Chômage US, Or, Dette publique : c’est presque Noël ! (E&S n°108)

Humeur :

De Dubaï à Athènes en passant par Paris ?


Comme nous l’annoncions la semaine dernière, la crise de Dubaï a été plus médiatique qu’économique, à tel point que les marchés l’ont déjà presque oubliée. Elle leur a juste permis de reprendre leur souffle pour mieux rebondir. Pour autant, l’affaire Dubaï World a certainement marqué le début d’une nouvelle crise plus profonde, en l’occurrence celle des dettes publiques. En effet, après avoir sauvé le système financier et engagé des relances pharaoniques, les Etats vont devoir désormais payer la facture. Bien entendu, ils n’auront pas à rembourser l’intégralité de leur dette, pour la simple raison qu’ils ont la chance de disposer d’un horizon qui dépasse largement celui des entreprises et a fortiori des ménages. Il est ainsi illustratif de noter que ce n’est qu’en octobre 2010 que l’Allemagne finira de payer les derniers reliquats de la dette héritée du conflit de 1914-1918… Cet horizon multi-générationnel est d’ailleurs la raison pernicieuse pour laquelle de nombreux économistes et hommes politiques estiment que la dette publique n’est pas un problème et qu’elle peut croître sans limite puisque ce seront les générations futures qui la paieront.

Ce raisonnement hâtif et simpliste oublie néanmoins deux évidences. D’une part, il est irresponsable de différer les problèmes actuels sur les prochaines générations. C’est ce qu’ont fait nos prédécesseurs et nous voyons aujourd’hui les désagréments que cette fuite en avant a créés. D’autre part, il ne faut pas oublier que le coût de la dette ne porte pas seulement sur nos enfants et petits-enfants, mais que nous devons payer dès à présent les intérêts de cette dernière. C’est bien là que réside le problème essentiel des Etats surendettés. Car le principe de fonctionnement est malheureusement simple : si la charge de la dette (c’est-à-dire les intérêts payés chaque année par les Etats sur leur dette) est inférieure à la croissance économique du pays, la dette est financée sans difficulté, dans la mesure où elle produit plus de croissance qu’elle ne coûte. A l’inverse, si la croissance forte n’est pas au rendez-vous et a fortiori si les gains économiques ne compensent pas les coûts financiers de la dette publique, les Etats en question s’engagent dans une bulle de la dette, qui se traduit alors par une dégradation de la notation, puis une hausse des taux d’intérêt, donc moins de croissance et plus de charge de la dette… La bulle s’amplifie alors jusqu’à la mise en faillite et le moratoire de la dette. C’est notamment ce que l’on a pu observer en Argentine il y a moins de dix ans.

A cela, certains pourront encore objecter que le Japon, avec une dette publique qui représente 185 % de son PIB, n’a toujours pas été mis en défaut et ce malgré une croissance anémique depuis vingt ans. Cela pourrait alors laisser entendre qu’avec un ratio de 80 % en France, 85 % dans la zone euro, 105 % en Grèce et 120 % en Italie, nous avons encore de la marge… Il n’en est rien. En effet, il n’existe pas de barrière limite à partir de laquelle un Etat est en faillite. Tout cela dépend de l’équilibre (ou du déséquilibre) entre la croissance économique et la charge de la dette, mais aussi des origines du financement de cette dernière. Ainsi, le Japon a beau avoir été dégradé, les taux des obligations d’Etat sont restés bas. Non seulement parce qu’il reste en déflation, mais surtout parce que 98 % de sa dette publique est financée par sa propre épargne. Autrement dit, il n’a pas besoin du reste du monde pour financer son endettement explosif, mais « vit » sur l’épargne pléthorique héritée de sa puissance économique passée.

Bien différemment, la plupart des pays surendettés ont besoin de l’épargne internationale pour se financer. A titre d’exemple, 50 % de la dette publique française est souscrite par des étrangers. Dès lors, si la charge de la dette devient structurellement supérieure à la croissance économique, la bulle de la dette devient inévitable. Pour connaître les pays qui suivront l’Argentine, Dubaï ou encore l’Ukraine sur la liste des pays en cessation de paiement potentielle, il suffit donc d’observer ceux qui affichent les charges de la dette les plus élevées. En l’occurrence, la Grèce (avec un poids de la charge d’intérêts de 5,6 % du PIB en 2010), l’Italie (4,8 %), la Hongrie (4,5 %), la Belgique (4 %), l’Irlande (3,3 %) et la France (3,1 %). Quant à la zone euro, elle s’illustre également avec un niveau de 3,2 %. Des niveaux qu’il faut comparer à une croissance économique d’au mieux 1,3 % en volume et 2,5 % en valeur pour l’ensemble de ces pays en 2010. En d’autres termes, le modèle de relance basé sur l’endettement excessif des Etats, déjà particulièrement mis à mal en 2009, commence à devenir explosif à partir de 2010.

