Géopolitique, BCE, Chine : révolutions !

 

Humeur :

Révolutionssss.

Après la Tunisie et l’Egypte hier, la Libye et le Bahreïn aujourd’hui, qui seront les prochains pays sur la « liste de la révolution » ? L’Arabie Saoudite et l’Iran demain ? la Chine après-demain ? Et pourquoi pas la France après-après-demain ? En fait, personne n’en sait rien et ne comptez pas sur nous pour jouer les devins. La prévision économique est déjà assez difficile pour s’engager dans la prophétie géopolitique. Pour autant, dans la mesure où ces révolutions sont en partie les conséquences de la crise économique mondiale et ne manqueront pas de jouer sur les évolutions économico-financières futures, il serait inadéquat de les ignorer. En effet, la concomitance de tant de mouvements sociaux à travers le monde à quelques semaines d’intervalle n’est pas le fruit du hasard. Bien entendu, certains, en particulier les pouvoirs dictatoriaux en place, n’hésitent pas à avancer que ces « dérapages » sont le produit d’un stratagème international fomenté par les services secrets de l’Occident. Cet argument est tellement facile qu’il en devient grotesque. D’ailleurs, si tel était le cas, les diplomaties occidentales ne se seraient certainement pas pris les pieds dans le tapis comme elles l’ont magistralement fait. Elles n’auraient pas non plus enchaîné les acrobaties les plus abracadabrantesques pour tenter de sauver la face et de faire oublier combien elles avaient soutenu pendant des décennies les régimes en place. Autrement dit, bien loin de la théorie du complot, ces révolutions passées, actuelles et à venir semblent relever d’une réalité beaucoup plus concrète, en l’occurrence d’un mouvement de « ras-le-bol » de populations appauvries et sans espoir.

Ne l’oublions pas : l’une des principales raisons de la révolution française de 1789 résidait dans la succession de mauvaises récoltes agricoles qui ont fait flamber les prix des denrées alimentaires et ont créé des situations de disettes et d’appauvrissement. Le développement des nouveaux moyens de communication de l’époque et l’essor de la philosophie, sans oublier le faste excessif de l’élite royale ont fait le reste. 220 ans plus tard, les mêmes causes semblent en mesure de produire les mêmes effets. La crise de 2008-2009 puis la flambée des cours des matières premières ont effectivement aggravé la paupérisation et la malnutrition dans les pays les plus fragiles. Les nouveaux moyens de communication (Internet, vidéos sur téléphones portables, Youtube, Twitter…) ont alors permis de faire monter les pressions sur des populations qui ne pouvaient plus supporter l’écart entre leurs conditions de vie de plus en plus difficiles et le luxe ostentatoire de leurs dirigeants.

Dans ce cadre, il paraît clair que si ces trois ingrédients (appauvrissement, Internet et fort décalage entre le peuple et l’élite) sont réunis, les révolutions risquent de se répandre comme une tâche d’huile dans les prochains mois. Les dictatures encore en place en sont tout à fait conscientes et tentent ainsi d’apporter leurs réponses pour éviter la contagion. Certaines demeurent bien sûr hermétiques à tous changements et préfèrent augmenter les ressources et les salaires de leur armée et de leur police. D’autres préfèrent lâcher du lest sur les revenus de la population. D’autres encore essaient de mieux contrôler les médias et de museler leur réseau Internet. D’autres enfin s’engagent dans ces trois types de mesures à la fois. Le problème est que l’ensemble de ces incertitudes alimente la flambée des cours du pétrole et des matières premières, réduisant d’autant le pouvoir d’achat des populations en difficulté et accroissant par là même les risques de dérapages sociétaux.

Bien sûr, notre prisme occidental voudrait que ces risques soient cantonnés aux seuls pays émergents, ce qui finirait d’ailleurs par ralentir leur montée en puissance, et ce notamment en Chine, dont la volonté hégémonique commence à en agacer plus d’un. Seulement voilà, les dirigeants Chinois ont déjà mis en place leur « riposte » avant même que le problème ne se pose. En effet, conscients que seule l’élévation du niveau de vie peut limiter les mouvements sociaux, ils ont permis à leur population de s’enrichir progressivement. Le nombre de Chinois vivant correctement (c’est-à-dire selon des critères occidentaux) est ainsi passé de 100 millions en 2000 à environ 400 millions aujourd’hui. Et s’il manque encore 900 millions de Chinois à l’appel, ces derniers ont le sentiment qu’ils pourront prendre le train du bien-être dans les prochaines années. Ces espoirs seront peut-être vains, mais, au moins, ils ont le mérite d’exister, réfrénant les velléités révolutionnaires. En outre, quand bien même des mouvements sociaux se produiraient ici ou là dans l’Empire du Milieu, ce dernier dispose de 2 850 milliards de dollars de réserves de changes pour relancer la machine en cas de besoin. Mieux, passé maître dans l’art du contrôle médiatique, le gouvernement chinois pourra distiller progressivement des ilots de liberté surveillée, à même de calmer les ardeurs des plus tenaces.

