Attention dérapages !

Faire de la politique est aujourd’hui un véritable métier et communiquer est devenu un art complexe et périlleux. En matière de communication, qu’ils soient calculés ou involontaires, les dérapages sont nombreux et transcendent les clivages politiques. Il y a ceux pour lesquels déraper verbalement est un véritable fond de commerce. C’est le cas de Jean-Marie Le Pen qui pourrait faire sien l’adage «Je provoque donc je suis ». Pour l’ex leader du Front National, les dérapages successifs ont permis de fédérer voire de coaguler la base de son électorat. Pour Nicolas Sarkozy, il y a deux cas de figure bien distincts : tout d’abord, le cas d’une émission de télévision classique ou d’un débat, comme celui qui l’opposait à Ségolène Royal. Le chef de l’Etat se prépare alors minutieusement, coaché par une équipe de professionnels de la communication, parvenant le plus souvent à véhiculer l’image souhaitée. Il a de ce point de vue compris depuis longtemps qu’en politique, la perception était souvent plus importante que la réalité.

 

Deuxième cas de figure : les interventions sur le terrain, beaucoup plus compliquées à gérer pour le chef de l’Etat, dont le tempérament impulsif voire brutal reprend souvent le dessus. En effet, Nicolas Sarkozy oublie trop souvent qu’il est le Président de la République, en se mettant malheureusement au même niveau que ses interlocuteurs. Manque d’envergure, désacralisation de la fonction, sectarisme, xénophobie, les dérapages verbaux de N Sarkozy sont du pain béni pour ses détracteurs. A coté, Jacques Chirac auquel on avait reproché sa fameuse phrase sur « le bruit et les odeurs » quand il parlait des immigrés, fait figure d’enfant de chœur. Quant à Brice Hortefeux qui vient d’endosser le costume de Premier Flic de France, il prend un bien mauvais départ avec son désormais fameux « quand il y en a un, ça va, c’est quand il y en a beaucoup que ça pose des problèmes ». En effet, cela reflète son inexpérience sur le devant de la scène, à l’inverse de Michèle Alliot-Marie qui n’aurait jamais dérapé de la sorte.

 

A gauche, on se souvient d’Edith Cresson comparant les Japonais à des fourmis, ou affirmant en 1991 que « la majorité des hommes dans les pays anglo-saxons sont homosexuels ». Il y a également le dérapage naïf, c’est le cas de Lionel Jospin qui en pleine campagne présidentielle, qualifiait Jacques Chirac de « vieux, usé, fatigué » devant quelques journalistes dans un avion. L’ex Premier Ministre avait bien candidement oublié que devant des journalistes, rien n’est jamais vraiment « off », surtout en pleine campagne présidentielle. En fait, les dérapages verbaux de nos hommes politiques ne sont pas plus nombreux qu’il y a quelques années, mais c’est l’environnement médiatique qui a changé. En effet, à l’ère d’internet et des portables qui filment et prennent des photos sur le vif, un dérapage peut être capturé par n’importe quel quidam, et diffusé en boucle sur internet. A titre d’exemple, la vidéo de Brice Hortefeux a été vue plus de 700 000 fois le premier jour de sa diffusion sur internet…

 

Nos hommes politiques sont confrontés à un exercice de style périlleux : il leur faut éviter le style énarque et la langue de bois, être le plus sincère possible, maîtriser ses nerfs et ses émotions quelles que soient les circonstances, et enfin, véhiculer un message satisfaisant pour les militants et les électeurs. Au regard de cette équation complexe, nos hommes politiques, qui ne disposent pas d’ABS, nous réservent encore quelques beaux dérapages.

 

La phrase de la semaine :

«C’est un beau parcours que fait Jean. Le problème, c’est qu’il a autour de lui une bande de nuls. Il faudrait qu’il nettoie tout ça .» de Nicolas Sarkozy (selon le Canard Enchaîné).

rôme Boué