2001, 2008, 2011 : que de crises … (E&S n°182)

 

Humeur :

Dix ans déjà, trois ans seulement…

Comme chaque année depuis dix, le monde s’apprête à commémorer un triste anniversaire. Il s’agit bien entendu des attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001, qui, malgré les années, restent toujours très présents dans les mémoires. Depuis trois ans, un second évènement est venu se greffer à cette tragédie. En l’occurrence, la faillite « sauvage » de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Bien que plus récent, ce dernier bouleversement semble cependant très loin. Evidemment très différents tant d’un point de vue humanitaire qu’émotionnel, ces évènements présentent deux points communs. Primo, ils ont eu lieu dans la capitale économique américaine, symbole de la puissance des Etats-Unis et plus globalement du capitalisme. Secundo, en quelques minutes, ils ont ébranlé la planète économico-financière internationale, la plongeant dans un profond chaos. Que ce soit en 2008 et surtout en 2001, les analystes, économistes, politologues et autres devins étaient unanimes : le monde ne serait plus jamais pareil et mettrait des années à sortir de la léthargie.

Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître et en dépit des milliers de morts et du choc psychologique, les attentats du 11 septembre 2001 ont eu moins d’impacts négatifs sur la croissance américaine et mondiale que la faillite bancaire du 15 septembre 2008. En effet, malgré la guerre en Afghanistan, le PIB américain a repris le chemin de la hausse dès le quatrième trimestre 2001. En fait, il n’a baissé que de 0,3 % au cours de cette récession, qui fut la plus courte et la moins intense de l’histoire économique des Etats-Unis. Mieux, en 2003, alors que la majorité des prévisionnistes annonçait un « W » (c’est-à-dire une rechute), notamment à cause de la guerre en Irak, la croissance américaine a continué sur sa lancée, s’installant sur un rythme soutenu jusqu’en 2007. Au total, du troisième trimestre 2001 au quatrième trimestre 2007, le PIB américain a progressé de 17,6 % (hors inflation bien entendu). Plus largement, à l’exception du premier et du troisième trimestre 2001, le PIB des Etats-Unis a augmenté de façon continue depuis le deuxième trimestre 1991, réalisant une progression globale de 67,8 %, soit une croissance annuelle moyenne de 3,2 %.

Et pour couronner le tout, ces performances ont été de concert avec un assainissement des comptes publics, ces derniers passant d’un déficit de plus de 5 % du PIB en 1991 à un excédent de 1,6 % en 2000, puis à un déficit de 2,7 % en 2007. Quant à la dette publique, elle a connu un point haut de 72 % du PIB en 1993, pour baisser à 54,7 % en 2001 et finalement se stabiliser entre 60 % et 62 % de 2003 à 2007.

Autrement dit, après avoir frôlé la catastrophe au début des années 1980 et grâce aux efforts de modernisation et d’assainissement engagés pendant les années Reagan, l’économie américaine a connu une période de prospérité sans précédent, tout en réussissant à améliorer ses comptes publics. Et ce, en dépit des krachs financiers (obligataires en 1994, Internet en 2000), des attaques terroristes du 11 septembre 2001 et des guerres en Afghanistan et en Irak. A la rigueur, ces tensions extrêmes ont été des catalyseurs de croissance, dans la mesure où ils ont incité les Américains à se retrousser les manches et à faire preuve de leur dynamisme légendaire.

Bien loin de ces réussites, l’erreur historique du 15 septembre 2008 va radicalement changer la donne. Certes, à coup de dépenses publiques massives, l’Administration Obama a réussi à stopper l’hémorragie et à sortir l’économie américaine de la récession. Pour autant, elle n’est pas parvenue à redonner à l’Oncle Sam sa vigueur des années 1990-2000. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre le premier trimestre 2008 et le deuxième de 2009, le PIB des Etats-Unis a chuté de 5,1 %, du jamais vu depuis l’après-guerre. Par la suite, il a certes redémarré, mais à un rythme très mou. Si bien qu’au deuxième trimestre 2011, il se situe encore 0,5 % au-dessous de son niveau d’avant récession. Habituellement, à ce stade du cycle, c’est-à-dire quatorze trimestres après le début de la récession, la progression du PIB américain oscille entre 8 et 14 %.