Face à cette débâcle annoncée et a priori inévitable, certains n’hésitent plus à préconiser le retour de l’hyperinflation qui aurait, selon eux, l’avantage d’augmenter la croissance en valeur et d’éponger par là même la charge de la dette publique. Si cet argument peut apparaître sans faille, il pêche néanmoins par deux voies principales. D’une part, l’inflation ne se décrète plus. Nous ne sommes plus dans les années 80. A l’époque, le protectionnisme, les droits de douanes prohibitifs, la faible concurrence, la domination de nombreux marchés par des monopoles ou des oligopoles et l’indexation des salaires aux prix « permettaient » de créer de l’inflation très facilement. Aujourd’hui, il n’en est rien : la forte concurrence internationale, la non-indexation des salaires aux prix, sans oublier la politique orthodoxe de la BCE et le niveau élevé du chômage empêcheront toute résurgence de l’inflation.

Alors que faire ? Tout simplement, favoriser la croissance pour lui permettre de dépasser la charge d’intérêts de la dette. C’est en cela qu’avec une charge d’intérêts de 2,7 % et une croissance de 2,8 % en volume et 5 % en valeur en 2010, les Etats-Unis éviteront la bulle de la dette. La zone euro doit donc s’en inspirer en retrouvant un taux de change plus normal (i.e. autour des 1,20 dollar pour un euro), en maintenant des taux d’intérêt durablement bas et en augmentant l’efficacité des dépenses publiques. Sinon, il faudra se préparer à une grave crise de la dette publique d’ici 2012. Et ce, d’autant qu’il ne sera bientôt plus possible de compter sur la bienveillance de l’Allemagne, car, avec une dette publique et une charge d’intérêts de cette dernière de respectivement 80 % et 3 % du PIB, sans oublier une croissance structurelle de 1 %, nos voisins d’outre-Rhin risquent eux aussi de s’embourber dans le même piège. Qui viendra alors à notre secours ?

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Chômage aux Etats-Unis : c’est presque Noël !


Qui l’eut crû ? Alors que depuis jeudi dernier, une rumeur de marché faisait état d’une augmentation catastrophique du chômage américain en novembre, c’est finalement l’inverse qui s’est produit. Ainsi, après 31 mois de hausse quasi-continue, le taux de chômage des Etats-Unis s’est replié de 0,2 point à 10 %.

La hausse du chômage est stoppée.

Parallèlement, la job machine américaine n’a détruit que 11 000 emplois en novembre, soit son meilleur résultat depuis décembre 2007. Cette évolution est d’autant plus favorable que les destructions d’emplois des deux mois précédents ont été revues en nette baisse : 111 000 en octobre et 139 000 en septembre, contre une estimation initiale de respectivement 190 000 et 219 000. Autrement dit, à chiffres précédents inchangés, le marché du travail aurait créé 148 000 emplois nets en novembre.

De plus, il faut noter qu’après 21 mois consécutifs de baisse, l’emploi dans les services a augmenté de 2.000 personnes en octobre (chiffre révisé en hausse par rapport et son estimation initiale) et de 58 000 en novembre. Là aussi, un plus haut depuis décembre 2007. Cette dynamique retrouvée s’explique principalement par le retour en force des services aux entreprises qui ont enregistré leur troisième mois consécutif de créations d’emplois, soit 148 000 postes sur la période et 86 000 sur le seul mois de novembre.

L’emploi reprend des couleurs…

Par ailleurs, si le taux de salaire horaire n’a augmenté que de 0,1 % en novembre, son glissement annuel reste toujours très appréciable à 2,2 %. Mais surtout, les salaires hebdomadaires moyens ont progressé de 0,7 % sur le seul mois de novembre, soit leur plus forte hausse depuis mars 2008. Autrement dit, les salariés américains auront de quoi consommer pour les fêtes de fin d’année.

Enfin, cerise sur le gâteau, après 28 mois de baisse quasi-ininterrompue, le nombre moyen d’heures travaillées par semaine a progressé de 0,6 % en novembre pour l’ensemble du secteur privé et de 0,7 % dans le seul secteur manufacturier.

