2011-2012 : Après la crise, la re-crise ? (E&S n°184)

 

Humeur :

Perspectives 2012 : Après la crise, la re-crise ?

Nous ne le répéterons jamais assez : les crises font partie de la vie économique. Elles sont inévitables. Dès lors, en avoir peur ou refuser de les affronter est, par définition, voué à l’échec. Au contraire, celui qui ose réagir et investir n’est certes pas sûr de gagner, mais se donne au moins une chance d’y arriver. Autrement dit, face à l’adversité, la meilleure défense c’est l’attaque. C’est grâce à un tel comportement que la crise de 2009, qui, au dire du plus grand nombre, devait être pire que celle de 1929, a pu être surmontée. Si bien qu’une nette reprise s’est engagée dès la fin 2009 et s’est renforcée en 2010.

Pour parvenir à un tel résultat, la mobilisation des dirigeants de la planète a évidemment été nécessaire. Il s’agissait, en effet, d’éviter les erreurs commises en 1929 et notamment la faillite généralisée du système bancaire, le retour d’un protectionnisme massif et l’absence de politique de soutien à l’activité. Fort heureusement, en 2008-2009, les Etats ont sauvé la plupart des banques (à l’exception regrettable de Lehman Brothers), et ce, en engrangeant quelques profits notables. Parallèlement, le G20 de Londres en avril 2009 a tourné le dos au protectionnisme, permettant de trouver une solution à l’échelle mondiale. Enfin, des relances budgétaires et monétaires conséquentes ont été menées à travers le globe, de manière à éviter le chaos.

Malheureusement, chassez le naturel, il revient au galop. Car, si les dirigeants politiques et monétaires ont réussi à agir efficacement dans l’urgence en 2008-2009, faisant oublier en partie leurs erreurs passées, ils ont très vite retrouvé leurs vieux travers. Ainsi, après seulement un an et demi de reprise, l’économie internationale a déjà retrouvé les affres de la crise. Pis, elle semble désormais vouée à un avenir particulièrement terne. A tel point qu’après avoir disparu de la circulation faute de « résultats », les « tenants de l’apocalypse » refont dangereusement surface. Après avoir eu tort sur toute la ligne du printemps 2009 à la fin 2010, ils se sentent pousser des ailes et annoncent les plus funestes scénarios. Certains nous refont ainsi le coup de la « Grande dépression pire que 1929 ». D’autres prédisent l’explosion imminente de la zone euro. Enfin, les plus fantasques, qui décidément ne reculent devant rien pour faire parler d’eux, nous disent qu’il faut absolument retirer son argent des banques, parce qu’elles vont toutes tomber en faillite. Ah, décidément, la « fin du monde » est un bon filon ! Le drame c’est qu’à force de rabâcher les mêmes sornettes, ils pourraient finir par avoir raison. Rassurez-vous, nous n’avons pas « viré notre cuti ». Cependant, il faut reconnaître qu’avec les erreurs récurrentes et les déclarations irresponsables des dirigeants politiques et monétaires, il y a de quoi s’inquiéter.

Mais pourquoi sommes-nous passés si rapidement de la reprise à la « re-crise »? La réponse est tristement simple. Elle s’explique par le fait qu’après avoir relancé la machine, les pouvoirs publics doivent logiquement payer la facture. Or, dans la quasi-totalité des pays développés, la croissance générée par la relance est nettement insuffisante ne serait-ce que pour payer les intérêts de la dette publique. Dès lors, comme cela s’observe depuis quatre ans, la bulle de la dette s’installe et s’amplifie. Et ce notamment dans la zone euro, qui est, par ailleurs, structurellement menacée par l’absence d’une gouvernance fiable et crédible depuis sa création.

Pourtant, plutôt que d’éteindre l’incendie, les responsables eurolandais ne cessent de mettre de l’huile sur le feu. C’est bien là le problème : lors de la crise de 2009, c’est la sphère privée qui a dû faire preuve d’efforts et de sacrifices, réussissant par là même à sortir de l’ornière. Aujourd’hui, c’est au tour de la sphère publique de faire son aggiornamento, mais là, c’est bizarrement beaucoup plus difficile. Bien sûr, certains vont nous dire que c’est à cause de la spéculation, que les marchés ont trop de pouvoir et dictent leur loi… Ceux-là oublient simplement que si tel est le cas, c’est parce que les Etats se sont trop endettés auprès des marchés et qu’ensuite ils n’ont pas tenu leurs engagements de réduction des déficits publics. Dès lors, leurs créanciers leur demandent des comptes.

