premier débat pré-électoral, Romney a repris du poil de la bête, rappelant notamment le bilan économique très mitigé de l’Administration Obama. Depuis 2008, la croissance annuelle moyenne du PIB américain n’a été que de 0,5 % et ce, en dépit d’une augmentation notable des dépenses publiques, dont le poids dans le PIB est passé de 39 % à 41 %. Mais cela n’a pas suffi. D’autant que le Président sortant a bénéficié de deux coups de pouce exceptionnels.

Le premier a résidé dans la troisième phase de « planche à billets » décidée par la Réserve Fédérale et son Président Ben Bernanke un mois et demi avant les élections. Au-delà du caractère excessif de cette nouvelle aide, cette décision a constitué une première, dans la mesure où la Fed s’abstient toujours d’intervenir avant les élections présidentielles. Si elle ne peut être complètement remise en cause, l’indépendance de Ben Bernanke est donc sujette à caution : pourquoi n’a-t-il pas réussi à influencer le gouvernement américain en septembre 2008 de manière à éviter la faillite de Lehman Brothers et a-t-il au contraire soutenu artificiellement l’économie des Etats-Unis en septembre 2012 ? Une chose est sûre : sauf accident, il restera le Président de la Fed pendant les quatre prochaines années…

Plus globalement, il faut aussi souligner que si les Etats-Unis sont sortis de la récession dès 2009 et ont évité de replonger en 2011-2012 c’est également grâce à la politique exceptionnellement accommodante de la Réserve Fédérale. Sans elle, il est clair que, comme en Europe, la politique d’augmentation des dépenses publiques décidée par Obama, aurait rapidement produit des effets pervers et empêché les Etats-Unis de sortir de la crise.

C’est d’ailleurs également grâce à cette stratégie que le chômage a pu baisser. Certes, avec un niveau de 7,9 %, le taux de chômage reste élevé. Néanmoins, il s’inscrit en net repli par rapport au sommet de 10 % atteint en octobre 2009. Autrement dit, il y a bien eu une inversion de tendance durable qui a été saluée par les Américains, qui n’ont donc pas sanctionné leur Président sortant.

Mais comme si tout cela ne suffisait pas, ce dernier a bénéficié d’un soutien de dernière minute, du nom charmant mais finalement terrifiant de Sandy. En effet, bien loin de la gestion catastrophique de Katrina par son prédécesseur, Obama a fait preuve d’une parfaite maîtrise de la situation, et surtout, il a su le montrer. Ainsi, présent sur toutes les chaînes de TV, il a pris un malin plaisir à rappeler que les Américains pouvaient compter sur l’Etat fédéral pour éviter le pire. Alors qu’il n’a cessé d’être attaqué pendant toute la campagne sur l’augmentation inconsidérée des dépenses publiques depuis quatre ans, Obama a donc réussi à renverser la vapeur en utilisant ce même argument à son avantage. A tel point que l’ancien Républicain et maire de New York, Michael Bloomberg, a fini par se rallier à son ennemi d’hier. Devant la preuve que l’intervention de l’Etat peut aussi constituer une force, Mitt Romney ne pouvait évidemment plus lutter et devait même masquer son souhait de réduire la dépense publique à 20 % du PIB américain.

Seulement voilà, de la même façon que le laxisme budgétaire d’Obama est passé du stade d’handicap à celui de bienfait en quelques jours, il pourrait très rapidement reprendre sa caractéristique d’origine. En effet, étonnamment peu utilisé pendant la course à la Maison Blanche par le camp républicain, le « précipice budgétaire » (fiscal cliff dans la langue de Shakespeare) se rapproche dangereusement. Et pour cause : le plafond de la dette publique autorisé par le Congrès devrait être atteint au plus tard en février 2013.

Si celui-ci n’est pas augmenté, l’Etat fédéral engagera automatiquement une baisse des dépenses de l’ordre de 200 milliards de dollars et une augmentation des impôts de 400 milliards de dollars, bloquant instantanément la puissance publique américaine. Pis, la note des Etats-Unis sera nettement abaissée, suscitant une forte augmentation des taux d’intérêt, avec baisse de l’activité économique et dégringolade boursière à la clé. Le dollar sera alors de nouveau attaqué, soutenant l’euro à la hausse et aggravant encore la récession qui sévit sur le Vieux Continent. Une fois encore, n’en déplaise aux dirigeants eurolandais qui se sont grandement félicités de la réélection d’Obama, l’UEM sera le dindon de la farce.

Plus grave encore, si la note de la dette publique est abaissée et que les Etats-Unis, comme l’a promis leur Président, augmentent encore les dépenses publiques, il faut se préparer à voir l’Oncle Sam tomber de son piédestal d’ici une dizaine d’années au profit de la Chine. Cela signifierait alors une perte de l’hégémonie du dollar et une crise économico-financière qui dépasserait largement les affres de celles que nous vivons depuis 2008. Il n’y a donc plus qu’à espérer que Barack Obama finira par se rendre à l’évidence et reviendra sur ses promesses de campagne. Un peu d’ailleurs comme ce que devra faire François Hollande s’il veut que la France évite le pire. Obama et Hollande sur un pied d’égalité, voilà qui va faire plaisir à notre Président…

Marc Touati