La France des twin deficits.

 

C’est une journée bien triste pour l’économie française : à quelques minutes d’intervalle, deux publications sont venues rappeler qu’en 2010, cette dernière est restée frappée par la « malédiction » des twin deficits : 51,44 milliards d’euros de déficit extérieur, soit seulement 5 milliards de moins que le sommet de 2008 et 148,8 milliards de déficit budgétaire, un record historique.

Ces deux évolutions montrent l’ampleur du manque d’efficacité de l’économie française. En effet, s’il était à la rigueur compréhensible de creuser le déficit extérieur en 2008 lors de l’écroulement du commerce mondial, il est inacceptable de voir ce déficit augmenter de 7,2 milliards d’euros en 2010 par rapport à 2009, alors que les échanges internationaux ont atteint des sommets l’an passé. Certes, les exportations françaises ont tout de même progressé de 13,5 % en 2010, atteignant un niveau de 392, 5 milliards d’euros. C’est honorable, mais toujours très loin des 950 milliards d’euros enregistrés par les exportations allemandes.

Autrement dit, le creusement du déficit extérieur français en 2010 constitue une véritable contre-performance et confirme, à quelques exceptions près, la mauvaise spécialisation sectorielle et géographique des exportations françaises. Parallèlement, l’augmentation de 13,8 % des importations, à 443,96 milliards d’euros montre aussi que la résistance de la consommation hexagonale a largement profité à nos concurrents étrangers, sans réussir à booster la croissance et l’emploi sur le territoire national.

Pour 2011, notamment grâce à la dépréciation de l’euro et à la bonne tenue du commerce mondial, le déficit extérieur français devrait légèrement se réduire, vers les 45 milliards d’euros. Il continuera donc de rester élevé et de peser sur la croissance du PIB.

Sur la même longueur d’onde, le record historique du déficit budgétaire rappelle que la France est structurellement handicapée par sa mauvaise gestion des deniers publics. En effet, si le creusement de ce déficit était logique en 2009 lors de la plus grave récession que la France ait connue depuis l’après-guerre, sa nouvelle augmentation en 2010 en dépit d’une croissance de 1,5 % est tout à fait anormale. Et encore, nous ne disposons pas des chiffres des déficits sociaux et locaux qui devraient aggraver la donne… Ces évolutions montrent donc que la France reste sous perfusion publique et est incapable de s’émanciper sur la seule base des moteurs privés.

Dans ce cadre, même si une réduction du déficit public global est probable pour 2011, celle-ci sera très modérée et donc très éloignée des objectifs gouvernementaux. Nous anticipons un niveau de 7 % du PIB.

Il ne faut effectivement pas rêver : le repli du déficit public ne peut pas tomber du ciel. Il ne peut être que le fruit de réformes structurelles, notamment en matière de baisse des dépenses publiques. Malheureusement, l’absence de volonté politique pour réduire ces dernières se traduira par une augmentation de la pression fiscale, ce qui finira par casser le peu de croissance que connaîtra la France en 2011 et limitera par là même la réduction du déficit public.

Que l’on ne s’y trompe pas, les twin deficits français ne sont pas le produit d’une « malédiction divine », ils résultent simplement des erreurs stratégiques réalisées depuis plus de vingt ans dans notre douce France…

 

Marc Touati