Parallèlement, alors qu’en phase de reprise normale, le taux de chômage recule assez rapidement et fortement, il se situe actuellement à 9,1 %, soit environ 3 points au-dessus du niveau considéré comme « naturel ». Pis, pour arriver à ces « performances » médiocres, les dépenses publiques ont été augmentées notablement, passant de 35,8 % du PIB en 2006 à environ 42 % en 2011. Dans le sillage de ce dérapage, le déficit public a flambé cette année à près de 11 % du PIB et la dette à quasiment 100 %. En d’autres termes, à l’instar de ce qui s’observe en Europe et notamment en France depuis une vingtaine d’années, l’Etat américain a dépensé sans compter, mais pour obtenir une croissance molle et un chômage élevé.

C’est d’ailleurs peut-être là que réside la principale raison pour laquelle l’économie américaine a beaucoup mieux réagi au lendemain des attentats du 11 septembre qu’après la crise financière de 2008. Dans le premier cas, les Américains avaient gardé le dynamisme et la motivation qui les avaient soutenus au cours des années 1990. Néanmoins, depuis 2008 et malgré tous les espoirs qu’ils avaient mis dans la victoire d’Obama, ils ont vraisemblablement perdu la flamme. Ils semblent compter excessivement sur la puissance publique pour les aider, ce qui affaiblit mécaniquement leur réactivité et les empêchent de sortir définitivement de l’ornière.

Autrement dit, ils se sont « européanisés ». L’Histoire récente aurait pourtant dû les en dissuader. Car si les conséquences économiques du 11 septembre 2001 et du 15 septembre 2008 furent très différentes pour les Etats-Unis, elles ont été quasiment similaires pour la zone euro. En effet, dans un cas comme dans l’autre, ceux qui ont le plus souffert de ces crises venant d’outre-Atlantique, ont été les mêmes, en l’occurrence les Eurolandais, qui furent à nouveau les « dindons de la farce ». Nous le constatons encore tout récemment, puisque, si la récession sera vraisemblablement évitée aux Etats-Unis, elle devient de plus en plus probable dans la zone euro, menaçant par là même la stabilité de cette dernière et in fine l’équilibre géopolitique, économique et financier de la planète. En conclusion, si les attentats du 11 septembre 2001 demeureront certainement beaucoup plus longtemps dans les mémoires que la crise financière de 2008, c’est cette dernière qui risque d’engendrer le plus de dégâts économiques et financiers, tant en ampleur qu’en durée…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

L’économie française en danger.


A l’évidence, la conjoncture économique française n’avait pas besoin de ça. Après deux mois de baisse, le déficit extérieur hexagonal est reparti à la hausse en juillet, à 6,46 milliards d’euros. Si le record historique d’avril dernier (à 6,9 milliards d’euros) n’a pas été dépassé, ce triste résultat montre néanmoins que le déficit commercial de la France semble avoir trouvé un nouveau point d’ancrage mensuel autour des 6 milliards d’euros. D’ailleurs, au cours des douze derniers mois, ce déficit atteint le niveau vertigineux de 67,21 milliards d’euros, un record absolu.

Un nouveau record pour le déficit extérieur.

Sources : INSEE, Datastream

Bien entendu, pour expliquer ce nouveau dévissage, certains ne manqueront pas d’évoquer la forte augmentation des importations, notamment de produits pétroliers. Pour autant, la réalité est tout autre : la cause profonde du déficit extérieur abyssal de la France est structurelle. Elle réside notamment dans le manque de compétitivité de l’économie française dans son ensemble. Cette carence fondamentale connaît trois manifestations principales.

Primo, la spécialisation sectorielle et géographique des exportations française est mauvaise. En effet, ces dernières sont trop peu focalisées sur les biens d’équipement (seulement 22 % de nos exportations, contre 50 % outre-Rhin) et sur les pays en forte croissance (notamment dans le monde émergent). Notre premier partenaire commercial reste ainsi la zone euro, qui est la lanterne rouge de la croissance mondiale depuis dix ans.

Secundo, les importations françaises demeurent trop fortes, notamment parce qu’il existe trop de produits qui ne sont plus fabriqués dans l’Hexagone. En d’autres termes, la production nationale répond de moins en moins aux besoins de consommation des Français.

Tertio, les coûts de production, les contraintes réglementaires et la pression fiscale sont tellement forts dans l’Hexagone qu’ils incitent de plus en plus les entreprises françaises à produire à l’étranger. De la sorte, de plus en plus de produits de marque française sont vendus à travers le monde, y compris en France, mais sont fabriqués à l’étranger. Dans ce cadre, tant que l’économie française n’aura pas été modernisée en profondeur, le déficit extérieur français restera pléthorique.

La remontée de 1,5 % de la production industrielle en juillet n’y change d’ailleurs pas grand chose. En effet, cette progression ne fait que corriger la baisse de 1,5 % qui avait été enregistrée en juin. De plus et surtout, l’évolution des dernières enquêtes menées auprès des directeurs d’achat dans l’industrie françaises montre que cette dernière devrait connaître une décrue sévère en août-septembre et certainement au-delà.

