Hollande, Grèce, Zone euro : quitte ou double… (E&S n°212)

 

Humeur :

Hollande et la zone euro : quitte ou double…

Et c’est parti ! Sans véritable surprise, François Hollande a été élu Président de la République française. La thématique de « l’homme normal » a donc été payante. Seulement voilà, la situation économique hexagonale et européenne actuelle est loin d’être « normale ». Avant même d’avoir pris ses fonctions, le nouveau Président a d’ailleurs pu se rendre compte que l’euphorie de la victoire allait être de courte durée. Et pour cause : les élections grecques ont rappelé qu’à l’inverse de ce que n’a cessé de clamer Monsieur Sarkozy depuis des mois, la crise de la zone euro est loin d’être terminée.

Cette triste situation confirme que l’UEM ne peut perdurer sans un minimum d’union politique. En effet, tant que celle-ci n’est pas complétée par une institution politique supranationale, elle reste menacée par la moindre crise d’un de ses membres, quand bien même celui-ci serait le plus petit. Cette nécessité n’est pas nouvelle, elle est écrite noir sur blanc dans le Traité de Maastricht, qui souligne que l’UEM n’est qu’une étape de la construction européenne vers une Union politique et fédérale. Que l’on soit pour ou contre, il est clair que sans cette dernière, la zone euro ne pourra survivre.

Quant à ceux qui pensent qu’une sortie de la Grèce de l’UEM résoudrait la question, ils doivent savoir qu’il n’est pas possible juridiquement d’exclure un pays de la zone. Cette décision ne peut être prise que par la Nation en question. Or, les Grecs n’ont aucun intérêt à quitter l’euro. En effet, grâce à l’UEM, la Grèce n’a pas à s’endetter sur les marchés pour financer son déficit. Ce sont les autres pays eurolandais qui s’endettent à sa place et lui prêtent ensuite à un taux de 4,5 %. Si les Grecs sortent de la zone, ils ne pourront plus bénéficier de cette « facilité de caisse » et devront payer leur dette publique aux taux de marchés, qui avoisinent les 22 % pour le taux à dix ans et les 220 % pour le deux ans. De tels niveaux ne manqueront évidemment pas d’aggraver la récession, donc d’augmenter les déficits, puis la dette. Le cercle pernicieux continuera alors jusqu’à ce qu’un Chevalier blanc se présente pour prendre la Grèce sous son aile, annuler sa dette passée et à venir, tout en prenant le contrôle de ses principaux actifs. Et si la Chine réussit à jouer ce rôle, il y a fort à parier que les Etats-Unis ne resteront pas les bras croisés. De là à imaginer un conflit militaire, il n’y a malheureusement qu’un pas. En outre, avant d’en arriver là, il paraît clair que si la Grèce ouvre la boîte de Pandore de la sortie de la zone euro, d’autres pays pourront être tentés de les suivre, détruisant définitivement l’UEM telle que nous la connaissons aujourd’hui. A l’évidence, la sortie de la Grèce de l’UEM est une « vraie fausse bonne idée ».

Elle l’est d’autant plus que la récession s’installe, non seulement en Grèce, mais également dans la grande majorité des pays eurolandais. Après la crise grecque, c’est là le deuxième grand défi qui attend le nouveau Président français. Hasard du calendrier, le 15 mai, jour de l’arrivée officielle de François Hollande à l’Elysée, l’INSEE publiera les comptes nationaux hexagonaux du premier trimestre 2012. En guise de cadeau (empoisonné) de bienvenue, une baisse du PIB français devrait être annoncée. Dans le même temps, Eurostat devrait confirmer le deuxième trimestre consécutif de recul du PIB de la zone euro, et, par là même, la rechute officielle de cette dernière en récession.

L’équation de sortie de la crise de la dette publique va donc encore se compliquer. En effet, depuis désormais cinq ans, la France et la quasi-totalité des pays de l’UEM (à l’exception notable de l’Allemagne, du Luxembourg et de la Finlande) ne parviennent plus à réaliser une croissance économique suffisamment forte ne serait-ce que pour rembourser la charge annuelle des intérêts de la dette publique. A présent que la récession s’impose à nouveau, la tâche va devenir encore plus ardue, entraînant inévitablement une nouvelle phase de dégradation des notes des dettes publiques européennes et française. Certes, Standard & Poor’s a annoncé qu’il ne dégraderait pas la France au lendemain de la victoire de François Hollande. Encore heureux ! Agir différemment, avant même les premières mesures du nouveau Président aurait constitué un « délit de faciès ». En revanche, si, dans un contexte de baisse du PIB, les premières mesures de ce dernier vont dans le sens d’une augmentation des dépenses publiques, la note de la France sera immanquablement dégradée d’au moins deux crans. De quoi faire progresser les taux longs à plus de 4 % et aggraver par là même la situation économique de l’Hexagone.

