Etats-Unis, BCE, France : Attention danger ! (E&S n°176)

 

Humeur :

Consommation en danger des deux côtés de l’Atlantique.

Ah ! Qu’il paraît loin le temps où la consommation flambait des deux côtés de l’Atlantique. Ce n’est pourtant pas si vieux, puisqu’en 2005 encore les ménages français et américains semblaient « condamnés » à la « fièvre acheteuse ». A l’époque, les taux de croissance annuelle de la consommation oscillaient autour des 4 % aux Etats-Unis et des 2,8 % dans l’Hexagone. Mieux, ce dynamisme faisait suite à une vigueur quasi-continue des dépenses des ménages depuis 1997. Ainsi, de 1997 à 2007, la consommation des ménages en volume (c’est-à-dire hors inflation) a progressé de 30,4 % en France et de 46,8 % outre-Atlantique.

Bien loin de ces performances flamboyantes, la situation actuelle apparaît bien pâle. Certes, la consommation a redémarré au second semestre 2009 et en 2010. Cependant, il s’agissait principalement d’un effet de correction de la chute enregistrée pendant la crise, en l’occurrence, – 2,4 % entre le point haut du quatrième trimestre 2007 et le plancher du deuxième trimestre 2009 aux Etats-Unis et – 1 % en France. Cette dernière a réussi à limiter la casse notamment grâce aux importantes mesures d’aides gouvernementales. Plus globalement, la reprise récente de la consommation a été soutenue artificiellement par la baisse des taux d’intérêt et les mesures de perfusion publique (prime à la casse, chèques fiscaux…).

Dès lors, maintenant que ces aides ont disparu ou se sont estompées, l’heure est à la dure réalité. Ainsi, même si l’effondrement n’est pas d’actualité aux Etats-Unis, la vigueur habituellement observée en phase de reprise est absente. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en avril et mai 2011, la consommation privée a baissé de 0,1 % en volume. Sur l’ensemble du deuxième trimestre, elle devrait stagner, après avoir augmenté de seulement 0,5 % au premier trimestre. La nouvelle baisse de la confiance des ménages de l’enquête du Conference Board en juin confirme d’ailleurs que l’engouement pour la dépense restera modéré au moins jusqu’à fin 2011.

Mais si les Américains résistent encore tant bien que mal, les Français ont déjà déposé les armes. C’est du moins ce qu’indiquent les dernières évolutions de la consommation dans l’Hexagone et en particulier celle du mois de mai. En d’autres termes : Madame Lagarde s’en va, les consommateurs français aussi…

Blague à part, la déroute de la consommation française commence vraiment à devenir dangereuse. Ainsi, après avoir déjà baissé de 0,9 % en mars et de 1,4 % en avril, les dépenses des ménages ont encore chuté de 0,8 % en mai. La consommation des seuls biens fabriqués a connu une évolution encore plus dramatique : – 1 % en mars, – 2,9 % en avril et – 1,6 % en mai. De par cet effondrement, le niveau de la consommation total (41,151 milliards d’euros chaînés 2000) atteint désormais un plus bas depuis août 2009 ! Quant à son glissement annuel (-1,8 %), il touche un plus bas depuis mars 2009.

A l’évidence, après avoir tenu à bout de bras la croissance pendant la crise et plus globalement depuis une douzaine d’années, la consommation des ménages a définitivement lâché prise.

Le détail des chiffres est d’ailleurs affligeant dans la mesure où, depuis trois mois, la quasi-totalité des postes de dépenses affiche une forte baisse. Bien-sûr, la fin de la prime à la casse a pesé sur la consommation automobile qui s’est effondrée de 13,6 % en trois mois. Avec un niveau de 4,661 milliards d’euros chaînés 2000, elle atteint même un plus bas depuis août 2004 ! Cela signifie donc qu’après avoir été artificiellement soutenue par les mesures gouvernementales, la consommation automobile a fait un bon en arrière de sept ans !

Pis, cette déconfiture s’est répandue aux autres secteurs d’activité. Ainsi, traditionnels soutiens indéfectibles de la consommation, les dépenses d’équipement du logement ont chuté de 2,9 % en trois mois. Quant à celles relatives au textile-cuir, elles se sont effondrées de 4,9 % sur la même période. Et le timide démarrage des soldes d’été montre que cette langueur risque de perdurer.