Mais, pendant que les Occidentaux se focalisent sur les dangers qui pèsent sur les pays émergents et que les Chinois se préparent au pire, mettant tout en œuvre pour l’éviter, d’autres pays font la sourde oreille et s’estiment immunisés contre les risques sociaux. Pourtant, les trois ingrédients pernicieux évoqués plus haut ne sont pas l’apanage des pays pauvres et/ou dictatoriaux. Ils se retrouvent également dans de nombreux pays développés et démocratiques. A commencer par notre douce France. Car, au risque de choquer l’intelligentsia nationale, ici aussi, l’appauvrissement de la classe moyenne, le défoulement sur le net et l’écart croissant entre l’élite et le « peuple » sont présents et montrent que la menace révolutionnaire est réelle. Les derniers sondages indiquant que, comme en 2002, le front national pourrait être au second tour de l’élection présidentielle, en est la preuve criante. Malheureusement, refusant une fois encore de voir la réalité en face, les dirigeants politiques français préfèrent dénoncer la méthodologie des enquêtes d’opinions plutôt que de se remettre en question. Bien loin de se défiler, ils devraient, au contraire, admettre que de tels sondages ne sont que le reflet du « ras-le-bol » grandissant qui menace l’Hexagone. Pour y remédier, nous ne voyons qu’une seule solution : montrer l’exemple en réduisant les dépenses de fonctionnement des dirigeants publiques, faire de la pédagogie en expliquant simplement les enjeux économiques et financiers qui attendent la France dans les toutes prochaines années et, enfin, engager une politique économique efficace. Si nous n’y parvenons pas, une nouvelle révolution française aura forcément lieu. Et le problème avec les révolutions c’est que l’on sait quand elles commencent mais que l’on ignore quand et surtout comment elles se terminent…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

La Chine continue sur sa lancée avec une inflation maîtrisée.


En dépit des statistiques en demie teinte publiées cette semaine, l’économie chinoise reste solide sans dérapage inflationniste.

 

Certes, après trois mois de recul, le solde de la balance commerciale chinoise qui était encore en excédent en janvier (+6,45 milliards de dollars) vient de tomber en territoire négatif pour afficher un déficit de 7,3 milliards de dollars en février.

Si ce résultat donnera certainement du grain à moudre aux nombreux déclinologues qui prédisent l’enrayement de l’économie chinoise , il doit être relativisé.

 

Tout d’abord, la Chine avait déjà connu un déficit similaire en mars 2010 pour afficher un excédent de 28,7 milliards de dollars quatre mois plus tard…

 

Ensuite, le détail de la balance commerciale nous indique que si le glissement annuel des exportations est effectivement passé de 37,7 % en janvier à 2,4 % en février, les importations en revanche restent vigoureuses, affichant un glissement annuel de 19 % en février.

 

En d’autres termes, ce déficit indique le dynamisme de la demande intérieure, confirmant que la Chine est désormais rentrée dans le concert des nations.

 

La demande intérieure, premier moteur de la croissance chinoise.

 

Sources : China Economic Information Network, Bloomberg

 

Ainsi, contrairement à beaucoup d’idées reçues, ce ne sont plus les exportations qui constituent la principale force de l’économie chinoise. En effet le premier moteur de la croissance chinoise est désormais la demande intérieure.

 

Certes le glissement annuel des ventes au détail affiche un niveau de 11,5 % en février contre 19 % attendu par le consensus, mais un point ne fait pas une tendance. De surcroît les ventes au détail se situent toujours à un niveau appréciable que lui envient un bon nombre de pays dit « développé »

 

 

A commencer par le Japon et dans un moindre mesure l’Allemagne qui souffrent d’un manque de dynamisme de leur demande intérieure. De fait, lorsque leurs exportations faiblissent, ces pays ne disposent pas de véritable relais de croissance.

 

Par ailleurs, à l’inverse des Etats-Unis qui souffrent d’une désindustrialisation chronique, la production industrielle chinoise reste toujours extrêmement vigoureuse. Ainsi, le glissement annuel de la production industrielle chinoise a atteint un niveau de 14,9 % en février soit un plus haut depuis mai 2010.

 

La production industrielle reste soutenue.

 

Sources : China Economic Information Network, Bloomberg

 

De surcroît alors que beaucoup agitent le chiffon rouge de l’hyperinflation force est de constater que cette dernière reste à un niveau tout à fait acceptable du fait de la croissance. En effet le glissement annuel des prix à la consommation qui avait atteint 4,9 % en janvier s’est stabilisé à ce niveau en février.

 

Il ne faut cependant pas se voiler la face car les risques de surchauffe sont bien réels. En effet, alors que l’alimentation qui représente 70% du panier de la ménagère – contre 10 % dans la zone euro – reste la principale source d’inflation, la flambée actuelle des matières premières constitue une source d’inquiétude non négligeable pour la stabilité des prix.

 

Néanmoins, du fait de la forte croissance de l’économie, les autorités chinoises peuvent se permettre d’apprécier progressivement le yuan qui reste encore largement sous évalué, réduisant ainsi l’inflation importée.

 

Par ailleurs, même si la hausse du pétrole se poursuivait, elle réduirait mécaniquement la croissance donc l’inflation.

 

Par conséquent, s’il ne faut pas sous estimer les risques de surchauffe, nous écartons tout scénario hyper inflationniste en Chine.

 

L’inflation chinoise reste encore sous contrôle.

 

Sources : China Economic Information Network, Bloomberg


 

Enfin, il faut rappeler qu’avec des réserves de change de 2 847 milliards de dollars soit un montant supérieur au PIB français en stock à la Banque centrale, la Chine dispose d’un matelas confortable lui permettant « d’assurer ses arrières ».

 

Pour conclure, la Chine dont le PIB devrait croître d’environ 9,5 % cette année restera la locomotive de la croissance mondiale. Mieux, alors qu’elle représente actuellement 13,5 % du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, la Chine devrait dépasser la zone euro (14,2 % du PIB mondial) et cela dès l’année prochaine…

 

 

Jérôme Boué



La météo économique de la semaine écoulée :

 



Les Marchés:

Euro fort et croissance molle : la BCE ne s’en lasse pas.


Chassez le naturel, il revient au galop. Ce dicton pourrait parfaitement synthétiser l’attitude de