Après le creusement historique du déficit extérieur français en avril (7,1 milliards d’euros sur un mois), la nouvelle baisse de la production industrielle confirme bien que l’économie française a déjà mangé son pain blanc et qu’elle s’apprête à vivre au moins deux trimestres très difficiles.
Certes, l’INSEE n’a pas manqué de mettre en exergue la petite hausse de 0,2 % de la production du seul secteur manufacturier en avril. Pour autant, après une baisse de 1,1 % en mars, cette petite augmentation est loin de rattraper le retard accumulé.
En outre, si l’on veut se rapprocher au plus près de la croissance du PIB, il est plus opportun d’analyser la production industrielle totale. Or, après avoir déjà chuté de 1,1 % en mars, cette dernière recule encore de 0,3 % en avril. Dans ce cadre, elle présente un acquis de « croissance » pour le deuxième trimestre de – 0,9 %. Cela signifie que si la production industrielle stagne en mai et juin, celle-ci reculera de 0,9 % sur l’ensemble du deuxième trimestre. Ce qui reste une hypothèse plutôt optimiste dans la mesure où les indicateurs avancés de la dernière enquête INSEE dans l’industrie annoncent de nouvelles baisses de la production dès le mois de mai.
En outre, compte tenu des deux reculs consécutifs enregistrés en mars-avril, la production industrielle actuelle se situe à un niveau voisin de celui de novembre 2010 et affiche une chute de 10,8 % par rapport à son plus haut d’avril 2008. En d’autres termes, la crise industrielle de 2008-2009 est loin d’être effacée et le sera d’autant moins que la petite reprise qui s’est observée en 2010 est déjà en train de s’essouffler.
Bien sûr, il est encore possible de trouver quelques lueurs d’espoirs dans le détail des chiffres d’avril. Ainsi, après avoir chuté de 1,4 % en mars, la production de biens d’équipement a rebondi de 1,3 % en avril. Au-delà du fait que cette augmentation corrective n’efface pas complètement la baisse du mois précédent, il faut surtout noter que cet apparent réinvestissement constitue principalement un mouvement de correction de la faiblesse passée. Parallèlement, ce rebond s’explique surtout par des investissements de remplacement des équipements obsolètes et très peu par des investissements de capacités, qui sont pourtant les seuls à créer significativement des emplois. Plus globalement, n’oublions pas que l’emploi est une variable retardée de l’activité. Son amélioration récente correspond donc à la reprise de l’an passé. A présent que l’activité ralentit de nouveau, il faut s’attendre à une décélération de l’emploi d’ici la fin de l’été.
En conclusion, entre le creusement abyssal du déficit extérieur, la forte baisse de la consommation des ménages et le recul durable de la production industrielle, il faut se rendre à l’évidence : le PIB français pourrait reculer de l’ordre de 0,2 % au deuxième trimestre 2011. Sa progression annuelle moyenne ne devrait donc pas dépasser les 2 %, limitant par là même la reprise de l’emploi et la baisse des déficits publics.
Marc Touati