Draghi, Papandréou : la rupture ! (E&S n°190)

 

Humeur :

Papandréou = Nappadeuro…

A force de tirer sur la corde, elle finit par se casser. Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise. La sagesse populaire ne manque pas d’adages et de proverbes pour rappeler que les abus finissent toujours par se payer très chers. Les péripéties de la crise grecque depuis deux ans, et, plus globalement, les erreurs répétées des dirigeants de la zone euro depuis une décennie n’ont cessé de le confirmer. En effet, après des mois de négociations et de réunions « de la dernière chance », les dix-sept pays de l’Union Economique et Monétaire ont finalement réussi à se mettre d’accord pour sauver la Grèce et, par là même, tenter de relancer la zone euro sur de bons rails. Certes, comme nous l’expliquions la semaine dernière dans ces mêmes colonnes, cet accord était loin d’être parfait et omettait notamment d’engager des solutions pour améliorer la croissance économique. Pour autant, il fournissait un bol d’air d’au moins six mois à la Grèce et à la zone euro, le temps de retrouver le chemin d’une activité plus soutenue.

Malheureusement, c’était sans compter le coup de poker, ou plutôt le coup de folie de M. Papandréou. L’anagramme de son nom était d’ailleurs peut-être prémonitoire : «Nappadeuro». Ainsi, plutôt que de faire profil bas et de mettre en œuvre rapidement le plan de sauvetage, le Premier ministre grec a préféré réactiver les braises encore incandescentes d’un incendie qui venait à peine d’être éteint, après deux ans de ravages. Pour ce faire, il a tout simplement décidé d’engager un référendum sur le plan d’aide européen. Et ce, tout en sachant pertinemment qu’après deux ans de récession, la population grecque refusera une nouvelle cure d’austérité et votera certainement « Non ».

Si la démarche est évidemment acceptable d’un point de vue démocratique, elle pose néanmoins plusieurs questions. D’abord, pourquoi M. Papandréou n’a-t-il pas prévenu ses partenaires européens que l’accord du 26 octobre devait être ratifié par la population ? Ensuite, si le premier ministre grec n’était pas sûr de lui ou encore n’était pas complètement satisfait du plan d’aide, pourquoi a-t-il accepté de le signer ? Enfin, si le référendum a finalement été annulé, du moins pour le moment, il est clair que les évènements des derniers jours laisseront des traces indélébiles, mais lesquelles ?

Face à un tel imbroglio digne d’un vaudeville de Feydeau, deux types de réponses sont envisageables. Première possibilité : M. Papandréou n’est tout simplement pas la hauteur de la situation. N’oublions pas que c’est précisément ce dernier qui a mis le feu aux poudres à l’automne 2009 en annonçant que la Grèce devait encore augmenter ses dépenses publiques. C’est alors que, face à autant d’audace voire d’effronterie, les Allemands ont commencé à dire «Nein». On peut effectivement les comprendre. S’ils se sont serrés la ceinture pendant dix ans, ce n’est pas pour permettre à la Grèce d’accroître indéfiniment ses dépenses et sa dette publiques.

Si cette première possibilité appelle une démission rapide de M. Papandréou, la deuxième est beaucoup plus machiavélique. En effet, l’affront de ce dernier à l’égard de ses homologues eurolandais ne serait peut-être pas le fruit de l’incompétence ou d’une bourde déplacée, mais d’un fin calcul stratégique. Ainsi, après avoir bénéficié au maximum de la bienveillance de leurs partenaires eurolandais et conscient que, désormais, son peuple n’est plus disposé à supporter le moindre nouvel effort, le gouvernement grec pourrait avoir mis au point un plan B : celui d’un « Chevalier blanc ».

