La France toujours condamnée à la croissance molle.

 

Avec les rumeurs de bonnes surprises lancées depuis quelques jours par Bercy, on pouvait s’attendre à d’excellents chiffres du PIB français. Malheureusement, il n’en a rien été. Ainsi, la progression trimestrielle de ce dernier est restée molle et identique à celle observée aux premier et troisième trimestres 2010, en l’occurrence 0,3 %. Certes, la formation de stocks lui a enlevé 0,8 point. Ce qui signifie que, hors stocks, la croissance aurait été de 1,1 %. Mais, à ce jeu de retirer ce qui dérange, il faudrait aussi effacer la contribution positive liée à la baisse de 1,8 % des importations (à savoir 0,6 point).

Autrement dit, il ne faut pas vouloir travestir la réalité : la croissance française du quatrième trimestre et plus globalement de 2010 est décevante. Et ce d’autant qu’avec un niveau de 1,5 % l’an passé, la progression annualisée du PIB hexagonal demeure largement inférieure à celle de l’Allemagne (en l’occurrence 3,6 %). L’évolution des glissements annuels est encore plus éloquente, puisque celui du PIB allemand a continué d’augmenter pour atteindre 4 % au quatrième trimestre, tandis que celui du PIB français a déjà repris le chemin de la baisse, passant de 1,7 % au troisième trimestre à désormais 1,5 %. Certes, les écarts qui séparent les PIB allemand et français de leur niveau d’avant crise (i.e. celui du premier trimestre 2008) sont presque équivalents : respectivement 1,4 % et 1,6 %. Néanmoins, le résultat allemand a été obtenu en réduisant les dépenses et les déficits publics alors que celui de la France a été réalisé en aggravant les comptes publics.

De plus, la croissance française doit, une fois encore, son salut à la consommation des ménages, qui a progressé de 1,6 % en 2010, en particulier grâce au prolongement de la prime à la casse. En revanche, après avoir déjà chuté de 7,9 % en 2009, l’investissement des entreprises a encore reculé de 1,4 % en 2010. En dépit d’un léger rebond au cours des trois derniers trimestres, cet agrégat déterminant de l’économie affiche encore un repli de 10,3 % par rapport à son précédent sommet du premier trimestre 2008. En d’autres termes, le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation, déjà en marche outre-Rhin, est toujours très loin d’être activé dans l’Hexagone.

Bien entendu, compte tenu de l’ampleur du désinvestissement passé, les entreprises françaises vont forcément reprendre le chemin d’un investissement plus soutenu en 2011. Cependant, cette évolution concernera surtout un effort de remplacement des équipements devenus obsolètes, sans générer une dynamique vigoureuse et durable.

Dans ce cadre, après une croissance annuelle moyenne de 1,6 % de 2001 à 2008, puis une récession historique en 2009 et enfin une reprise faible en 2010, l’économie française restera abonnée à la mollesse en 2011. Et ce d’autant qu’elle démarre cette année avec un acquis de croissance de seulement 0,5 %, c’est-à-dire 0,1 point de moins qu’au début 2010. En outre, avec la fin de la prime à la casse et la remontée des taux d’intérêt, la consommation et l’investissement logement des ménages risquent de souffrir cette année.

Les seules lueurs d’espoir résident dans la probable baisse de l’euro et dans le mouvement de réinvestissement évoqué plus haut qui devraient permettre au PIB français de croître d’environ 1,8 % en 2011. Cette prévision demeure néanmoins très fragile car déjà menacée par la future augmentation de la pression fiscale et par un climat social de plus en plus pesant, sans oublier l’entrée en phase pré-électorale et l’attentisme qu’elle va générer. En conclusion, la France va certainement connaître quelques mois de répit avant une fin 2011 et surtout une année 2012 de tous les dangers.

Marc Touati