S’il ne faut évidemment pas crier victoire trop vite, notamment parce qu’à 10 %, le taux de chômage américain demeure toujours très élevé, les chiffres de novembre rappellent simplement que l’économie américaine est particulièrement résistante et connaît actuellement un cycle normal de reprise. Le déroulement de ce dernier est le suivant : la reprise économique commence, puis, six mois plus tard, l’emploi prend le relais et le chômage commence à reculer. Si le PIB américain a retrouvé le chemin de la hausse à partir de l’été dernier, l’emploi serait donc presque en avance…

Mais pour éviter, tout nouveau soubresaut, l’Oncle Sam dispose encore de quelques cartouches très appréciables : une politique monétaire durablement accommodante et surtout la suite du plan de relance budgétaire qui se traduira par 450 milliards de dollars d’investissements en 2010.

Autrement dit, même si le marché du travail américain reste fragile et pourrait encore enregistrer quelques mois difficiles, la tendance à la baisse du chômage ne fait que commencer et s’intensifiera significativement en 2010.

Good Job de la Fed.

En fait, la seule mauvaise nouvelle de la semaine statistique américaine est relative à la baisse surprise de l’indice ISM des directeurs d’achat dans le secteur non-manufacturier. Après deux mois consécutifs au-dessus de la barre des 50, cet indicateur avancé du PIB dans les services est ainsi repassé sous cette frontière, à 48,7 précisément. Si, comme le montre le graphique ci-dessous, ce niveau n’est pas catastrophique, il confirme néanmoins que la reprise américaine reste encore fragile et que le second volet du plan de relance Obama lui fera le plus grand bien.

La reprise marque une pause temporaire.

En outre, et surtout, en dépit également d’une légère baisse en novembre, l’indice ISM dans l’industrie manufacturière reste largement au-dessus des 50, à 53,6 précisément, indiquant par là même que si elle marque une pause, la reprise est loin d’être terminée.

D’ailleurs, l’indice « commandes » de cette enquête, c’est-à-dire un indicateur avancé de l’investissement des entreprises, a de nouveau progressé en novembre à 60,3.

 

 

 

Le rebond de l’investissement des entreprises s’annonce toujours massif.

 

Si le sommet de 64,9 atteint en août dernier n’est pas retrouvé, cette évolution montre néanmoins que la croissance annuelle de l’investissement devrait renouer avec des niveaux d’au moins 8 % d’ici le printemps 2010. De quoi conforter l’installation du cercle vertueux investissement-emploi-consommation.

 

Marc Touati

 

 



 

La météo économique de la semaine écoulée :


 

Les Marchés :

La rue est vers l’or.


Après avoir atteint les 1000 dollars l’once pour la première fois le 14 mars 2008, puis s’être replié vers les 750 dollars en novembre 2008, l’or s’est installé sur une nette tendance haussière depuis an. Mais, c’est surtout depuis trois mois que la flambée de l’or s’est accélérée : 1000 dollars l’once fin septembre, 1100 dollars début novembre et enfin un nouveau record historique de 1200 dollars depuis le 1er décembre.

Si bien qu’après les marchés et les institutions financières internationales, c’est désormais le grand public qui semble s’intéresser au métal jaune. Situation classique et donc dangereuse puisque c’est souvent lorsque la rue (c’est-à-dire les petits porteurs) commence à acheter massivement un actif dont le prix a fortement flambé au préalable que la bulle commence à se dégonfler. Ce fut par exemple le cas avec les actions en 1987, avant le krach d’octobre, en 2000 au sommet de la bulle Internet ou encore avec les matières premières lorsque le baril atteignait 150 dollars en juillet 2008.

Autrement dit, si la rue est vers l’or, c’est certainement mauvais signe pour les cours à venir.

Certes, la flambée du métal jaune n’est pas que spéculative. Elle s’appuie également sur les achats massifs des banques centrales asiatiques, à commencer par celles de l’Inde et de la Chine. Forte de 2273 milliards de dollars de réserves de change et ne disposant que de 40 milliards de dollars de réserves d’or, la Banque Populaire de Chine est effectivement tentée de convertir une partie de ses dollars en or.

Les Chinois vendent du dollar pour acheter de l’or.

A titre de comparaison, la Réserve Fédérale américaine dispose de 315 milliards de dollars d’or, soit 77,4 % du total de ses réserves « or et devises ». Les Etats-Unis disposant de la devise internationale de référence, ils n’ont évidemment pas besoin de réserves de changes importantes. Aussi, il est clair que, si un jour la Chine veut imposer le yuan dans les transactions internationales et concurrencer le dollar, d’abord en Asie et ensuite au niveau mondial, elle devra continuer d’augmenter son stock d’or.

Dans ces conditions, une forte chute des cours de l’or paraît peu probable. Et ce d’autant que l’or étant un signe extérieur de richesse déterminant dans les pays asiatiques, la demande d’or de la part de c