En matière d’impact sur la croissance du PIB, il faut noter que sur les deux premiers mois du deuxième trimestre, la consommation affiche une baisse de 2,3 % par rapport à la moyenne du premier trimestre. Autrement dit, même si une légère correction haussière est enregistrée en juin grâce aux soldes, la consommation subira une baisse conséquente au deuxième trimestre. Dès lors, comme nous l’annoncions il y a déjà plus d’un mois, le PIB pourrait bien réaliser une variation zéro voire légèrement négative au cours du deuxième trimestre.

Dans ce cadre, la croissance annuelle moyenne ne pourra pas franchir la barre des 2 %. Tout au plus atteindrait-elle 1,9 %, avant d’ailleurs de repartir vers 1,6 % en 2012. Une telle mollesse signifie qu’à l’instar de ce qui s’est observé en mai, via la nouvelle augmentation du nombre de sans-emploi, le chômage devrait rester élevé en 2011 et 2012. Conséquence logique de ces piètres performances, les objectifs gouvernementaux de réduction du déficit public ne seront pas tenus. Selon nos estimations, ce dernier avoisinera les 6 % du PIB tant cette année que l’an prochain, sachant que, pour 2012, les dépenses pré et post électorales pourraient encore aggraver la facture. Quant à la dette publique, elle atteindrait aisément les 90 % du PIB l’an prochain, de quoi, tout aussi aisément, perdre son AAA.

En attendant, il faudra faire face à la baisse de la consommation déjà entamée et à l’augmentation des inquiétudes des ménages qui risquent de s’intensifier au cours des prochains mois. Ce qui ne sera évidemment pas une partie de plaisir. Pour son baptême à la tête du Ministère de l’Economie, Monsieur Baroin ne pouvait certainement pas rêver « mieux »…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La zone euro dans le doute.


Le ciel se couvre de plus en plus sur la zone euro à l’image des principaux indicateurs économiques avancés.

Ainsi, après la baisse des indices PMI tant dans l’industrie manufacturière que dans les services en juin (cf.le Weekly du 24 juin), c’est au tour de l’indice de sentiment économique de confirmer la tendance.

En effet après avoir atteint un niveau de 108 en février, cet excellent indicateur avancé de la croissance eurolandaise s’est replié pour un quatrième mois consécutif en juin pour afficher un niveau de 105,1. Il s’agit d’un plus bas depuis huit mois.

Une croissance eurolandaise aux alentours des 2 % cette année.

Sources : Eurostat, Bloomberg

Le détail par pays est révélateur du ralentissement à venir.

A commencer par l’Allemagne, la « locomotive » de la zone euro dont l’indice de sentiment économique a régressé pour un quatrième mois consécutif en juin à un niveau de 114,5 soit un plus bas depuis octobre 2010.

En France ensuite, cet indicateur avancé de la croissance s’est replié pour un troisième mois consécutif pour tomber à un niveau de 106,3, soit un plus bas depuis novembre 2010.

Paradoxalement se sont les deux principaux pays du sud qui affichent une petite hausse. L’Italie tout d’abord, dont l’indice de sentiment économique a progressé de près de deux points pour atteindre 99,3. L’Espagne ensuite a également gagné deux points pour atteindre 95,7. En dépit de ses petites hausses il faut souligner que ces deux pays se situent sous la barre des 100.

Par ailleurs, et ce n’est pas une surprise, la Grèce chute de quatre points affichant un niveau de 70. Enfin, si le Portugal « limite la casse » en passant de 85,2 à 84,6 il reste sur un niveau extrêmement bas.

Parallèlement après cinq mois de hausse consécutifs, l’inflation eurolandaise qui s’était replié en mai pour atteindre 2,7 %, s’est stabilisée à ce niveau en juin. En effet les effets de base positifs liés à la hausse des matières premières et notamment énergétiques ont désormais pris fin limitant ainsi les pressions inflationnistes.

