Bonus, Emploi US, BCE : un été chargé… (E&S n°93)

 

Humeur :

Bonus : Attention à la désinformation !


Est-ce la chaleur électrique de l’été, est-ce le manque de catastrophes ou encore la nécessité de créer l’événement ex nihilo ou peut-être tout à la fois ? Toujours est-il que la presse française a de nouveau décidé de tirer sur les banques et en particulier sur leurs traders. Il faut dire que, depuis quelques mois, les marchés vont mieux, l’économie mondiale montre des signes tangibles d’amélioration, déjouant les scénarii consensuels d’écroulement planétaire tant avancés en particulier dans les médias français.

Autrement dit, tout allait trop bien, il fallait bien que cela cesse. C’est ainsi qu’au détour de la publication des résultats de la première banque française, BNP Paribas, un nouveau scandale va être monté de toute pièce. En effet, compte tenu des craintes qui pesaient il y a peu sur la santé des banques, notamment françaises, il aurait pu être opportun de mettre en exergue qu’en dépit des tempêtes et de la crise, les banques françaises affichent de bons résultats semestriels. Dès lors, elles vont pouvoir progressivement retrouver le chemin de la confiance, donc de l’octroi de crédit, ce qui permettra in fine de relancer l’économie hexagonale. Mais non, ce discours aurait été trop optimiste, donc trop simpliste…

Aussi, alors que BNP Paribas pensait certainement bien faire en affichant qu’elle commençait à provisionner pour les primes contractuelles de certains de ses salariés qui ont justement permis de réaliser d’aussi bons résultats, cette information va être transformée en un véritable scandale : BNP Paribas se prépare à verser 1 milliard d’euros de bonus au titre de l’année 2009. Il n’en fallait pas plus pour relancer la lutte des classes dans l’Hexagone et permettre aux hommes et femmes politiques de sortir de leur léthargie estivale pour sauter sur l’occasion de faire parler d’eux en plein mois d’août, faisant croire au plus grand nombre que les méchants traders ont déjà repris le pouvoir pour s’enrichir de façon éhontée et appauvrir la majorité des citoyens…

Evidemment, prise brute, l’information a évidemment de quoi choquer. En particulier, lorsque l’on sait que certaines entreprises mettent la clé sous la porte, que le chômage devrait encore augmenter dans les prochains mois et que la moitié des Français dispose d’un revenu de moins de 1510 euros nets par mois. Pis, selon l’INSEE, l’Hexagone comptait en 2007 huit millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (910 euros par mois) contre 7,8 millions l’année précédent. La société française produit donc de plus en plus de pauvres et d’inégalités. Le coupable idéal est donc forcément le méchant trader qui gagne des millions par an… Ce raccourci est évidemment très pratique dans la mesure où il masque tout simplement l’échec de la politique économique hexagonale basée sur toujours plus de fiscalité et plus de dépenses publiques. L’augmentation de la pauvreté en France montre donc que cette stratégie du toujours plus d’Etat dans l’économie est de plus en plus inefficace.

Quant au trader, excepté le malintentionné (il y en a partout et dans toutes les professions), il ne fait finalement que rémunérer un savoir-faire qui est d’ailleurs généralement très lucratif pour les banques. Pour reprendre l’exemple de la BNP, rappelons ainsi qu’au premier semestre, sur un résultat de 3,2 milliards, 2,4 milliards proviennent des activités de marchés. En d’autres termes, les traders de la BNP n’ont volé personne. Leur rémunération variable est tout à fait légale dans la mesure où elle figure dans leur contrat de travail. En outre, conformément aux accords pris avec le gouvernement français, les bonus ne seront plus versés sur une année mais sur plusieurs de manière à pouvoir lisser ces salaires variables en corrigeant les bonnes années par les moins bonnes. Le fameux argument qui consistait à dire que les traders avaient intérêt à faire des profits énormes sur une seule année en prenant des risques maximum sans se soucier des années suivantes ne tient donc plus.

Par ailleurs, si un milliard d’euros de bonus provisionnés constitue une somme importante, il ne faut pas oublier qu’elle concerne 17 000 salariés, soit 58 823 euros bruts par personne. Une somme là aussi conséquente mais presque équivalente au revenu annuel net d’un couple avec deux enfants en France en 2007 (54 180 euros précisément). Rappelons également que le traitement de base d’un administrateur civil hors classe de la fonction publique est de 58 300 euros bruts par an hors primes, que celui d’un commissaire européen est de 230 000 euros et qu’en 2008, les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ont augmenté de 9,4 milliards d’euros…

De plus, il ne faut pas oublier que les salaires versés aux traders reviennent en grande partie dans l’économie française. Tout d’abord, au travers d’une pression fiscale de plus de 50 %, mais aussi grâce à leurs dépenses de consommation, d’investissement logement… Si, demain, ces traders partent pour Londres, New York ou Singapour, il est clair que leur salaire restera au moins aussi élevé, mais que ni l’Etat français, ni les commerçants de l’Hexagone n’ont verront la couleur.

