Cette accusation est portée à travers le récent livre de Florence Noiville « J’ai fait HEC et je m’en excuse » dans lequel la journaliste fustige les écoles de commerce.
Outre le fait qu’il est toujours facile de « cracher dans la soupe » (l’auteur de l’ouvrage est diplômée d’HEC et en a bien profité au début de sa carrière), elle dépeint, par ailleurs, une école dont elle est sortie il y a 20 ans, sans actualiser, un tant soit peu, son analyse. Depuis cette époque, HEC a sensiblement évolué : des cours d’éthique et de déontologie sont proposés aux élèves ; une nouvelle majeure « Altermanagement » a vu le jour.
En outre, un mastère « Développement durable » existe depuis plusieurs années et, enfin, l’école a créé l’an dernier, une chaire de « Social Business » dont l’un des parrains est Martin Hirsch, le compagnon de Florence Norville dans le civil (le livre est-il un règlement de compte conjugal ?).
Au delà de ces faits qui viennent relativiser l’intérêt de l’ouvrage, on peut énoncer plusieurs observations. Tout d’abord, il existe plus de vocations à HEC pour l’humanitaire et les organismes non-gouvernementaux ou pour les industries culturelles (une nouvelle spécialisation vient d’être créée, dans ce domaine) que pour les salles de marché! les chiffres sont là pour témoigner (cf. les statistiques citées par
Deuxième remarque : les causes de la crise sont à chercher du côté du manque de réglementations (aux Etats Unis, en particulier), de l’inefficacité des contrôles et de politiques monétaires inadéquates. Les dirigeants politiques de même que les autorités de régulation ne sont pas en général des anciens élèves des « business schools » mais plutôt des diplômés en droit ou dans le cas de
Autre point : les incitations produisent de la « spéculation » qui pervertit le système capitaliste et provoque des crises financières. Je répondrai que cette problématique est beaucoup plus complexe qu’elle n’y paraît à première vue. Les études académiques sur le sujet sont contradictoires : certes, les spéculateurs tendent à accentuer les variations de cours (et donc leur volatilité), mais dans le même temps, ils apportent de la liquidité, très utile aux marchés et assurent aussi une fonction d’arbitrage et de réduction des dysfonctionnement en réduisant la segmentation des marchés. Il est impossible, à l’heure actuelle, de chiffrer leur impact exact, en termes économiques, et donc leur responsabilité dans la crise.
Reproche suivant : la finance a pris trop de place face à l ‘économie réelle, il faudrait donc limiter son rôle. Ce type d’affirmation est totalement arbitraire, dans la mesure où il n’existe pas de « ratio optimal » connu des activités financières relativement à l’industrie et aux autres activités de service. Certes, la finance a un poids accru aujourd’hui, si on la compare aux services financiers des siècles passés, mais le monde connaît une croissance supérieure à celle des périodes antérieures (qu’il faut donc financer) et, parallèlement, l’interdépendance des marchés et la multiplication des transactions conduisent à recourir à une « financiarisation » accélérée (ainsi des régions entières du globe découvrent la « monétarisation », telle l’Afrique ou le subcontinent indien).
Pour terminer et en revenir à notre sujet du jour, l’éthique est l’affaire de tous. A priori, c’est plutôt dans le cadre de la famille ou de l’école primaire et secondaire que les jeunes doivent y être sensibilisés par l’exemplarité en particulier).Que les « business schools » enseignent « le business » ne paraît pas aberrant.
Ce que n’empêche pas de proposer aux étudiants des cours d’histoire économique, de sociologie, de déontologie, d’introduction au développement durable, ce que font désormais toutes les écoles de gestion.
Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC
Président du Club Finance HEC