Les marchés vont-ils enfin passer un bon été ?

 

Après quatre étés meurtriers d’affilé, les marchés boursiers semblent enfin disposés à « faire un break » pour l’été 2012. C’est du moins ce qu’il est encore possible d’espérer au regard des dernières déclarations des dirigeants politiques et monétaires, en particulier dans la zone euro. Mais attention, chassez le naturel, il revient au galop. Autrement dit, il ne faut pas oublier que le socle économique et financier des bourses internationales restent très fragile, ce qui alimentera une très forte volatilité au moins jusqu’à la fin 2012. En attendant, comme disait Ronsard : « mignonne, alors voir si la rose… ». En clair, avant de subir les affres de la rentrée de septembre, profitons de l’instant présent et des récentes bonnes nouvelles qui ont redonné l’espoir aux investisseurs.

Tout d’abord, saluons le retour de « super Mario » Draghi, qui, bien loin de son prédécesseur qui avait pour habitude de saper le moral des marchés, a tout simplement souligné que « la BCE ferait tout pour sauver la zone euro ». A ces quelques mots, les indices boursiers ont littéralement flambé, oubliant la récession, les plans sociaux et le dogmatisme des dirigeants politiques. Comme quoi, le bonheur ne tient pas à grand-chose…

Dans le prolongement de cette phrase euphorisante et qui ne fait pourtant que relever du bon sens, une rumeur tout aussi réjouissante s’est installée. Selon cette dernière, les Etats eurolandais et la BCE se seraient mis d’accord pour engager un plan de sauvetage définitif et imparable. Celui-ci consisterait notamment à actionner le Fonds européen de stabilité financière (FESF), puis son successeur, le Mécanisme européen de stabilité (MES), afin d’acheter de la dette émise par les pays d’Europe du Sud sur le marché primaire, tandis que la BCE achèterait massivement des bons du Trésor sur le marché secondaire. Bref, il n’y a pas grand-chose de nouveau sous le soleil, mais cela a suffi pour redonner le sourire aux investisseurs.

Et ce, d’autant qu’au cours de leur dernier entretien, le président français et la chancelière allemande se sont dits déterminés “à tout faire pour protéger la zone euro”. Là aussi, il n’y a rien de transcendantal, mais, après les crispations, les tensions et les vexations des semaines précédentes, une telle entente met du baume au cœur…

Enfin, cerise sur le gâteau, la croissance américaine a certes ralenti au deuxième trimestre, mais elle a été légèrement supérieure aux prévisions du consensus. Alors que celui-ci l’annonçait à 1,2 %, elle a finalement atteint 1,5 %, c’est-à-dire exactement l’anticipation que nous formulions il y a plus d’un mois et que nous explicitions la semaine dernière dans « Economie et Stratégie ».

Après avoir atteint 3 % au quatrième trimestre 2011, puis 2 % au premier de 2012, la nouvelle décélération de la croissance n’est évidemment par catastrophique. En effet, au deuxième trimestre, le PIB américain a été soutenu par une forte progression des exportations (+5,3 %) et des investissements des entreprises (+ 5,3 % également). Du côté des ménages, la progression de la consommation a résisté à 1,5 % et celle de l’investissement logement a atteint 9,7 %, après néanmoins une flambée corrective de 20,5 % au cours du trimestre précédent.

Autrement dit, il n’y a pas péril en la demeure. Pour autant, le nouveau ralentissement de l’activité outre-Atlantique confirme que la croissance annuelle moyenne du PIB américain ne pourra pas dépasser les 2 % cette année. Elle devrait avoisiner les 1,7 %. Cela sera certes bien supérieur au 0 % (voire pire) de la zone euro, mais hautement insuffisant pour permettre au taux de chômage de reculer sous les 8 %. Dans ce cadre, les chances de réélection de Barack Obama s’amoindrissent encore. Mais, comme les marchés ont, vraisemblablement, déjà choisi Romney, cela ne les dérangent pas outre-mesure.

Au total, entre des dirigeants eurolandais enfin prêts à tout pour sauver la zone euro et une croissance américaine qui résiste malgré l’adversité ambiante, les bourses mondiales ont logiquement repris du poil de la bête. A l’évidence, nous sommes donc bien loin des quatre étés précédents au cours desquels les grands indices boursiers s’étaient effondrés avec pertes et fracas.

Autrement dit, à quelques heures du départ en congés, tout semble aller au mieux dans le meilleur des mondes. Pour ceux qui veulent passer de bonnes vacances et « jouer au carpe diem », nous leur conseillons de s’arrêter là. Pour ceux qui veulent vraiment savoir ce qui nous attend, vous pouvez continuer.

Car, malheureusement, bien loin de l’euphorie ambiante, les perspectives qui s’annoncent pour la rentrée de septembre sont bien moins réjouissantes. Tout d’abord, et sans même attendre le mois de septembre, les comptes nationaux de le zone euro pour le deuxième trimestre (qui seront publiés le 14 août) devraient consacrer le retour de la récession. Jusqu’à présent limitée aux pays d’Europe du Sud et aux Pays-Bas, cette dernière devrait effectivement se généraliser à l’ensemble de l’UEM. Les Draghi, Monti, Merkel et Hollande auront beau crier que tout va bien, il n’en sera rien.

Pis, les plans sociaux vont encore se multiplier, transformant durablement la crise économico-financière en une crise sociale de grande envergure. Dans ce contexte, que deviendra le plan de sauvetage imparable que nous promettent nos dirigeants ? Faut-il rappeler que cela fait environ une dizaine de fois en quatre ans que ces derniers nous ont promis que le sauvetage était assuré et que la crise était terminée.

C’est triste à écrire, mais, depuis la création de la zone euro, ses dirigeants ont toujours été très forts pour faire des déclarations tonitruantes, mais ont été beaucoup moins bons (pour ne pas dire mauvais) lorsqu’il s’agissait de passer à l’acte.

Enfin, en ce qui concerne l’Hexagone, il est clair que l’obstination du gouvernement à refuser de voir la réalité en face finira par coûter très cher. Le nouveau plan d’aide au secteur automobile n’en est qu’un nouvel exemple. Pour faire court : l’automobile et l’économie française dans son ensemble n’ont pas besoin d’un plan de soutien artificiel à la demande (qui bénéficiera d’ailleurs principalement aux entreprises étrangères), mais d’une véritable modernisation. Cette dernière passe notamment par une réduction de la pression fiscale et des charges qui pèsent sur les salaires, mais aussi par un marché du travail plus fluide et une dépense publique amoindrie et plus efficace. Tant que les différents gouvernements français n’auront pas compris cette évidence, tous les plans de soutiens seront voués à l’échec.

En conclusion, après un été relativement appréciable sur les marchés boursiers (sachant que, ne l’oublions pas, la volatilité restera très forte), la rentrée s’annonce extrêmement difficile : poursuite du ralentissement américain, récession eurolandaise, chômage en hausse des deux côtés de l’Atlantique, tensions sociales exacerbées, notamment en France, risques de déception sur le énième plan de sauvetage de la zone euro… En trois mots : attention les secousses ! 

Marc Touati