Faut-il envisager la fin de la croissance économique ?

Conférence de Copenhague ou pas, le plaidoyer en faveur d’une décroissance économique, ou tout au moins d’une stabilisation durable n’est pas un argument nouveau. Que ce soit Malthus (1766 -1834) ou le Club de Rome (1960), il y a toujours eu des économistes pour prêcher l’arrêt du développement économique, en accompagnement d’un frein à apporter à la croissance  démographique  (mise en place d’un « planning familial», comme en Inde dans les années 70-80). Ces conceptions ont été reprises récemment par certains tenants du mouvement écologique, au nom d’une préservation des ressources terrestres et du climat.

Pour conforter leur position, ils évoquent le cas du Japon, qui connait une stagnation économique depuis environ 15 ans (cf. mon éditorial du 1er juillet 2009). Sauf qu’ils oublient d’en expliquer la raison : la population japonaise est en diminution rapide depuis plusieurs années et l’immigration, relativement faible, car non souhaitée par la majorité des gens, ne suffit pas à combler le déficit démographique qui tend à s’accroître mécaniquement au fil des années. En conséquence, le PIB va connaître une chute de 8% en 2009, alors que la déflation s’installe durablement (baisse des prix de 0.7% en 2008 et baisse des prix de 0.8%, cette année).

Cependant, au niveau du reste du monde, la situation est tout autre. Si certains pays de l’Europe (Russie, Allemagne, Italie) sont menacés par le syndrome japonais, il n’en est pas de même pour l’ensemble des pays émergents (le reste de l’Asie, l’Amérique Latine, l’Afrique).

Globalement, la population mondiale devrait augmenter de 3 milliards d’ici 2050, la baisse de la natalité s’imposant moins vite que la baisse de la mortalité.

Quelles sont les conséquences prévisibles de cette évolution. On constate d’abord que l’alimentation constitue toujours une contrainte lourde en faveur d’une croissance du secteur agricole, au niveau mondial. En effet, on a franchi en 2009 le seuil d’un milliard de personnes sous-alimentées, selon les statistiques de la FAO (Food and Agricultural Organisation), ce qui correspond à une augmentation de 100 millions par an ! Selon les experts de cette institution, la production agricole devra doubler d’ici 2050, si l’on veut pouvoir nourrir les 9 milliards d’êtres humains présents sur terre à cette date. Cela implique des investissements en semences, matériel, infrastructures (irrigation, électricité) et pesticides, de plus de 30 milliards par an. Cette demande se répercutera sur divers secteurs industriels (par exemple, achat de tracteurs, de moissonneuses batteuses), sur les travaux publics (routes, chemins de fer, etc) et sur le secteur commercial (négoce, import-export).

Autre cause de croissance forte : la demande de consommation en provenance des pays émergents. Prenons le cas de la Chine : si l’équipement automobile doit atteindre le niveau des pays industrialisés, c’est la production de 800 millions de voitures qui doit être programmée, d’ici 2050. On peut estimer que les Chinois n’ont pas besoin d’adopter le modèle « occidental ». On ne voit pourtant pas pour quelle raison on pourrait leur interdire de suivre notre exemple. Et même si une part importante de ce parc automobile est constituée de voitures électriques (la Chine poursuit un plan  substantiel d’innovations dans ce domaine), favorisant un développement « vert », il n’en reste pas moins que la fabrication  de voitures implique l’essor de la production d’acier, de pneumatiques, d’électricité, etc., dont l’empreinte carbone n’est pas nulle. Ce qui est vrai pour la Chine peut également être  transposé à l’Inde, le Brésil ou l’Indonésie.

On en conclut que la croissance économique est incontournable, si l’on veut éviter des explosions sociales à répétition.

 

Certes, c’est une mauvaise nouvelle pour les écologistes, mais, par contre, une indication très positive pour l’emploi et, ce faisant, pour l’élévation du niveau de vie  des plus pauvres. Quant au réchauffement climatique  qui peut en découler (si tant est qu’il soit véritablement dû aux activités humaines, ce qui donne encore lieu à polémiques), la solution la plus sensée consiste à s’en accommoder, en essayant de pallier ses effets les plus négatifs.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC

Président du Club Finance HEC