Pour éviter d’en arriver là, il n’y a finalement qu’une seule solution : restaurer la capacité de la France et de la zone euro à générer une croissance forte. De ce point de vue, on peut dire que tout le monde est d’accord. Le seul problème est que les moyens de parvenir à cette croissance diffèrent que l’on soit d’un côté du Rhin ou de l’autre. Pour les Allemands, le retour du dynamisme économique ne peut passer que par des réformes structurelles majeures, notamment sur la flexibilité du marché du travail, sur la réduction des dépenses publiques et sur la compétitivité des entreprises. C’est d’ailleurs cette stratégie qui a été mise en pratique outre-Rhin avec succès depuis plus de dix ans.

Seulement voilà, tous les Européens ne sont pas des Allemands et ne sont pas forcément prêts à supporter la cure germanique des années 2000. En outre, comme nous l’avons souvent souligné, il ne sert à rien de « mourir guéri ». Autrement dit, à quoi bon pratiquer la rigueur, si cela doit provoquer un marasme social et, in fine, l’explosion de la zone euro.

C’est pour toutes ces raisons que s’ils veulent éviter le pire, les Français et les Allemands sont obligés de s’entendre. Mais ne soyons pas dupes. Comme elle n’a cessé de le répéter depuis une semaine, Mme. Merkel n’acceptera pas de signer un chèque en blanc aux Français et encore moins aux Grecs. En d’autres termes, l’Allemagne finira certainement par mettre de l’eau dans son vin, mais si et seulement si, elle obtient des garanties de ses partenaires, et en particulier de la France, en matière de réduction des dépenses publiques.

Si nous parvenons à ce compromis, alors la zone euro sera sauvée. Sinon, il faut se préparer à un véritable clash franco-allemand qui entraînera une crise politique, économique et sociale sans précédent à l’échelle de la zone euro et certainement de la planète. A l’évidence, pour sortir de l’ornière, il ne suffira pas d’être « normal ».

Marc Touati


Quid des marchés cette semaine ?

La peur au ventre.


Depuis le 6 mai 2012, l’évolution du Cac 40 s’avère particulièrement chaotique : – 1,9 % le lundi 7 au matin, + 1,6 % le jour même à la clôture, – 2,8 % le lendemain, et enfin – 0,2 % le mercredi, puis + 0,4 % le jeudi…

A l’évidence, ceux qui aiment les montagnes russes ont été servis cette semaine. Et ce n’est pas fini. En effet, les marchés naviguent en eaux troubles. Il n’y a aucune visibilité.

Les marchés boursiers naviguent à vue…

Source : Bloomberg

 

La Grèce va-t-elle enfin sortir de la crise ? Ou alors va-t-elle quitter la zone euro ? Angela Merkel va-t-elle accepter d’ajouter un volet « croissance » au pacte budgétaire ? Mais de quelle croissance s’agira-t-il ? Celle de la gauche française qui souhaite encore augmenter les dépenses publiques ? Ou bien celle de la CDU allemande qui ne jure que par la flexibilité du marché du travail et la compétitivité des entreprises ?

Autant de questions qui restent sans réponse et qui font surtout froid dans le dos. En effet, sans un couple franco-allemand uni, la construction européenne ne pourra avancer et la zone euro restera menacée.

Dès lors, en fonction de l’issue de la joute politique qui se joue devant nos yeux entre la France et l’Allemagne, mais aussi en Grèce, en Espagne et finalement dans la grande majorité des pays eurolandais, les marchés boursiers pourront passer du rouge incandescent au vert scintillant.

Il en sera de même sur les marchés obligataires ou encore sur les devises.

Certes, en matière d’obligation d’Etat, le « flight to quality » vers le marché allemand commence à devenir excessif. Si bien qu’avec des taux d’intérêt à dix ans à 1,5 %, l’Etat allemand risque d’avoir des difficultés à attirer les investisseurs internationaux.

