Le poste de premier ministre est structurellement l’un des plus durs de France. Tous les anciens chefs de gouvernement de la Cinquième République sont au moins unanimes sur ce point : l’hôtel de la rue de Varenne est une véritable essoreuse. De surcroît subsiste ce que l’on appelle la malédiction de Matignon. En effet, si chaque nouveau locataire ne pense qu’à l’Elysée une fois le perron franchi, aucun chef de gouvernement en exercice n’a jamais pu devenir Président de la République.
Aux difficultés intrinsèques à la nature du poste s’ajoute la variable conjoncturelle. Or, ce n’est pas un scoop, la situation économique française est terriblement dégradée sans parler du chômage dont le niveau vient de repasser la barre des trois millions de personnes en septembre.
Handicap supplémentaire, François Hollande a nommé un homme inexpérimenté pour assumer cette lourde tâche. Même si ce dernier en bon adepte de la méthode Coué affirme « je n’ai éprouvé aucune inquiétude en arrivant à Matignon » ou « j’ai l’impression d’avoir toujours été là », il ne faut pas oublier que le premier ministre n’a jamais été ministre… Facteur aggravant, de très nombreux membres du gouvernement sont dans ce cas de figure. Si certains commentateurs excessifs n’hésitent pas à parler d’amateurisme, le moins que l’on puisse dire, c’est que le Premier ministre et son équipe gouvernementale sont attendus au tournant. Non seulement par l’opposition, à l’image de François Fillon et Jean-François Copé qui n’évitent pas la surenchère, mais également par son propre camp politique. Ainsi, depuis son retour du Venezuela, Jean-Luc Mélenchon se déchaîne et tire à boulets rouges sur la politique gouvernementale. De même, les Verts apparaissent de plus en plus comme de vrais faux alliés, comme le montre leur refus de ratifier le traité budgétaire européen.
Comme si cela ne suffisait pas, le chef de l’Etat, qui continue sa descente aux enfers avec une baisse de 11 points selon le dernier baromètre Ifop de septembre, entraîne le Premier Ministre dans sa chute.
Jean-Marc Ayrault se retrouve donc dans la pire des situations possibles, puisque face à la gravité de la situation économique et sociale, il est dans l’obligation premièrement de prendre des mesures impopulaires (notamment des hausses d’impôts), deuxièmement d’accélérer la cadence face à l’impatience des Français. L’équation est donc complexe puisque les Français veulent des résultats à court terme, ce que le gouvernement actuel est incapable de leur offrir. Au crédit du chef du gouvernement, il est manifeste que personne ne peut redresser le pays en quatre mois. Il faut néanmoins que ce dernier arrête de rejeter en bloc l’action de Nicolas Sarkozy en se posant en victime de la politique de son prédécesseur qui aurait mis la France K-O. Le bilan de Nicolas Sarkozy c’est comme le cholestérol, il y a le bon et le mauvais. D’ailleurs, plus le temps passe, moins le discours « responsable mais pas coupable » aura d’impact.
Les comptes de (P)Ayrault sont donc très compliqués et notre scénario est le suivant. La gauche pourrait perdre les prochaines élections intermédiaires qui auront lieu en 2014 (municipales, conseillers territoriaux et européennes). François Hollande qui devra faire face à la fronde des Français notamment face à l’échec de la réduction du chômage annoncée pour 2013 se servira de Jean-Marc Ayrault comme fusible pour tenter de créer un électrochoc, et devrait sacrifier son Premier ministre au plus tard fin 2014 début 2015. A suivre…
La phrase de la semaine :
« Le PS, c’est un astre mort qui a encore la capacité d’accumuler les poussières cosmiques mais qui ne produit plus rien.» de Jean-Luc Mélenchon.
Jérôme Boué