Quel point commun peut-il bien y avoir entre Barack Obama, le Fonds Monétaire International et l’Irlande ? La réponse est simple : en moins d’une semaine, le Président américain, l’Institution financière et le pays européen ont été marqués par un revirement de situation notable, du moins en apparence.
Ainsi, moins d’un an après son élection et alors qu’il semble déjà fragilisé par le débat houleux autour de la réforme du système de santé américain, Barack Obama vient de subir son premier grand revers politique et international : le recalage par le CIO de la ville de Chicago pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2012. Et ce, non seulement dès le premier tour mais surtout en dépit de l’intervention historique du Président américain pour soutenir la candidature de sa ville d’adoption. A croire que ce déplacement de dernière minute à Copenhague devant le CIO a joué contre le camp américain. D’où une simple question : Comment le fin stratège qu’est vraisemblablement Monsieur Obama a-t-il pu tomber dans ce piège ? Certains n’hésiteront pas à en déduire que ce dernier a déjà perdu la main, voire à évoquer une comparaison avec la déception qui a entouré les mandats de Georges W. Bush. Et si, comme son prédécesseur, Mr. Obama n’était pas à la hauteur ? Bien entendu, la décision du CIO ne va pas changer la face du monde, si ce n’est que cela permettra d’asseoir encore un peu plus la crédibilité et la puissance montante du Brésil et de son Président.
Pour autant, l’échec de Chicago fait craindre qu’il pourrait être le premier d’une série beaucoup plus importante, notamment en matières de relance économique, de résolution des conflits en Afghanistan et en Irak, de contrôle de la puissance nucléaire iranienne ou encore de paix au Proche-Orient. Quel contraste avec l’euphorie du printemps dernier ! Cependant, si ce changement de décor va certainement plaire à certains, notamment en Europe et en particulier dans l’Hexagone, l’attribution du prix Nobel de la paix au Président américain devrait largement redorer son image. De plus, n’oublions pas que, pour le moment, le pays développé le mieux armé pour retrouver le chemin d’une croissance soutenue et durable reste les Etats-Unis. D’autant plus que l’essentiel du plan de relance Obama n’interviendra qu’en 2010 au travers d’une enveloppe d’environ 450 milliards de dollars d’investissements. Et cela, même le FMI est désormais capable de l’intégrer dans ses prévisions.
Il s’agit d’ailleurs là du deuxième revirement majeur de ces derniers jours. En effet, il y a encore quelques semaines, le FMI n’avait de cesse de répéter que la crise était au moins aussi grave que celle de 1929, que l’économie mondiale mettrait des années à en sortir ou encore que les banques étaient encore proches de la faillite. Bien loin de ce scénario noir qu’il a défendu bec et ongles pendant des mois, le FMI vient de faire un virage conséquent. Certes, il continue de mettre en exergue les risques qui pèsent sur la croissance mondiale. Néanmoins, il annonce désormais que cette dernière devrait atteindre 3,1 % en 2010 (soit tout juste 0,1 point de moins que notre prévision établie depuis le printemps), avec des performances de 9 % pour
De deux choses l’une : soit les économistes et le Directeur Général du FMI ont été touchés par la grâce, soit, comme d’habitude, ils se contentent de faire des anticipations extrapolatives, c’est-à-dire dupliquer le passé récent sur le futur. Dans les deux cas, il faut malheureusement s’en inquiéter. D’une part, parce que cela rappelle que les prévisions du FMI figurent parmi les moins fiables de la planète. D’autre part, parce que la réalité est souvent aux antipodes des anticipations du FMI. Ainsi, début 2008, le FMI annonce pour l’année en cours une croissance de 2,5 % pour la zone euro et une baisse de 1 % du PIB aux Etats-Unis. Résultats effectifs : + 0,7 % pour la première et + 0,4 % pour les seconds. Dix ans plus tôt déjà, le succès des prévisions étaient au rendez-vous puisque le même FMI annonçait que
Fort heureusement, en privé, le patron du FMI n’a cessé de souligner qu’il pensait que les nouvelles prévisions du FMI étaient trop optimistes et que le risque de rechute était très élevé. Ouf ! Nous allons pouvoir maintenir notre scénario relativement positif pour 2010. Nous ne le dirons jamais assez : les prévisions du FMI ne sont pas économiques, mais politiques. Et sur ce point malheureusement, il n’y a pas eu de changement de cap.
Enfin, troisième revirement de la semaine, l’Irlande a voté massivement en faveur de la ratification du Traité de Lisbonne. Ainsi, après avoir été accusée de trahison, de ne pas avoir la reconnaissance du ventre et de mettre à mal la construction européenne, l’Irlande est devenue en quelques jours le sauveur de l’Europe, le pays qui devrait même permettre de relancer l’Union sur de bons rails. A l’évidence, sur ce point en tout cas, la crise a eu du bon. Car, ne nous leurrons pas, ce « oui » est un « oui » de la peur. Il est effectivement clair que, sans la protection de la zone euro, l’Irlande aurait encore plus souffert que ce qu’elle vit actuellement. Mais là aussi, les apparences sont trompeuses. Car, même si sans lui, la crise aurait certainement été encore plus grave, l’euro n’a absolument pas empêché la récession. Pis, de par sa vigueur excessive, il a alimenté cette dernière et empêche aujourd’hui la zone de retrouver rapidement une croissance soutenue. Sans parler des pays d’Europe de l’Est qui doivent suivre l’appréciation excessive de l’euro et affronter un obstacle supplémentaire dont ils se seraient bien passés.
En outre, en dépit du oui irlandais, le plus dur reste à faire. A commencer par la ratification dans les autres pays et notamment les eurosceptiques, République tchèque et Royaume-Uni en tête. Ensuite, tant que ce dernier n’intégrera pas la zone euro, cette dernière ne sera pas terminée et ne pourra pas prétendre à devenir une zone monétaire optimale. Et ce d’autant que, compte tenu des dérapages budgétaires actuels notamment en France, l’harmonisation des conditions réglementaires et fiscales ou la création d’un budget fédéral sont remis aux calendes grecques. Perspective malheureusement, confirmée par le discours des Anglais qui, contrairement à leurs cousins irlandais, n’ont absolument pas l’intention de devenir europhiles du jour au lendemain. Et pour cause : c’est grâce à leur non-participation à l’euro qu’ils ont pu bénéficier d’une forte et rapide baisse des taux d’intérêt, d’une dépréciation massive de la livre et d’une relance budgétaire pharaonique.
Quelle leçon peut-on alors tirer de ces trois revirements de situation qui en fait n’en sont pas ? Tout simplement qu’il est indispensable de ne pas se fier aux apparences, de prendre de recul et de ne surtout pas tomber dans le piège de la pensée unique…
Marc Touati