Enfin, et plus globalement, il est frappant de voir comment il est possible de dénigrer une profession sans savoir même ce qu’elle représente. A la rigueur, un joueur de foot ou une star de cinéma ou de télé payé plusieurs millions d’euros par an, cela choque peu, mais au moins, chacun sait ce que signifie taper dans un ballon, jouer la comédie ou présenter un jeu-télé. En revanche, nombreux parmi ceux qui vilipendent les traders ne savent même pas en quoi consiste leur métier. Mieux ou pis, ils ne savent même pas les identifier. Ainsi, le jeudi 6 août, le journal « Libération » fait sa une avec une photo d’opérateur de notre salle de marchés avec pour légende « Traders de la société Global Equities ». Le même jour, le Figaro publie deux photos avec les mêmes personnes et la même légende. Et ce évidemment sans prévenir ou demander une autorisation. Mais le plus beau n’est pas là, car, comme nos lecteurs le savent, chez Global Equities, il n’y a pas de traders…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

Etats-Unis : le taux de chômage en baisse pour la première fois depuis 2007.


It’s incredible ! Défiant la totalité des prévisionnistes qui annonçaient une hausse continue du taux de chômage pendant encore quelques mois pour les plus optimistes et pendant plus d’un an pour les plus pessimistes, celui-ci a finalement baissé dès juillet 2009, passant de 9,5 % à 9,4 %.

Certes, un point ne fait pas une tendance et un taux de chômage de 9,4 % est loin d’être euphorique, pour autant, cette première baisse mensuelle depuis octobre 2007 confirme que le chômage a exagérément augmenté depuis neuf mois au regard de l’activité économique.

En effet, comme nous l’avons écrit dans ces mêmes colonnes dès le printemps dernier, seuls 60 % de la hausse du chômage s’expliquait par la baisse de l’activité économique, les 40 % restant étant dus à un mouvement de peur, de panique ou parfois à un effet d’aubaine.

Aussi, à présent que l’économie américaine se redresse, certes encore très progressivement, il est normal que l’ajustement favorable sur le chômage soit si rapide.

Première baisse mensuelle du taux de chômage depuis octobre 2007 !

De plus, cette baisse du chômage n’est pas le simple fait d’un ajustement statistique, mais se retrouve également dans les autres chiffres du rapport sur l’emploi de juillet.

Ainsi, la job machine américaine n’a détruit « que » 247 000 emplois en juillet, contre 443 000 en juin ou encore 741 000 en janvier dernier. Si les destructions d’emplois sont donc toujours présentes, il s’agit néanmoins du mois « le moins destructeur » depuis août 2008.

Parallèlement, si l’ensemble des secteurs d’activité continue de détruire des emplois (à l’exception de l’éducation, de la santé et du secteur public, relance budgétaire oblige), ils le font à un rythme de plus en plus faible. A commencer par l’industrie manufacturière qui n’a détruit que 52 000 emplois, son meilleur résultat depuis juillet 2008.

Et ce mouvement devrait d’ailleurs se prolonger à en croire la dernière enquête ISM des directeurs d’achat qui a notamment indiqué un net redressement de l’indice « emploi ». Certes, il ne dépasse pas la barre des 50, mais avec un niveau de 45,6, contre 40,7 en juin ou encore 26,1 en février dernier, il retrouve un plus haut depuis août 2008. Après avoir licencié massivement et exagérément, les entreprises américaines sont donc sur le point d’arrêter ce massacre avant de reprendre le chemin des créations d’emplois dans les prochains mois, une fois que le mouvement de réinvestissement sera lancé.

En outre, le nombre d’heures travaillées par semaine a repris le chemin de la hausse à 33,1 heures. De même, le taux de salaire horaire a augmenté de 0,2 % en juillet et les salaires hebdomadaires moyens ont progressé de 0,5 %. A l’évidence, nous sommes loin des années 30…

Compte tenu de la poursuite de la baisse des prix en juillet, cette hausse mensuelle des salaires indiquent que le glissement annuel des salaires réels se stabilise à plus de 4 %, indiquant par là même que le rebond de la consommation devrait être soutenu dans les prochains mois.

