Croissance française : ne crions pas victoire trop vite…

 

 Il faut le dire: la croissance française du premier trimestre 2011 est très satisfaisante. Ainsi, comme le laissaient déjà entendre les bonnes performances de la production industrielle et de la consommation en produits manufacturés sur la même période, le PIB a progressé de 1 %. Mieux, les deux principaux moteurs que sont la consommation des ménages et l’investissement des entreprises ont été au rendez-vous. Pour autant, il ne faudrait pas crier victoire trop vite.

En effet, comme l’ont également montré la baisse de la production industrielle et celle des dépenses en biens manufacturés en mars, l’économie française a déjà mangé son pain blanc. De même il faut noter que l’essentiel de la performance du premier trimestre s’explique par une formation de stocks extrêmement forte. Ainsi, hors stocks la croissance française n’a été que de 0,3 %. Dès lors, il faut se préparer à un deuxième et surtout à un troisième trimestre bien plus difficiles. L’explication de cette décélération inévitable est triple.

Primo, la reprise de 2010 et qui s’est étendue jusqu’au premier trimestre 2011 tient principalement à un effet de rattrapage de la faiblesse passée. Cette évolution corrective étant désormais derrière nous, la croissance va mécaniquement retrouver un rythme normal, en l’occurrence entre 1,2 % et 1,8 %. N’oublions effectivement pas que, depuis 2011, la progression annuelle moyenne du PIB français n’a été que de 1,2 %.

Secundo, à présent que la prime à la casse est terminée, la consommation des ménages va continuer de ralentir. Et ce, d’autant que la flambée des cours des matières premières et notamment du pétrole va grever encore un peu plus le pouvoir d’achat des Français. A ce sujet, il faut savoir que l’impact négatif de la hausse des cours du baril sur la croissance prend environ neuf mois pour se produire et apparaître dans les chiffres d’activité. Pour le moment, nous subissons donc un effet d’optique qui masque l’inévitable ralentissement à venir.

Tertio, en dépit d’un léger repli justifié et salutaire depuis quelques jours, l’appréciation excessive de l’euro va également déprécier la progression du PIB, notamment en réduisant les exportations, en augmentant les importations et en pénalisant l’investissement des entreprises. Comme l’a montré la dernière enquête de l’INSEE sur l’investissement, la reprise de ce dernier est d’ailleurs surtout liée à des dépenses de remplacement des équipements obsolètes et très peu à des investissements de capacité. Dans la mesure où ces derniers sont les plus déterminants en matière de créations d’emplois, il est à craindre que la baisse du chômage va rapidement s’essouffler.

 Mais là aussi, qu’il s’agisse de l’impact de l’euro trop fort sur l’activité ou de celui du ralentissement économique sur l’emploi, il existe un délai de six à neuf mois. Cela signifie donc que le véritable visage de l’économie française ne sera connu qu’au cours du troisième trimestre 2011. D’ici là, le gouvernement pourra encore se satisfaire de chiffres appréciables, mais il devra en profiter, car la donne s’inversera à partir de l’automne.

Dans ce cadre, en dépit d’un acquis de croissance confortable de 1,6 %, nous modifions notre prévision d’une progression annuelle moyenne du PIB français qui serait comprise entre 2 % et 2,5 % maximum cette année. Quant à l’an prochain nous maintenons notre prévision de 1,6 %.