Economie et marchés : Va-t-on enfin retrouver un peu d’espoir ?

 

Après avoir encaissé une succession de mauvaises nouvelles en provenance de Grèce, d’Espagne et de l’ensemble de la zone euro, les marchés et les investisseurs internationaux semblent vouloir retrouver le chemin de l’espoir. En effet, malgré les nouvelles menaces qui pèsent sur l’Espagne et en dépit de l’absence de réactivité des dirigeants eurolandais, les marchés boursiers ont repris quelques couleurs cette semaine.

S’agit-il d’un dernier baroud d’honneur avant un véritable effondrement ou alors d’une nouvelle tendance durable. En fait, comme le montre la baisse des grands indices en fin de semaine, la bataille est loin d’être gagnée. Et pour cause : la visibilité est nulle et les cartes sont uniquement entre les mains des dirigeants politiques. Or, comme cela s’observe depuis au moins une dizaine d’années et encore plus depuis le début de la crise grecque, ceux-ci s’avèrent particulièrement incapables de prendre des décisions efficaces et de surmonter leur dogmatisme maladif en faveur d’un peu plus de pragmatisme.

Certes, le Président de la BCE Mario Draghi a enfin ouvert la porte à une prochaine baisse du taux refi. Celle-ci devrait être modérée (0,25 point) et se produire début juillet. Mieux vaut tard que jamais. Mais, une fois encore, une question demeure : si la décision est prise, pourquoi attendre encore un mois ? En effet, toute inflexion de politique monétaire prend au moins six mois avant d’agir sur l’activité. Or, la récession est déjà de retour dans de nombreux pays de la zone euro. Pis, elle devrait s’imposer dans la quasi-totalité de l’UEM d’ici l’été prochain. C’est par exemple ce qu’ont encore montré les enquêtes des directeurs d’achat dans l’industrie et les services pour l’ensemble de la zone euro. Même la Banque de France vient enfin de se rendre compte que l’Hexagone était aussi en train de replonger dans la décroissance. Ce n’est pas trop tôt, mais un certainement un peu tard pour M. Hollande et pour ses prévisions de déficits publics.

Toujours est-il que plus la BCE attend, plus la récession s’installera et plus la reprise mettra du temps à s’imposer. Or, il y a urgence : le taux de chômage flambe partout (à l’exception notable de l’Allemagne, du moins pour l’instant) et ce, en particulier pour les jeunes. Or, par définition, ces derniers sont les moteurs d’une économie. S’ils travaillent et sont confiants, ils portent l’économie vers le dynamisme. S’ils se morfondent et ne croient pas en l’avenir, ils risquent d’alimenter les dérapages sociaux, voire pire. Dans ce cadre, l’épée de Damoclès du désordre social continue de peser au-dessus de nos têtes et ne peut nous permettre de retrouver l’optimisme, tant d’un point de vue économique que boursier.

En outre, même si de plus en plus d’observateurs veulent croire à une issue favorable des législatives grecques, l’incertitude demeure élevée. Parallèlement, si personne ne veut imaginer un effondrement de l’Espagne ou un clash franco-allemand, il n’existe aucune véritable garantie permettant d’exclure catégoriquement ces deux cas de figure.

Bien au contraire. Ainsi, il faut bien prendre conscience que, si la croissance ne revient pas très vite, la crise espagnole ne fait que commencer et finira par dégénérer vers un scénario grec.

Du côté franco-allemand, n’en déplaise à notre nouveau Président, il faut aussi reconnaître que les divergences sont toujours bien présentes. Les législatives hexagonales apporteront d’ailleurs leur lot d’incertitudes et de tensions ? Le PS pourra-t-il gouverner seul ou aura-t-il besoin de l’extrême gauche ? Le cas échéant, y-aura-t-il des ministres communistes au gouvernement, qui, à l’instar de la madeleine de Proust, nous ramèneront trente ans en arrière. Le contexte est bien entendu différent. D’abord, en bien : l’URSS et la guerre froide n’existent plus. Mais aussi en mal : en 1981, la dette publique française n’était que de 20 % du PIB. Elle est aujourd’hui de 90 %, dont plus des deux tiers sont détenus par des investisseurs étrangers (contre une part de moins de 20 % il y a trente ans). Autrement dit, si Jean-Luc Mélenchon fait un peu moins peur que Georges Marchais, un dérapage de la France sur l’aile gauche, notamment en matière d’augmentation des dépenses publiques, sera très rapidement sanctionné.

Si les taux d’intérêt des obligations de l’Etat français ont incroyablement baissé ces dernières semaines (notamment via un mouvement de « flight to quality », la France apparaissant plus sûre que l’Espagne et ses homologues du Sud de l’Europe), ils pourraient tout aussi rapidement augmenter en cas de forte dégradation de la note de la France. Pour l’instant, les agences de notations sont restées clémentes à l’égard de celle-ci, mais après les législatives, rien n’est assuré.

Une fois encore, nous sommes donc à la merci des décisions politiques qui seront prises dans les prochaines semaines et les prochains mois. Certes, les dirigeants eurolandais nous ont promis qu’ils allaient enfin apporter des réponses sérieuses pour sortir de la crise. Mais, n’est-ce pas ce qu’ils cessent de nous promettre depuis trois ans. Combien de sommets de la dernière chance et de plans de sauvetage pour rien ? Nous voulons bien les croire encore une fois, mais jusqu’à quand ? Face à cette incertitude non-maîtrisable, il faut donc se préparer à une très forte volatilité des marchés boursiers et des cours des devises, notamment sur l’euro/dollar.

Plus fondamentalement, soulignons que les investisseurs de long terme sont de moins en moins présents sur les marchés. Plus que jamais, ces derniers sont donc entre les mains des fonds spéculatifs, notamment caractérisés par une gestion de « trading », donc de très court terme, avec des mouvements de forte ampleur et aucune visibilité.

Ceux qui savent naviguer en eaux troubles et aiment les montagnes russes seront donc servis, pour les autres, il sera plus prudent de s’abstenir de prendre des risques. Par gros temps, mieux vaut rester au port…

Marc Touati