C’est pour cette raison que les prochains trimestres deviennent délicats. Car, la sortie de la crise grecque et plus globalement de celle de la zone euro dépend de décisions politiques, par définition non-maîtrisables. Pour ne rien arranger, 2012 sera une année d’élections présidentielles tant en France qu’aux Etats-Unis, ce qui ne manquera pas d’ajouter à la cacophonie et à l’attentisme ambiants. Aussi, nous sommes au regret de signaler qu’après avoir frôlé la récession en 2011, la zone euro restera sur le chemin de l’atonie en 2012, avec une croissance d’environ 1,6 % pour ces deux années. Quant aux Etats-Unis, leur PIB devrait croître de 1,7 % en 2011, puis 2,3 % l’an prochain.

Pendant ce temps, les pays dits « émergents », et notamment la Chine et l’Inde, continueront leur bonhomme de chemin, demeurant les locomotives de la croissance internationale. Mieux, dès 2012, ils devraient représenter plus de 50 % du PIB mondial en parités des pouvoirs d’achat. En outre, disposant de réserves de changes et de capacités d’investissements de plus en plus pléthoriques, ils deviendront des arbitres. Les récentes déclarations des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) faisant état de leur volonté d’aider les pays de la zone euro annoncent d’ailleurs la couleur. Au-delà de la provocation qu’elles représentent (les anciens PVD deviennent les « sauveurs » des anciens « maîtres du monde »), ces intentions montrent effectivement que la puissance économique, financière et politique est en train de changer de camp.

Le pire est que, compte tenu de la gravité de la situation et de l’incapacité des Eurolandais à se mettre d’accord, les propositions des BRICS pourraient bien constituer des alternatives crédibles, menaçant par là même l’indépendance des pays en difficulté et déstabilisant, in fine, la situation géopolitique internationale. De là à provoquer une troisième guerre mondiale, il n’y a qu’un pas que les Cassandre n’hésiteront évidemment pas à franchir… D’ici là, un seul mot d’ordre : Carpe Diem. Peut-être qu’en consommant et en investissant, nous éviterons, une nouvelle fois, le scénario du pire…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Zone euro : la récession se rapproche encore un peu plus.


En dépit d’une faible croissance pour une phase de reprise économique, les récents indicateurs économiques avancés nous indiquent que les États-Unis devraient éviter de tomber en récession. Tel n’est malheureusement pas le cas de la zone euro qui s’en rapproche dangereusement.

C’est en effet ce que montre la dernière enquête PMI des directeurs d’achat eurolandais.

Dans l’industrie manufacturière tout d’abord, l’indice PMI qui a affiché en août un niveau de 49, soit sous la barre des 50 marquant la frontière entre l’expansion et le recul de l’activité s’est replié davantage en septembre à un niveau de 48,4. Il s’agit d’un plus bas depuis août 2009.

Parallèlement l’indice PMI dans les services, en recul depuis le mois d’avril, vient retomber sous les 50 en septembre pour afficher un niveau de 49,1 soit un plus bas depuis juillet 2009.

Enfin, l’indice composite passe d’un niveau de 50,7 en août à 49,2 en septembre, signalant la contraction globale de l’activité.

Les PMI eurolandais indiquent un risque de récession.

Sources : Eurostat, PMI Markit, Bloomberg

Le détail des enquêtes PMI dans les deux premières économies de la zone euro à savoir l’Allemagne et la France est particulièrement éloquent puisque tous les indices ont baissé significativement.

A commencer par l’enquête PMI en l’Allemagne qui se rapproche dangereusement de la zone de repli de l’activité, tant dans l’industrie manufacturière (50,0) que dans les services (50,3).

La France quant à elle, sombre encore un peu plus avec une baisse de près de 2 points de l’indice PMI dans l’industrie manufacturière passant de 49,1 à 47,3 et de 4 points dans les services pour afficher un niveau de 52,5 en septembre après 56,8 en août.


Allemagne, France : l’industrie souffre.