Production industrielle : le pire reste à venir.

Sources : INSEE, Bloomberg

A court terme, les conséquences de ce déficit historique concerneront évidemment la croissance qui, après avoir été nulle au deuxième trimestre, risque bien de devenir légèrement négative au troisième trimestre. Au final, la progression annuelle du PIB français en 2011 sera donc très loin de l’objectif gouvernemental de 2 % et avoisinera dans le meilleur des cas 1,6 %. Il faut donc également se préparer à un déficit public et à un taux de chômage plus élevés que prévu….

Marc Touati

 


Japon : l’Empire empire…


Alors que la récession menace en zone euro et que la croissance américaine reste faible en phase de reprise économique, le Japon n’est pas en reste au registre des économies en difficulté.

Ainsi, l’Empire du soleil levant qui est retombé en récession (soit deux trimestres consécutifs de baisse du PIB) depuis le premier trimestre 2011 (-0.9 %), navigue toujours en territoire négatif puisque sa croissance affiche une baisse de 0,5 % (révisée de -0,3 %) au deuxième trimestre, soit -2,1 % en rythme annualisé. Il s’agit du neuvième recul du PIB nippon depuis le deuxième trimestre 2008 avec un plus bas enregistré au premier trimestre 2009 (-4.8%).

Certes le Tsunami et la catastrophe nucléaire dont le Japon a été victime ont fortement contribué à la forte dégradation de la croissance, mais ces derniers ne sont que des facteurs aggravant. En effet, l’économie japonaise qui subit une déflation depuis près de vingt ans est structurellement faible

Le détail statistique du PIB indique que la consommation affiche une croissance nulle après avoir régressé de 0,9 % au quatrième trimestre 2010 et de 0,6 % au premier trimestre 2011. Parallèlement, l’investissement des entreprises recule de 0,9 % après une chute de 1,4 % au trimestre précédent.

Enfin, les exportations ont chuté de 4,9 % après +0 % au trimestre précédent et les importations qui avaient progressé de 1,4 % au premier trimestre affichent une croissance nulle.

En d’autres termes, les moteurs de la croissance sont absents et nous sommes très loin du cercle vertueux investissement-emploi-consommation.

Le Japon s’enfonce dans une récession durable.

Sources : Ministry of Internal Affairs and Communication, Economic and Social Research Institute Japan, Bloomberg

De surcroit, alors que la population de l’archipel vieillit, la consommation intérieure semble vouée à rester molle. Ainsi le Japon ne peut pas compter sur le relais de croissance que pourrait constituer sa demande intérieure afin de palier à la faiblesse de ses exportations.

Pis, il semble que le tout nouveau premier ministre souhaite s’engager vers des hausses d’impôts afin de financer les zones touchées par le Tsunami. Cependant de telles mesures auraient pour conséquence d’affaiblir davantage une demande intérieure déjà atone…

Il faut dire qu’avec un taux d’intérêt directeur de 0,1 % et une dette publique qui se rapproche des 230 % du PIB les marges de manœuvre en matière de politique économique sont quasi nulles.

Le Japon ne peut pas utiliser l’arme monétaire.

Sources : ESRI Japan, Bloomberg

En réalité l’arme du change constitue la seule option possible pour le Japon. Malheureusement en dépit des efforts de sa banque centrale pour déprécier sa devise, le yen joue contre son camp.

En effet, du fait des rappariements de capitaux en provenance de l’étranger, mais aussi de l’attrait de la devise nippone face à la faiblesse du dollar, le yen s’est installé sous les 80 dollars depuis le 12 juillet atteignant même un sommet à 76,5 dollars le 18 août.

Le yen joue contre son camp.

Sources : Ministry of Internal Affairs and Communication, Bloomberg

Du fait même de la structure de l’économie nippone il semble que les dirigeants japonais ainsi que la Banque du Japon soient victimes du « syndrome des sables mouvants » à savoir que plus ils s’agitent et plus l’économie s’enfonce.

Avec un acquis de décroissance de 1,2 % au sortir du deuxième trimestre, le Japon devrait voir son PIB chuter de 1,2 % en moyenne annuelle cette année et afficher une croissance de seulement 0,5 % en 2012. Après avoir été durant les années quatre-vingt, le modèle de croissance de référence, l’économie japonaise est désormais devenue l’exemple à ne pas suivre…

 

Jérôme Boué


 

La météo économique de la semaine écoulée :

 



Les Marchés:

Bourses : Faut-il profiter des soldes ?