Quant à l’OAT dix ans, jusqu’à présent, il ne s’en tire pas trop mal. Situation somme toute « normale », dans la mesure où, pour le moment, aucune décision de politique économique n’a été prise par le nouveau Président français qui jouit donc toujours du bénéfice du doute.


Le flight to quality allemand devient excessif.

Source : Bloomberg

En revanche, si Monsieur Hollande décide d’augmenter fortement les dépenses publiques, le couperet tombera très rapidement : la note de la dette publique française sera dégradée d’au moins deux crans et les taux d’intérêt à dix ans flamberont au-delà des 4 %. Des évolutions qui ne manqueront pas de casser le peu de croissance qui nous reste et d’exacerber les tensions sur les marchés financiers.

A partir de là, le nouveau Président devra réagir très vite et prendre ses responsabilités. Attention, nous ne sommes pas en 1981. A l’époque, la dette publique française n’était que de 20 % du PIB et cette dernière était détenue à 80 % par des investisseurs nationaux. Dès lors, le Président Mitterrand a pu bénéficier de deux ans avant de faire machine arrière et sauver la construction européenne. La situation actuelle est très différente : la dette publique avoisine les 90 % du PIB et est détenue à plus de 65 % par des investisseurs étrangers. Dans ce cadre, la France aura, au mieux, quatre mois, pour faire face à ses engagements internationaux et convaincre ses partenaires européens.

Rien n’est encore joué. Ce sont souvent des guerriers qui font la paix et des pacifistes qui font la guerre. Autrement dit, Monsieur Hollande aura peut-être les moyens et la volonté de convaincre les Allemands, mais ceci ne pourra se faire sans réduction des dépenses publiques françaises.

En d’autres termes, la mission principale du nouveau Président consiste à restaurer la crédibilité de la France sur la scène européenne. S’il y parvient, alors la croissance pourra revenir et la zone euro sera sauvée. Sinon, il faut malheureusement se préparer à une crise encore bien plus dramatique que celle que connaissent l’Hexagone et la zone euro depuis 2008.

Compte tenu de ce danger, certes seulement potentiel pour le moment, on peut dès lors comprendre pourquoi les marchés vont rester extrêmement volatiles au cours des prochains mois. Seul réconfort très relatif : d’ici septembre, nous devrions être fixés sur notre sort…

Marc Touati

 


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 


 


 


Les évènements à suivre du 14 au 18 mai :


La zone euro retourne officiellement en récession.

 


L’actualité économico-statistique sera particulièrement dense cette semaine. Nous suivrons outre-Atlantique l’indice des prix à la consommation ainsi que les ventes au détail (mardi). Nous connaitrons les chiffres des mises en chantier et des permis de construire ainsi que ceux la production industrielle (mercredi). Enfin, nous terminerons la semaine par l’indice de confiance des consommateurs du Conference Board (vendredi).

 

De ce côté de l’Atlantique, nous prendrons connaissance mardi du PIB eurolandais pour le premier trimestre 2012.

 

Mardi 15 mai, 11h (heure de Paris) : la zone euro entre officiellement en récession au premier trimestre.

Entrée en récession au troisième trimestre 2008 pour en sortir au troisième trimestre 2009, la Zone euro va retomber dans l’ornière. En effet minée par la crise de la dette, la faiblesse de l’investissement des entreprises et un taux de chômage à son plus haut historique, le PIB eurolandais devrait chuter de 0.2 % au premier trimestre 2012. Il s’agira de son deuxième trimestre consécutif en territoire négative signifiant l’entrée officielle de la zone euro en récession. Le PIB français devrait connaître un recul similaire alors que nos voisins outre-Rhin pourraient afficher une croissance nulle.

 

Mardi 15 mai, 14h30 : l’inflation recule encore outre-Atlantique.

Après avoir progressé de 0,3 % en mars, l’indice des prix à la consommation tiré par la baisse des cours du baril ne devrait augmenter que d’un petit 0,1% en avril. Par conséquent, l’inflation pourrait encore reculer pour afficher un niveau de +2,4 % en avril, soit un plus bas depuis février 2011. Hors énergie et alimentation, cette dernière devrait rester stable à +2,3 % en avril.

 

Mardi 15 mai, 14h30 : modeste hausse des ventes au détail américaines en avril.