Il est effectivement clair que si la Grèce rechigne à appliquer, voire refuse, le plan d’aide européen, elle se mettra en défaut de paiement et finira par sortir de la zone euro. Si tel est le cas, elle ne pourra plus profiter de l’aide de cette dernière qui lui assure notamment des taux d’intérêt avantageux pour financer ses déficits publics. Dès lors, elle ne paiera plus des taux de 4,5 % mais les véritables taux de marché, à savoir 25 % pour le taux à dix ans et 102 % pour le taux à deux ans. Autrement dit, des taux d’intérêt impraticables et qui mettront de facto la Grèce en faillite et au ban des Nations pour de nombreuses années. Même si M. Papandréou doit forcément avoir conscience de ce risque. D’où la nécessité pour lui et pour son pays de trouver un « sauveur » à l’extérieur de la zone euro, qui acceptera d’éponger ses pertes passées et à venir. Compte tenu du contexte actuel, ce Chevalier Blanc ou encore ce prêteur en dernier ressort pourrait bien être la Chine. Après avoir pris le contrôle d’une grande partie de l’Asie et de l’Afrique, l’Empire du Milieu entrerait donc en Europe par la Grèce. Avec certainement l’ambition de s’implanter dans d’autres pays européens en difficulté. Face à ce changement géostratégique majeur, il est fort probable que ni les Etats-Unis, ni les Européens, ni même la Russie ne resteront les bras croisés. Avec tous les risques d’embrasements que cela pourrait engendrer.

En résumé, quelle que soit la véritable motivation de M. Papandréou, sa décision constitue une bombe qui sera lourde de conséquences et qui, même si le référendum est a priori annulé, pourrait aboutir à l’explosion de la zone euro. Car, si la Grèce fait défaut, cela signifie que les banques et les Etats créanciers de celle-ci devront subir d’importantes moins-values. Pis, cela pourrait engendrer un effet domino sur d’autres pays fragilisés et engager une crise bancaire et économique sans précédent. Par exemple, il est évident que la note de la France sera fortement dégradée, d’où une augmentation importante des taux d’intérêt, donc une récession aggravée, un chômage en hausse et des déficits publics accrus. La bulle de la dette dans laquelle se trouve la France depuis quatre ans enflerait encore et le cercle infernal continuerait jusqu’à l’explosion de l’UEM. Pour éviter d’en arriver là, il n’y a que deux solutions : 1. Changer de gouvernement grec en maintenant l’annulation du référendum. 2. Engager une politique eurolandaise efficace, avec baisse du taux refi à 0,5 %, dépréciation de l’euro à 1,15 dollar et politique d’investissement à l’échelle de l’Union.

L’avenir de cette dernière pourrait donc prendre trois formes. Primo, si les mesures ci-dessus sont appliquées, un sauvetage in extremis. Secundo, si rien n’est fait, une destruction pure et simple, avec retour des anciennes devises nationales. Tertio, une solution intermédiaire, à savoir une zone euro de seulement cinq ou six pays économiquement très proches, avec une harmonisation des conditions fiscales et réglementaires, ainsi qu’un budget fédéral. C’est d’ailleurs ce qui était prévu initialement par le Traité de Maastricht. Cependant, en 1999 et pour des raisons bassement politiques, la France imposa une zone euro élargie, avec toutes les conséquences négatives que nous connaissons aujourd’hui. De quoi rappeler que l’incompétence des dirigeants européens ne date pas d’hier…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Emploi américain : doucement mais sûrement.


Bien qu’il n’ait toujours pas trouvé sa vitesse de croisière, le marché du travail américain se redresse doucement.

Ainsi, après avoir créé 158 000 emplois en septembre (contre 103 000 lors de la précédente publication), la job machine américaine en a généré 80 000 en octobre, soit un total de 1 256 000 depuis le début de l’année.

Comme attendu, au vu de la dernière enquête ADP, le secteur privé a une fois de plus tiré son épingle du jeu en créant 104 000 emplois en octobre après +191 000 en septembre. Le secteur des services se distingue particulièrement avec 114 000 créations d’emplois dont 32 000 pour les services aux entreprises.

A noter également la bonne tenue du secteur du détail qui après avoir créé 13 000 emplois en septembre en a généré 18 000 en octobre. Sans oublier le secteur manufacturier qui après deux mois difficiles est redevenu créateur net d’emplois en octobre (+ 5000). Enfin le secteur public continue logiquement de détruire des emplois (-24 000 en octobre).

