Est-ce la chaleur électrique de l’été, est-ce le manque de catastrophes ou encore la nécessité de créer l’événement ex nihilo ou peut-être tout à la fois ? Toujours est-il que la presse française a de nouveau décidé de tirer sur les banques et en particulier sur leurs traders. Il faut dire que, depuis quelques mois, les marchés vont mieux, l’économie mondiale montre des signes tangibles d’amélioration, déjouant les scénarii consensuels d’écroulement planétaire tant avancés en particulier dans les médias français.
Autrement dit, tout allait trop bien, il fallait bien que cela cesse. C’est ainsi qu’au détour de la publication des résultats de la première banque française, BNP Paribas, un nouveau scandale va être monté de toute pièce. En effet, compte tenu des craintes qui pesaient il y a peu sur la santé des banques, notamment françaises, il aurait pu être opportun de mettre en exergue qu’en dépit des tempêtes et de la crise, les banques françaises affichent de bons résultats semestriels. Dès lors, elles vont pouvoir progressivement retrouver le chemin de la confiance, donc de l’octroi de crédit, ce qui permettra in fine de relancer l’économie hexagonale. Mais non, ce discours aurait été trop optimiste, donc trop simpliste…
Aussi, alors que BNP Paribas pensait certainement bien faire en affichant qu’elle commençait à provisionner pour les primes contractuelles de certains de ses salariés qui ont justement permis de réaliser d’aussi bons résultats, cette information va être transformée en un véritable scandale : BNP Paribas se prépare à verser 1 milliard d’euros de bonus au titre de l’année 2009. Il n’en fallait pas plus pour relancer la lutte des classes dans l’Hexagone et permettre aux hommes et femmes politiques de sortir de leur léthargie estivale pour sauter sur l’occasion de faire parler d’eux en plein mois d’août, faisant croire au plus grand nombre que les méchants traders ont déjà repris le pouvoir pour s’enrichir de façon éhontée et appauvrir la majorité des citoyens…
Evidemment, prise brute, l’information a de quoi choquer. En particulier, lorsque l’on sait que certaines entreprises mettent la clé sous la porte, que le chômage devrait encore augmenter dans les prochains mois et que la moitié des Français dispose d’un revenu de moins de 1510 euros nets par mois. Pis, selon l’INSEE, l’Hexagone comptait en 2007 huit millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (910 euros par mois) contre 7,8 millions l’année précédent. La société française produit donc de plus en plus de pauvres et d’inégalités. Le coupable idéal est donc forcément le méchant trader qui gagne des millions par an… Ce raccourci est évidemment très pratique dans la mesure où il masque tout simplement l’échec de la politique économique hexagonale basée sur toujours plus de fiscalité et plus de dépenses publiques. L’augmentation de la pauvreté en France montre donc que cette stratégie du toujours plus d’Etat dans l’économie est de plus en plus inefficace.
Quant au trader, excepté le malintentionné (il y en a partout et dans toutes les professions), il ne fait finalement que rémunérer un savoir-faire qui est d’ailleurs généralement très lucratif pour les banques. Pour reprendre l’exemple de
Par ailleurs, si un milliard d’euros de bonus provisionnés constitue une somme importante, il ne faut pas oublier qu’elle concerne 17 000 salariés, soit 58 823 euros bruts par personne. Une somme là aussi conséquente mais presque équivalente au revenu annuel net d’un couple avec deux enfants en France en 2007 (54 180 euros précisément). Rappelons également que le traitement de base d’un administrateur civil hors classe de la fonction publique est de 58 300 euros bruts par an hors primes, que celui d’un commissaire européen est de 230 000 euros et qu’en 2008, les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ont augmenté de 9,4 milliards d’euros…
De plus, il ne faut pas oublier que les salaires versés aux traders reviennent en grande partie dans l’économie française. Tout d’abord, au travers d’une pression fiscale de plus de 50 %, mais aussi grâce à leurs dépenses de consommation, d’investissement logement… Si, demain, ces traders partent pour Londres, New York ou Singapour, il est clair que leur salaire restera au moins aussi élevé, mais que ni l’Etat français, ni les commerçants de l’Hexagone n’ont verront la couleur.
Enfin, et plus globalement, il est frappant de voir comment il est possible de dénigrer une profession sans savoir même ce qu’elle représente. A la rigueur, un joueur de foot ou une star de cinéma ou de télé payé plusieurs millions d’euros par an, cela choque peu, mais au moins, chacun sait ce que signifie taper dans un ballon, jouer la comédie ou présenter un jeu-télé. En revanche, nombreux parmi ceux qui vilipendent les traders ne savent même pas en quoi consiste leur métier. Mieux ou pis, ils ne savent même pas les identifier. Ainsi, le jeudi 6 août, le journal « Libération » fait sa une avec une photo d’opérateurs de notre salle de marchés avec pour légende « Traders de la société Global Equities ». Le même jour, le Figaro publie deux photos avec les mêmes personnes et la même légende. Et ce évidemment sans prévenir ou demander une autorisation. Mais le plus beau n’est pas là, car, comme nos lecteurs le savent, chez Global Equities, il n’y a pas de traders…
Marc Touati