La quadrature du cercle.

 

C’est la formule qui résume le mieux la situation de la zone euro actuellement. Les pays qui constituent cette zone doivent procéder pour la plupart, à une « cure » de désendettement qui promet d’être longue, car profonde : l’endettement total (public +privé) est compris entre 300% et 400% du PIB, en moyenne, ce qui est pratiquement un record historique. Mais diminuer la dette implique à la fois une hausse des prélèvements (impôts et cotisations) et une baisse des dépenses publiques, c’est-à-dire une chute certaine de la croissance voire un plongeon dans la récession, avec comme conséquence une diminution des rentrées fiscales, donc une augmentation de la dette. La seule façon de sortir de cette souricière serait de pratiquer un étalement du processus de désendettement sur 5 ou 10 ans, de façon à préserver un minimum de croissance. Le problème, c’est que les investisseurs et les créanciers vivent désormais dans le court terme, compte-tenu des incertitudes renforcées par le manque de crédibilité des solutions proposées par les politiques jusqu’à présent ; ceux-ci apparaissent comme hésitants, divisés, et, dans tous les cas, en retard sur les évènements (le temps politique n’est pas celui des marchés !)

En fait, voici les questions soulevées par les milieux économiques :

1.            Que va-t-on faire de la Grèce, dont l’endettement dépasse 160% du PIB, le déficit budgétaire 8% et le taux de récession 6% ? Non seulement ce pays est actuellement insolvable, mais la dérive de ses coûts de production (40% par rapport à l’Allemagne sur 10 ans) interdit tout retour à l’équilibre, même si 100% de la dette grecque était annulée !

2.            Comment éviter la contagion à l’Italie de la crise  grecque, sachant que ce pays subit un endettement de 125% du PIB, avec une croissance pratiquement nulle et une gouvernance politique discréditée ? D’ores et déjà, le taux d’intérêt sur la dette italienne dépasse 6% (plus de 400 points de base au-dessus du « Bund » allemand). L’Espagne est également fragile avec 23% de chômage. Quant à la France, sa croissance est en berne, ce qui va rendre très difficile la diminution du déficit budgétaire en dessous de7%.

3.            Comment renforcer les lignes de protection de la zone euro ?

Les dernières discussions de la semaine dernière, à Bruxelles, ont abouti à la décision d’augmenter la puissance de feu du FESB (Fonds Européen de Stabilisation Financière) de 440 milliards à 1 000 milliards d’euros, avec un éventuel effet de levier possible, mais dont les mécanismes ne sont pas clairement établis. De toutes façons, c’est insuffisant, si l’Italie craque (rappelons que la dette italienne dépasse 2 000 milliards!). En outre, le FESB est censé s’appuyer, soit sur la garantie des pays dotés du triple » A » (dont le nombre risque d’ailleurs  de diminuer dans les prochains mois !), soit sur la BCE, elle-même disposant de moyens limités , en raison, entre autres, des dispositions du Traité de Maastricht.

4.            Comment consolider la gouvernance de la zone euro ?

On sait que la réponse, c’est la mise en place de mécanismes à vocation fédérale. L’ennui c’est que la réalisation concrète de cet objectif » incontournable » demande du temps, de façon à convaincre les gouvernements et les citoyens de la nécessité de réaliser une union économique et politique pour sauver l’union monétaire. Bien que les pays de la zone euro soient « riches » en termes d’actifs ou de patrimoine, cela ne garantit pas la liquidité du système financier européen, dans la mesure où les stocks (les actifs) doivent produire des flux pour alimenter les transferts au titre du service de la dette. On a vu avec la Grèce comme il était difficile par exemple d’utiliser les privatisations pour abonder le budget national. En période de crise, les disponibilités financières se cachent (achats d’or, transferts à l’étranger vers des pays « refuges », etc.).

5.            Qui viendra au secours de la zone euro ?

Si celle-ci ne peut pas se sauver elle-même quels sont les « chevaliers blancs » potentiels ? On pense d’abord au FMI, dirigé par Christine Lagarde, « une européenne », celui-ci ne peut se désintéresser de l’Europe. Cependant, les droits de vote de la zone euro au FMI ne dépassant pas 15%, ce qui est fort peu, les négociations risquent d’être difficiles. Quant aux pays émergents et en particulier la Chine et les pays pétroliers riches (Qatar, Emirats Arabes Unis, etc.), la poursuite des échanges internationaux implique une Europe non moribonde. Ils pourront peut être nous aider, mais avec quelles contreparties ?

Espérons que la réunion du G-20 à Cannes, en cette fin de semaine, apporte des réponses à ces 5 questions essentielles à notre avenir.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC Paris

Président d’Honneur du Club Finance HEC