Nous restons cependant bien au-delà de l’objectif des 2 % d’inflation fixé par la BCE. De fait, focalisant sur la stabilité des prix, l’institut francfortois devrait augmenter son taux refi de 0,25 points lors de sa réunion du 7 juillet, contribuant ainsi à apprécier davantage l’euro et donc à casser la petite croissance eurolandaise.

L’inflation se stabilise dans la zone euro.

Sources : Eurostat, Bloomberg

L’emploi dans la zone euro sera la « première victime » de la croissance molle. D’ailleurs si le taux de chômage dans la zone euro est stable depuis mars, il reste néanmoins sur un niveau élevé à savoir 9.9 % en mai. Plus globalement, le taux de chômage eurolandais devrait atteindre 9,8 % cette année en moyenne annuelle et 10% en 2012.

Un taux de chômage stable mais toujours proche des 10 %.

Sources : BCE, Eurostat, Bloomberg

La zone euro n’a donc pas fini de souffrir et s’engonce dans la croissance molle. Ainsi le PIB eurolandais ne devrait croître que de 1,9 % cette année et 1,6 % en 2012.

Jérôme Boué


La météo économique de la semaine écoulée :

 

 

 



Les Marchés:

La BCE va-t-elle encore tout gâcher ?


Sauf surprise de dernière minute, la réponse à cette question ne fait malheureusement aucun doute. Et ce d’autant que la BCE n’en est pas à son premier coup d’essai. Sans remonter aux calendes grecques (c’est le cas de le dire…), l’Institut francfortois s’est effectivement illustré à quatre reprises depuis le début de la crise.

La première fois se fut en 2007. A l’époque, la crise des subprimes était encore embryonnaire, mais, consciente du danger, la Fed commençait à abaisser ses taux directeurs. Qu’à cela ne tienne, la BCE, déjà bien lancée sur une tendance de resserrement monétaire, continuait de tendre son étreinte, faisant dangereusement flamber l’euro.

Elle enfoncera le clou en juillet 2008, en augmentant son taux refi à 4,25 % alors que la récession a déjà débuté dans la zone euro (dès le deuxième trimestre 2008 pour être précis).

Adepte du « jamais deux sans trois » ou encore du « on ne change pas une équipe qui perd », la BCE va remettre le couvercle moins de neuf mois plus tard. Les ravages de la crise sont pourtant passés par là, mais rien n’y fait. Elle refuse d’abaisser son taux refi sous les 1 %, alors que toutes les banques centrales du monde développé ont réduit leurs taux directeurs centraux entre 0 et 0,5 %. L’euro retrouve alors sa tendance excessivement haussière, freinant la reprise au sein de la zone et aggravant la récession dans les pays les plus fragiles, à commencer par la Grèce. La première crise de la dette publique grecque éclate alors, faisant baisser l’euro et permettant ainsi à la croissance eurolandaise de retrouver quelques couleurs.

Une erreur, ça va, quatre erreurs en quatre ans, bonjour les dégâts

Sources : BCE, Datastream

Mais cette reprise étant trop belle pour durer, la BCE décide de durcir son discours fin 2010 pour finalement augmenter son taux refi en avril 2011. Dans la mesure où la Réserve Fédérale américaine choisit de maintenir le statu quo monétaire, l’euro flambe de nouveau, réactivant quasiment instantanément la crise grecque.

Si bien que l’Eurogroupe, associé au FMI, a dû, une fois de plus, venir sauver la Grèce. Le problème est qu’à cause de tous ces atermoiements et de toutes ces erreurs de politique économique, la Grèce s’est enfoncée dans une récession historique.

Pour autant, compte tenu que le Parlement grec a adopté un nouveau plan de rigueur, les marchés et les investisseurs internationaux veulent encore y croire. Et ce, quitte à feindre d’ignorer que ce plan de rigueur ne fera qu’accroître les difficultés économiques et sociales du pays.

Dans ce cadre, il serait évidemment bienvenu d’apaiser la situation en maintenant le statu quo monétaire, de manière à limiter l’appréciation de l’euro, voire à faire baisser ce dernier, donnant une ultime chance à l’économie hellène de repartir d’ici la fin 2011. Cette décision serait d’autant plus justifiée que l’inflation eurolandaise se stabilise et devrait même baisser significativement dans les prochains mois.

L’inflation se stabilise et s’