Des salaires réels en hausse de 4 % appellent un fort rebond de la consommation.

Même s’il ne faut évidemment pas sauter au plafond et/ou vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, il est clair que le cercle vertueux de croissance investissement-emploi-consommation, que la grande majorité des économistes croyait mort et enterré pour longtemps, est bien en train de renaître de ses cendres.

Seule ombre au tableau : il ne faudrait pas que ce rebond entraîne une flambée des cours pétroliers et des taux d’intérêt, ce qui freinerait inévitablement la reprise à venir. C’est là toute la futilité des marchés : hier, ils étaient prêts à sombrer dans les années 30, aujourd’hui, ils veulent croire au retour de la croissance forte… Or, si la reprise est inévitable, elle restera fragile. Il ne faudra donc pas la gâcher en favorisant une hausse excessive des prix pétroliers.

Marc Touati



 

La météo économique de la semaine écoulée :

 

 Cf. document pdf. Merci.

 

Les Marchés :

La BCE dans le doute.


On n’attendait pas grand chose de la réunion de la politique monétaire du 7 août dernier. Et, pour une fois, la BCE n’a pas déçu. Elle n’a rien fait.

Certes, on pourrait avancer que ce n’est déjà pas si mal. En effet, compte tenu de la légère amélioration de certains indicateurs avancés de la conjoncture eurolandaise, une mouche monétariste aurait pu piquer les dirigeants de la BCE et les pousser à annoncer qu’un resserrement monétaire était proche.

Fort heureusement, l’atteinte d’un glissement annuel des prix à la consommation de – 0,6 % en juillet n’a pas permis à cette mouche d’agir. D’ailleurs, à écouter Jean-Claude Trichet sur le caractère éphémère de cette déflation, on s’est bien rendu compte que l’atmosphère était toujours aussi monétariste orthodoxe à Francfort.

Une déflation de – 0,6 %, mais la BCE reste de marbre.

Autrement dit, au contraire de ce que M. Trichet nous avait laissé croire il y a un mois, le prochain mouvement du taux refi sera certainement une hausse.

Pourtant, des mots mêmes du Président de la BCE, la reprise reste « chaotique » et les « signes contradictoires ». Dans ce cadre, en refusant d’abaisser son étreinte à 0,75 % ou 0,5 %, sachant que toutes les banques centrales du monde développé ont pratiqué depuis déjà plusieurs mois des taux directeurs centraux entre 0 et 0,5 %, la BCE prend un risque important d’étouffer le peu de reprise qui se dessine dans l’œuf.

C’est cela qui est vraiment fatiguant avec la BCE : les risques inflationnistes sont toujours surpondérés, alors que les risques sur la croissance sont toujours sous-pondérés. Résultat des courses : la zone euro est en récession doublée d’une déflation et son taux de chômage atteint des sommets et se dirige tranquillement vers la barre des 10 % pour la rentrée de septembre.

Certes, compte tenu de l’augmentation des prix des matières premières et notamment du pétrole, l’inflation devrait rapidement revenir sur le devant de la scène.

C’est d’ailleurs là que réside le paradoxe de la stratégie de la BCE. Car, en maintenant des taux directeurs bien supérieurs à ceux des Etats-Unis, elle renforce la vigueur de l’euro et la faiblesse du dollar. Or, la baisse du dollar renchérit le prix du pétrole et accroît par là même l’inflation.

En d’autres termes, cette politique est doublement perdante : non seulement elle empêche une forte reprise, mais en plus elle augmente les pressions inflationnistes liées au pétrole.

Mais malgré cela et eu égard au retour en grâce des marchés actions qui limitera la spéculation sur les matières premières, l’inflation devrait rester contenue. En moyenne annuelle, elle restera toujours largement sous contrôle, ne dépassant que temporairement les 2 % début 2010 via des effets de base défavorables.

De même, hors énergie et alimentaire, l’inflation eurolandaise demeurera sous les 2 %.

Bientôt – 5 % de baisse du PIB, et alors ?

En revanche, en dépit d’un rebond, lui aussi technique, donc inévitable, le PIB restera faible et continuera d’afficher des glissements annuels négatifs jusqu’au printemps 2010. Au deuxième trimestre 2009, la barre des – 5 % pourrait même être enfoncée. Quant à la croissance annuelle moyenne, après avoir atteint un plancher historique de – 4 % cette année, elle devrait difficilement atteindre les 1,5 % en 2010.

A moins que l’euro continue de s’apprécier, ce qui réduira et différera encore la reprise économique de la zone euro.

Marc Touati