Crise sans fin, dette publique explosive, zone euro en danger, récession qui se généralise, chômage en hausse. A l’évidence, l’année écoulée a été particulièrement difficile pour les pays européens. Et si certains ont laissé penser que ce cauchemar interminable était l’apanage des pays d’Europe du Sud, l’effondrement du climat des affaires et la multiplication des plans de licenciements dans l’Hexagone montrent que la France est tout aussi concernée que ses partenaires, en attendant d’être rejointe par l’Allemagne dans quelques mois.
Bref, dans ce contexte particulièrement dramatique, aggravé, qui plus est, par un climat catastrophique depuis trois mois, en particulier au nord de la Loire, il pourrait être tentant, voire salutaire, de tout débrancher. Eteindre son téléphone, ne plus écouter la radio, ni regarder la télé, ni même lire les journaux. Pour tout vous dire, c’est exactement ce que j’ai fait (à quelques connexions internet et quelques tweets près) depuis une semaine. Et cela fait un bien fou.
Seulement voilà, jouer à l’autruche et s’enterrer la tête dans le sable ne sert strictement à rien. Certes, après avoir passé des années à demander à nos dirigeants politiques et monétaires de réduire leur dogmatisme destructeur, en vain, nous pourrions également être tentés de baisser les bras et de prendre un billet sans retour pour un pays où la liberté d’entreprendre est valorisée et où la pression fiscale est raisonnable. Si, si, cela existe toujours… Mais, là encore, quitter le navire ne servirait pas à grand-chose, et pourrait même donner des arguments à ceux qui veulent faire de la France un pays « d’égalisation vers le bas ». En voulant exclure de l’Hexagone tous ceux qui gagnent plus de 4 000 euros par mois, ces idéologues d’un autre temps oublient que ce n’est pas en chassant les « riches » qu’on lutte efficacement contre la pauvreté.
Bien sûr, certains salaires mirobolants ont de quoi choquer. Cependant, face à de tels excès, il faut simplement se souvenir de trois réalités déterminantes. Primo, si un employeur est assez fou pour payer des salaires démentiels, il n’est pas possible de le lui interdire, sauf à créer une dictature. Secundo, la richesse créée par le « gros salarié » est généralement supérieure à son coût. Et ce, tout d’abord pour l’employeur au travers des réalisations du salarié. Sinon, il est alors clair que le salarié sera licencié ou que son salaire sera fortement abaissé. Malheureusement, il arrive parfois, notamment en France, que, dans certains cas et pour des raisons obscures (telles que l’appartenance à une caste ou toute autre connivence malsaine), un salarié, voire un patron, complètement inefficace, continue de toucher un salaire excessif. On pourra alors se consoler en pensant que ce « gros salarié » dépensera fortement en France et alimentera par là même le « business » dans l’Hexagone. Tertio, ce salarié méritant on non contribuera à augmenter les recettes fiscales et, normalement, permettra par là même à l’Etat Providence de faire son boulot.
En résumé, il ne sert à rien de s’offusquer de tel ou tel salaire, car, sauf dans certains cas très spéciaux (banditisme, fraude, castes…), les gains récupérés par la collectivité seront conséquents. C’est d’ailleurs ce qu’a bien compris David Cameron lorsqu’il a appelé les Français et les chefs d’entreprise plus ou moins fortunés à émigrer vers le Royaume-Uni. De la sorte, ces derniers viendront augmenter la consommation et les recettes fiscales outre-Manche, tout en produisant l’effet inverse dans l’Hexagone. Or, s’il y a moins d’activité et moins de rentrées fiscales en France, le déficit public, la dette et le chômage s’accroîtront de nouveau, jusqu’à l’avènement d’une crise sociale sans précédent. Les annonces d’augmentation massive des impôts par l’actuel gouvernement ainsi que les nombreux plans de licenciements et notamment celui de PSA montrent que ces dangers ne sont pas seulement dans la tête de votre serviteur. Ils sont devenus réalités. A ce rythme, MM. Hollande et Ayrault n’auront bientôt plus rien à envier à M. Papandréou.
Aussi, sans vouloir casser le climat apparemment apaisé des vacances estivales, il est de notre devoir de continuer à dire la vérité. Oui, le taux de chômage va encore s’accroître fortement en France au cours des prochains mois. Selon nos estimations, il sera d’au moins 12 % d’ici l’été 2013. Et encore, ce résultat tient compte de la faible augmentation de la population active. Si nous étions dans les années 1990 (lorsque cette dernière progressait d’environ 300 000 personnes par an), le taux de chômage serait déjà supérieur à 12 %. En outre, n’oublions pas toute l’ingéniosité dont ont fait preuve nos hauts fonctionnaires pour créer des mesures « d’accompagnement social » du chômage, qui ont surtout pour but de réduire le nombre officiel de chômeurs.
Pour ne rien arranger, lorsqu’on observe les réactions et les propositions de l’actuel gouvernement pour essayer de restaurer la croissance et/ou de faire face aux différents plans de licenciement, cela fait froid dans le dos. Peut-on effectivement continuer de laisser croire aux Français que l’Etat a encore les moyens de créer des aides factices pour tel ou tel secteur d’activité, voire qu’il pourrait s’ingérer dans les affaires internes d’une entreprise privée quitte à monter dans son capital ? Arrêtons donc de prendre des vessies pour des lanternes. Depuis une vingtaine d’années, la France s’est engagée avec obstination dans une voie sans issue, avec, à droite, l’augmentation des dépenses publiques, à gauche, l’accroissement des impôts et, au bout du chemin, la faillite. Aujourd’hui, le mur se rapproche dangereusement. Mais la France accélère et klaxonne, pensant peut-être qu’ainsi le mur va disparaître.
Evidemment, il n’en sera rien. Malheureusement, c’est notre génération qui va devoir gérer le choc frontal. Et ce, alors qu’elle n’y est pas du tout préparée et que nos dirigeants le sont encore moins. Si beaucoup d’économistes continuent également de se voiler la face, espérant un poste de sous-fifre dans tel ou tel ministère ou une légion d’honneur ou simplement une petite faveur, nous continuerons de faire notre travail et de dénoncer ces errements. Nous n’appartenons à aucun courant politique. Nous voulons simplement que la France se redresse. Vu les circonstances, elle ne pourra pas le faire avant septembre… 2014, c’est-à-dire une fois que la crise sociale aura obligé les dirigeants français à faire un virage à 180° et en espérant que la zone euro n’aura pas disparu d’ici là. En attendant passez donc de bonnes vacances et carpe diem !
Marc Touati