Un point sur la réforme du système financier mondial.

  

Depuis le début de la crise des « subprimes », fin 2007, les diverses réunions du G20 (5 au total) ont tenté de faire avancer plusieurs chantiers de réforme, destinés à stabiliser et à réguler le système financier international. Où en sommes-nous aujourd’hui ? On peut regrouper les diverses initiatives prises en 3 catégories : la refonte du système monétaire international ; la régulation des marchés financiers ; la surveillance des systèmes bancaires.

Arrêtons- nous sur chacun de ces points.

1.              La refonte du système monétaire international.

Les objectifs principaux d’une réforme concrète du système peuvent s’énoncer de la façon suivante : limiter la volatilité des monnaies entre elles ; diversifier l’offre des monnaies de réserve, pour diminuer l’hégémonie du dollar ; rapprocher les parités de leur valeur intrinsèque (c’est à dire réévaluer le yuan chinois).
Il faut admette que peu de progrès ont été réalisés sur ces différents points ! Les Chinois refusent de se plier à des contraintes extérieures. Ils réévalueront leur monnaie à un rythme lent (pour éviter de nuire à leur avantage compétitif). On peut seulement espérer qu’ils continueront à libéraliser les régimes de conversion du yuan, ce qui devrait permettre à cette monnaie d’évoluer vers sa valeur intrinsèque… d’ici 5 ou 10 ans. Par ailleurs, les principaux pays du monde se sont mis d’accord sur un renforcement du FMI (Fonds Monétaire International), avec, à moyen terme, l’intégration du yuan dans la définition des DTS (Droits de Tirage Spéciaux), monnaie de compte utilisé par le fonds. Cette initiative, jointe à l’extension à la convertibilité du yuan, mentionnée précédemment, devrait favoriser une diversification monétaire, destinée à favoriser l’émergence d’un système monétaire international multipolaire (dollar, euro, yuan).

 

2.              La régulation des marchés financiers.

Elle vise plusieurs « boucs émissaires », considérés comme co-responsables de la crise actuelle. On citera successivement : les produits dérivés, les agences de notation, les paradis fiscaux, la spéculation.

     Les produits dérivés (options, swaps ; futures, CDS, etc.).

Un effort sera fait pour rendre ces produits moins opaques en diminuant au maximum les marchés dits « de gré à gré », qui font l’objet de transactions bilatérales non publiques (donc sans cotation « officielle »). D’où l’obligation d’enregistrer ces opérations officiellement  et de les faire migrer à travers des « chambres de compensation », entités plus faciles à contrôler et qui obligent leurs intervenants à donner des garanties (dépôts, appels de marge). Cependant, ce dossier considéré comme brûlant lors des premiers G 20, a été remisé au second plan, à la suite de la crise de la dette publique, à partir de 2010.
Notons quand même une avancée en ce qui concerne les Credit Default Swaps (CDS) relatifs à la dette publique des Etats : la France et l’Allemagne vont interdire les opérations « à nu » (dans lesquelles l’acheteur n’est pas en risque, car non-détenteur de la dette sous-jacente).

     Les agences de notation.

Situées aussi dans « l’œil du cyclone », on leur reproche d’avoir une action « procyclique » lorsqu’elles dégradent la note d’un pays. De ce fait, elles accentuent les difficultés de l’Etat visé.
Deux initiatives sont à l’étude, pour contrecarrer ces effets dévastateurs. La première consisterait à créer une agence véritablement « européenne » (donc moins sensible, pense-t-on, aux lobbys financiers anglo-saxons). La seconde envisage une interdiction de noter un pays, quand ce dernier est « sous assistance internationale ». Pour l’instant, aucune décision ferme n’est intervenue sur ces 2 projets.

     Les paradis fiscaux.

Selon certaines sources, l’évasion fiscale représenterait 150 milliards, rien que pour l’Union Européenne et viendrait amplifier une spéculation internationale, considérée comme déstabilisatrice.
A la suite de négociations bilatérales, la plupart des paradis fiscaux (il y en a une quarantaine !) auraient promis de faire des efforts de transparence et de lutte contre le blanchiment d’argent sale. Seul 9 pays resteraient identifiés comme « non coopératifs » (listes noire et grise). En outre, le sujet a été un peu éclipsé depuis par la crise de la dette.

     La spéculation et la taxe Tobin

Au jour d’aujourd’hui la France et l’Italie (mais sous réserve d’accord européen) ont donné leur accord pour taxer les transactions financières(1). Celui-ci, pourrait être étendu aux autres pays de la zone euro avant 2014. Par contre, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et une grande majorité des pays en développement y sont hostiles.

Reste à savoir quelle sera l’assiette exacte de cette taxe, ainsi que son taux, son mode de prélèvement et son affectation. Un énorme chantier pour les prochaines années.

 

3.    La surveillance des systèmes bancaires.

Pour le moment, les réflexions portent sur 2 champs : le renforcement  des capitaux propres des banques, pour limiter le risque de faillite, d’une part, et, l’éventuelle séparation des activités de détail (« retail banking ») et de la banque d’affaires, d’autre part.

     Le renforcement des capitaux propres.

La plupart des pays sont d’accord pour augmenter les ratios de capitaux propres des banques. L’essentiel du travail s’effectue au sein du Comité de Bâle (réglementation Bâle 3). Pour simplifier, on indiquera que le ratio de fonds propres « durs » devra  au minimum dépasser 9%, sans compter un éventuel « risque systémique ». Malheureusement, le souci de protéger les épargnants se heurte, d’une certaine façon, au souhait de favoriser le financement bancaire en faveur de l’économie. Il est clair, en effet, que la nécessaire augmentation des capitaux propres des banques en fonction des risques pris par celles-ci peut les amener à restreindre certains crédits vers les PME par exemple. Il faudra donc trouver un équilibre entre ces deux contraintes opposées.

     La séparation de la banque de détail et de la banque d’affaires

Déjà adopté aux Etats-Unis (loi Dodd-Franck) et envisagé concrètement en Grande Bretagne (rapport Vickers), le principe de la séparation des activités de « retail banking » et des activités d’investissement apparaît moins évident en Europe Continentale, où la « banque universelle » demeure une tradition fortement établie.

Dans la mesure où les banques allemandes ou françaises ont moins souffert, lors de la crise des « subprimes », la nécessité de procéder à un partage des activités ne semble pas s’imposer, sans un minimum de réflexion identifiant clairement les avantages et les inconvénients d’une telle décision. Donc, dossier à suivre…

 

Voilà donc un bilan circonstancié des tentatives de réforme du système financier mondial depuis 2007. J’ai bien sûr laissé de côté les péripéties de la crise de la dette qui frappe essentiellement la zone euro, car ce sujet à fait l’objet de plusieurs éditoriaux précédents.

Globalement, on peut affirmer que les divers chantiers demeurent largement ouverts et resteront d’actualité au cours des prochaines années.

 

Bernard Marois

Professeur Emérite HEC Paris

Président d’Honneur Club Finance HEC

 

 


(1)Ce dossier a été relancé cette semaine par l’initiative du Président Sarkozy de voir la France mettre en place, même seule, cette taxe sur les transactions financières.