Sources : PMI Markit, Bloomberg

Il est vrai que l’Allemagne, qui est la principale locomotive de la zone euro, fortement ralenti. Ainsi l’indice ZEW de sentiment économique est tombé à -43,3 en septembre, (un plus bas depuis décembre 2008) reflétant le pessimisme des analystes et des investisseurs institutionnels pour les six prochains mois.

Plus grave encore, l’indice IFO du climat des affaires en Allemagne, qui constitue un des meilleurs indicateurs avancés du PIB outre-Rhin, se replie depuis avril et devrait poursuivre son recul en septembre (cf nos prévisions).

Au registre des mauvaises nouvelles la France n’est pas en reste. En effet, le climat des affaires de l’enquête INSEE qui chute de 3 points, passant sous la barre des 100 (99), confirme que la deuxième économie de la zone euro n’a pas fini de souffrir.

Le détail statistique révèle un effondrement de l’activité industrielle dans l’hexagone. Ainsi, l’indice des perspectives de production qui était déjà très faible (-13) plonge à -29, soit un plus bas depuis juillet 2009. Parallèlement, les carnets de commandes reculent drastiquement tant en France (-17) qu’à l’étranger (-11).

Croissance en France : ça va faire mal…

Sources : INSEE, Datastream

En d’autres termes, la zone euro qui est déjà tirée vers le bas par les pays du sud, est de surcroit pénalisée par l’Allemagne et la France qui ralentissent fortement.

Par conséquent, il devient de plus en plus probable que le PIB eurolandais puisse baisser au troisième trimestre et peut être même au quatrième. La récession consacrant deux trimestres consécutifs de baisse du PIB se rapproche donc un peu plus dans la zone euro.

 

Jérôme Boué


La météo économique de la semaine écoulée :

 



Les Marchés:

L’euro va-t-il enfin revenir vers des niveaux normaux ?


C’est le paradoxe récurrent qui secoue la zone euro depuis 2007 : lorsque l’économie eurolandaise semble aller mieux, la BCE resserre excessivement son étreinte, l’euro flambe et casse la croissance, ce qui finira par faire baisser l’euro vers son niveau d’équilibre, c’est-à-dire proche des 1,20 dollar.

Malheureusement, c’est au moment où cette dépréciation appropriée commence à produire ses effets bénéfiques sur la croissance que la BCE revient à la charge. Cela relance l’euro à la hausse, puis déprime l’activité, voire génère une crise, qui fait rebaisser l’euro, et ainsi de suite…

Ce yoyo permanent est évidemment dévastateur tant pour l’économie eurolandaise que pour la crédibilité de la zone euro.

Euro/Dollar : un yoyo éreintant.

Source : Bloomberg

La question est donc de savoir si ce jeu de massacre va enfin cesser. Au regard des évolutions récentes, rien n’est moins sûr. La situation semble même empirer. En effet, c’est en pleine crise grecque que la BCE a resserré son étreinte (précisément en avril et juillet derniers). L’euro s’est ainsi apprécié, alimentant ce marasme, qui, a ensuite affaibli le cours de la monnaie unique. Mais, à peine a-t-on appris qu’un accord, même de façade, avait été trouvé que l’euro repartait à la hausse. Ce qui n’a évidemment pas manqué de relancer la crise grecque et nous a conduit à la situation déplorable actuelle, avec, pour seule porte de sortie, la dépréciation de la monnaie européenne.

En d’autres termes, le retour de l’euro vers les 1,20 dollar est inévitable. Mais plutôt que de l’obtenir dans la douceur, notamment avec une politique monétaire adéquate, nous n’y parvenons que dans la douleur, les dirigeants eurolandais semblant s’obstiner à ce choix irresponsable.

Bref, compter sur une crise ou sur une déclaration de tel ou tel dirigeant pour retrouver un niveau normal de l’euro/dollar n’a pas de sens. Et, surtout, cette situation a trop duré.

 

La croissance a besoin d’un euro stable et normal.

Sources : Eurostat, Bloomberg

Il faut désormais prendre « le taureau par les cornes » et engager de véritables accords au niveau international, tels que les accords du Louvre et du Plazza dans les années 80. Certes, les temps ont changé. Néanmoins, les maux perdurent et se sont même aggravés.

Si les Eurolandais veulent sauver la zone euro, ils doivent donc convaincre leurs partenaires internationaux (Etats-Unis, Chine, Japon) d’instaurer des taux de change plus « normaux ».