Alors qu’elle devrait créer 200 000 emplois par mois pour être à plein régime la job machine américaine est cependant encore à la traine.

Le secteur des services tire l’emploi.

Sources : Bureau of Labor Statistics, Datastream

Par ailleurs, le glissement annuel de l’emploi recule avec un niveau de +1,15 % YoY en octobre après 1,23 % YoY en septembre. Pour les prochains mois, l’évolution de l’emploi devrait toutefois se reprendre. C’est en effet ce qu’indique l’indice emploi de la dernière enquête ISM dans le secteur non-manufacturier qui a atteint un niveau de 53,3 en octobre après 48,7 en septembre. Parallèlement, son équivalent dans le secteur manufacturier reste sur le niveau consistant de 53,5 en octobre après 53,8 en septembre.

 


Comme l’indiquent les indices ISM, l’emploi devrait se redresser dans les prochains mois.

Sources : BLS , ISM ,Datastream

Petite satisfaction, le taux de chômage qui affiche un niveau de 9,1 % depuis le mois de juillet, recule légèrement pour atteindre 9 %. Cependant, alors que l’économie mondiale ralentit et que le dollar reste élevé, le cercle vertueux investissement-emploi-consommation n’est toujours pas en place.

Le taux de chômage recule mais reste élevé.

Sources : BLS ,Datastream.

D’autre part, les salaires progressent encore mais ne font pas d’étincelles (+0,2 % pour le salaire horaire moyen comme pour le salaire hebdomadaire moyen) portant leurs glissements annuels à + 1,8 % Enfin, le nombre hebdomadaire d’heures travaillées reste stable à 34,3.

Pour conclure, le marché de l’emploi progresse doucement mais sûrement et si le taux de chômage restera néanmoins élevé cette année pour afficher en moyenne un niveau de 9 %, il devrait reculer à 8,5 % en 2012.

Jérôme Boué


.La météo économique de la semaine écoulée :

 


 

 


Les Marchés:

Avec Draghi, la BCE n’a pas Trichet !


A ceux qui voulaient laisser croire que Jean-Claude Trichet n’était pour rien dans la stratégie extrémiste de la BCE, Mario Draghi vient de démontrer le contraire.

En effet, alors qu’il y a tout juste un mois, l’ancien Président de la BCE soutenait que le taux refi était à un niveau approprié et qu’il n’était pas envisageable de le réduire à court terme, son successeur a donc invalidé ce triste choix.

Certes, la baisse du taux refi n’a été que de 25 points de base, ce qui reste insuffisant si l’on veut sortir la zone euro de la récession dans laquelle elle est en train de replonger.

La zone euro tout droit vers la récession.

Sources : Bloomberg, Markit PMI

 

Cependant, la bonne direction a été prise : « Super Mario » ne suivra pas les traces de ses deux prédécesseurs et fera son maximum pour éviter de sacrifier la croissance sur l’autel de l’inflation.

Pour autant, il ne faut pas non plus crier victoire trop vite. Tout d’abord, parce que le taux refi de la BCE reste encore largement supérieur à ses homologues occidentaux, et notamment à celui du taux objectif des federal funds.

Ce dernier étant compris entre 0 % et 0,25 %, les mouvements de carry trade (emprunts de dollars à court terme pour acheter des euros mieux rémunérés) risquent de se poursuivre. Ce qui empêchera une dépréciation significative de l’euro.

Autrement dit, pour vraiment relancer la croissance, la BCE doit amener son taux refi à 0,5 % au plus vite. Cela permettra de favoriser un retour de l’euro sous les 1,20 dollar, tout en améliorant les conditions de financement de l’investissement et de la consommation.

Ces évolutions soutiendront alors automatiquement l’économie eurolandaise qui pourra sortir de la récession et retrouver le chemin d’une croissance appréciable.


Le taux refi est encore trop élevé par rapport à ses homologues.