Des Présidentielles au ras des pâquerettes…

 

Il faudrait vraiment arrêter de prendre les Français pour des « canards sauvages ». En effet, rarement le débat qui accompagne les élections présidentielles hexagonales n’a été aussi médiocre. A la rigueur, si nous étions dans une phase de croissance forte, avec un taux de chômage de 5 %, une zone euro en pleine forme et un baril de pétrole à 80 dollars, une telle situation pourrait se comprendre.

Mais, aujourd’hui, avec une croissance française proche de zéro, un taux de chômage de 10 %, une récession durable de la zone euro, une crise de la dette publique qui est loin d’être terminée et des cours du brent à plus de 120 dollars, la faiblesse du débat présidentiel fait froid dans le dos.

Elle est d’autant plus inquiétante que le futur président de la France devra peut-être gérer une nouvelle tempête qui pourrait mettre fin à la zone euro. En effet, nous le savons depuis la création de l’Union Economique et Monétaire, l’euro n’est viable à long terme que s’il réunit des pays parfaitement intégrés d’un point de vue économique et social. Cela doit notamment passer par une harmonisation des conditions fiscales et réglementaires, une unification des marchés du travail et un budget fédéral eurolandais.

Tant que ces trois chantiers n’auront pas été menés à bien, la zone euro est, par construction, bancale, donc vouée à l’échec.

L’apparent sauvetage de la Grèce ne change rien et ne fait d’ailleurs que confirmer une situation de plus en plus dangereuse dans la quasi-totalité des pays de l’UEM qui, depuis cinq ans, sont incapables de réaliser une croissance suffisante ne serait-ce que pour rembourser les intérêts de leur dette publique.

Nous ne le dirons donc jamais assez : tant que nous n’aurons pas restauré une croissance forte dans la zone euro, nous ne pourrons pas sortir de la crise de la dette publique. A titre d’exemple, en dépit de l’annulation de la moitié de la dette grecque détenue par des investisseurs privés, l’endettement total de l’Etat hellène dépasse encore les 120 % du PIB. Tout ça pour ça ! En outre, pour rembourser la charge annuelle d’intérêts de la dette, la Grèce devra générer au moins 5,5 % de croissance en valeur. Nous en sommes très loin, puisque la récession risque de durer au moins jusqu’en 2013.

Les sourires et les satisfécits des dirigeants eurolandais relèvent donc avant tout du marketing et ne doivent pas faire oublier que la zone euro reste grandement menacée.

Face à ces dangers, nous aurions été en droit d’espérer des candidats à la présidentielle française un débat et des propositions qui tiennent la route, notamment sur le front économique. Pourtant, en lieu et place de ces dernières, les deux principaux candidats proposent, à gauche, d’augmenter encore les dépenses publiques et de faire payer les « riches » ; à droite, de réformer la Prime pour l’Emploi sans aucun engagement sur la baisse des dépenses publiques et encore moins sur la réduction de la pression fiscale.

Soyons clairs : ce n’est pas avec une telle stratégie et de telles « mesurettes » que la France sortira grandie des prochaines élections présidentielles.

Quel pourrait donc être le scénario catastrophe de l’après-mai 2012. En fait, quel que soit le vainqueur, il est à peu près certain que les dépenses publiques ne baisseront pas et que les impôts augmenteront. Dès lors, en dépit des artifices statistiques tels que ceux utilisés pour les comptes nationaux du quatrièmes trimestre, une nouvelle récession durable s’imposera dans l’Hexagone.

De la sorte, les déficits publics s’accroîtront de nouveau, avec, à la clé, un dérapage aggravé de la dette publique et des taux d’intérêt. Conséquence logique de la flambée des taux, l’investissement et la consommation se replieront et l’activité continuera de décliner. Ce qui suscitera une nouvelle hausse des déficits publics.

Dès septembre 2012, l’Allemagne augmentera alors la pression. N’oublions pas que, d’ores et déjà, le poids des dépenses publiques dans le PIB atteint 57 % dans l’Hexagone, contre 46 % outre-Rhin. Une nouvelle augmentation de cet écart serait évidemment très mal accueillie par nos cousins « germains », d’autant qu’ils entreront, à leur tour, en phase électorale.

Face à cette tension, le Président français devra alors faire un choix douloureux, à l’instar de celui de François Mitterrand en 1982. Soit il décide de réduire nos dépenses publiques et la zone euro sera sauvée, soit il n’y parvient pas et l’Allemagne finira par claquer la porte du couple franco-allemand, prélude à un éclatement de la zone euro.

Or, comme nous l’avons déjà expliqué dans ces mêmes colonnes, si la zone euro explose, la France et ses partenaires européens entreront dans une nouvelle crise sans précédent qui durera au moins dix ans. Cette crise sera à la fois économique, financière, sociale et géopolitique.

Face à ces dangers, il est donc impératif que les candidats à la Présidentielle et notamment les deux principaux élèvent le débat. La question est simplement de savoir s’ils en ont l’envie et surtout le courage…

Marc Touati