Confrontations directes

Alors que les élections régionales approchent à grands pas, le débat reste bien terne sur le devant de la scène politique française. En effet les confrontations d’idées ont toujours revêtu toute leur signification lors de la confrontation de personnes et plus spécifiquement lors de débats télévisés. Il fut en effet un temps ou les grands acteurs politiques s’affrontaient avec force et conviction lors d’émissions de télévision mémorables. On se souvient notamment d’un débat opposant Jacques Chirac à Laurent Fabius en 1984 durant lequel l’ancien président de la République avait affublé du titre de « roquet » le plus jeune premier ministre que la France ait connu. On se souvient également de la fougue et de la répartie de Bernard Tapie qui s’est avéré être un redoutable débatteur mais également de Paul Amar apportant des gants de boxe lors d’un débat opposant ce même Bernard Tapie à son meilleur ennemi Jean-Marie Le Pen.

 

Mais le point d’orgue de ces joutes télévisées demeure incontestablement le traditionnel débat d’entre deux tours de l’élection présidentielle. Mémorable passe d’arme entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand en 1974 avec le fameux « vous n’avez pas le monopole du cœur Monsieur Mitterrand» ou encore « vous êtes l’homme du passé ». François Mitterrand lui rendit la pareille en 1981 lors du « match revanche » en qualifiant Valéry Giscard d’Estaing « d’homme du passif ». L’apogée en matière de confrontation directe fut sans aucun doute le débat d’entre deux tours en 1988 durant lequel François Mitterrand domina Jacques Chirac, son jeune Premier Ministre fougueux et inexpérimenté. Mitterrand incarnant à merveille la force tranquille d’un homme d’Etat aguerri face à Jacques Chirac ne pouvant se défaire de son personnage de Premier Ministre tentant de prendre la place du Président.

 

Depuis ce fameux débat, les joutes d’entre deux tours ont pris une toute autre tournure. En 1995, la confrontation entre Lionel Jospin et Jacques Chirac fut technique, courtoise et posée mais d’un ennui abyssal, sans véritable choc des idées alors qu’idéologiquement tout opposait les deux hommes. Malgré quelques étincelles sous la forme d’une colère théâtralisée de la candidate socialiste, le débat entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy fut également bien terne. L’actuel Président qui souhaitait prouver sa parfaite maîtrise de soi tomba dans l’excès inverse et fut extrêmement lisse voire déférent face à une Ségolène Royal faussement agressive et en mal d’idées. Aujourd’hui, et c’est à regretter, à l’exception du traditionnel débat présidentiel, les joutes politiques télévisées se font de plus en plus rares. Il n’y a effectivement quasiment plus de débat cathodique, puisque les principaux leaders politiques chargent bien souvent leurs proches lieutenants et autres « porte flingues » des basses besognes sous la forme de petites phrases assassines qu’ils pourront toujours condamner par la suite si nécessaire.

 

En d’autres termes, les confrontations sont devenues aseptisées et nos hommes politiques prennent le moins de risques possibles dans un monde où internet relaie le moindre dérapage à une vitesse météorique. Cela est bien dommage car que ce soit dans la forme ou sur le fond, en politique comme en finance, le rendement est proportionnel au risque. Sans parler de la multiplication des blogs des personnalités politiques qui par leur mode de fonctionnement, ne vont clairement pas dans le sens des confrontations directes. Sans tomber dans le combat de gladiateur, à l’image de ce qu’aurait été un débat Chirac Le Pen en 2002, les faces à faces politiques dignes de ce nom font indéniablement défaut à la vie démocratique.

 

La phrase de la semaine :

 «Si j’avais un conseil à donner à Nicolas Sarkozy, c’est de ne pas abuser des électro chocs. Le massage cardiaque est souvent plus efficace, j’en parle d’expérience. Un peu de douceur, Monsieur le Président !» de Jean-Pierre Chevènement défavorable à la réforme de la loi sur la laïcité dans Le Figaro

rôme Boué