Green Economy, Croissance US, BCE… (E&S n°91)

Humeur :

La « green economy » : mode, bulle ou révolution ?


Depuis quelques années à travers le monde et surtout depuis quelques semaines dans l’Hexagone, l’économie verte fait un véritable tabac. Mais, au-delà de ce succès marketing, il ne faudrait cependant pas tomber dans le piège de la mode et du mimétisme qui consisterait à penser qu’en dehors du « vert » point de salut, en particulier parce que derrière cette « noble cause » peuvent se cacher des sous-entendus très pernicieux voire dangereux, à commencer par la théorie de la décroissance. Ainsi, la « green economy » constitue à la fois une chance pour l’avenir économique de la planète mais aussi un danger dont il est pour le moment difficile de parler, tant les esprits restent enchantés par la vision d’un monde vert.

Pour mieux comprendre cette problématique, il faut remonter à une question qui n’a cessé de faire réfléchir les économistes depuis des siècles et encore plus aujourd’hui, à savoir : Comment faire de la croissance infinie dans un monde fini ? En effet, dans la mesure où la terre est ronde et où nous vivons dans un monde à l’horizon spatiotemporel limité, la croissance infinie ou durable ne peut a priori pas exister. Cette dernière ne serait donc qu’une illusion qui devient une bulle et qui finit forcément par exploser. Dans ce cadre, la seule solution possible semble résider dans ce que l’on appelle la décroissance. Celle-ci signifie simplement qu’après avoir trop crû (le verbe croire pourrait aussi convenir), nous devons désormais décroître pour éviter l’éclatement de la bulle et in fine sauver la planète.

Si cette théorie apparaît donc à la fois indispensable et séduisante, elle pèche néanmoins par au moins deux voies. D’une part, si, pour des pays riches, il est, à la rigueur, possible de concevoir la décroissance, cette dernière est parfaitement inégalitaire pour des pays en développement, qui n’auraient donc pas le droit de croître et de rattraper leurs grands frères de l’Occident. Sous couvert d’égalitarisme, la théorie de la décroissance et son alliée, celle de l’altermondialisation ne reviendraient donc finalement qu’à maintenir, voire aggraver, l’écart qui sépare les pays riches des moins riches. N’oublions pas qu’il y a trente ans, les pays émergents qu’on appelait à l’époque les PVD (les pays en voie de développement) ne réalisaient qu’environ 10 à 15 % de la croissance mondiale chaque année. Depuis 2002, grâce à la mondialisation des années 1990 et aux transferts de technologies et de capitaux qu’elle a permis, les pays émergents sont devenus les locomotives de la croissance mondiale. Mieux, en 2009, alors que la quasi-totalité des pays dits développés sont en récession, les pays dits émergents continuent de résister, à commencer par la Chine et l’Inde et à l’exclusion des pays d’Europe de l’Est.

D’autre part, le deuxième travers de la décroissance réside dans le fait que sans croissance, il n’y a pas d’emploi. Et sans emploi, les revenus reculent et la grogne sociale monte. L’exemple de la flambée du chômage que subissent depuis un an de nombreux pays à travers la planète montre combien la décroissance peut coûter cher. Or, si la révolution verte doit passer par le chômage et la crise sociale, il y a clairement un problème de durabilité à cause du manque de croissance. D’ailleurs, n’oublions pas que dans l’expression « développement durable », il y a développement…

S’il faut donc bannir la décroissance, le dilemme de la croissance infinie dans un monde fini reste entier et appelle une réponse efficace. Cette dernière est finalement simple et réside justement dans la « green economy ». En effet, le seul moyen de générer une croissance infinie ou durable dans un monde fini passe par l’optimisation de l’existant, principalement au travers du progrès technologique. Ainsi, comme cela s’observe depuis le XVIIème siècle, le développement économique repose sur des cycles de long terme qui naissent avec les révolutions technologiques. Le processus est toujours le même : la révolution technologique génère une forte hausse des investissements dans ces nouveaux secteurs, qui, à son tour, entraîne une croissance vigoureuse et de fortes créations d’emplois, notamment via le processus de destruction créatrice, qui consiste à supprimer des emplois dans les anciens secteurs d’activité pour en créer beaucoup plus dans les nouveaux. Ensuite, une phase de maturité s’installe au travers d’un mouvement de fertilisation de la révolution technologique à l’ensemble de l’économie. Malheureusement, cette phase est directement suivie de la formation d’une bulle spéculative, liée au fait qu’il reste très difficile de valoriser financièrement les nouvelles success story. La bulle finit alors par éclater, entraînant une phase de récession qui prendra fin avec la révolution technologique suivante.

Ainsi, si la dernière révolution a été celle des NTIC, celle qui est en train de s’installer réside bien dans les NTE, les Nouvelles Technologies de l’Energie et de leur corollaire, la « green economy ». Mais attention, cette dernière ne consiste absolument pas à se contenter de créer une éco taxe pour se donner bonne conscience. Car si tel est le cas, la « green economy » prolongera l’actuelle décroissance, avec tous les dangers qu’elle suscitera. Non, cette révolution verte doit au contraire se traduire par une augmentation de l’innovation et des dépenses de Recherche & Développement à bon escient, c’est-à-dire avec des conséquences concrètes en termes de créations de richesses et d’emplois.

C’est là le moyen principal que les pays du globe doivent mettre en place pour augmenter leur croissance structurelle et faire baisser par là même leur chômage structurel. C’est dans ce cadre que s’inscrivent notamment la relance Obama, mais aussi les efforts de la Chine qui est dernièrement devenue le pays qui investit le plus en R&D dans les énergies renouvelables. Quant à l’Europe et à la France, si elles étaient leaders dans les NTE dans les années 80, elles ont largement perdu cette avance au profit d’une augmentation des dépenses publiques principalement utilisées pour colmater les brèches d’une société en mal de renouveau et entretenir le train de vie d’Etats beaucoup trop coûteux et donc trop soucieux, pour que rien ne change, d’augmenter les impôts.

La médaille de la « green economy » a donc bien deux faces : l’une restrictive et contre-productive de l’éco-taxe et l’autre innovante, donc créatrice de richesses et d’emplois, de l’investissement efficace en R&D. Espérons que, pour une fois, les Français et les Européens sauront choisir la bonne…

Marc Touati


Quid de l’économie cette semaine ?

L’économie américaine toujours convalescente.


Alors que depuis deux mois, l’économie américaine commençait à redémarrer, les chiffres publiés cette semaine ont indiqué que la fragilité restait d’actualité, sans pour autant remettre en cause la reprise en douceur qui se dessine outre-Atlantique.

Tout d’abord, après avoir flambé de 29,5 points de février à mars 2009, l’indice de confiance des ménages américains calculé par le Conference Board en a reperdu 5,5 en juin. Néanmoins, cela ne remet pas du tout en cause le rebond de la consommation tel qu’il se dessine depuis trois mois.

Ainsi comme le montre le graphique ci-dessous, le glissement annuel de la consommation des ménages devrait bien repasser au-dessus des 0 % d’ici le troisième trimestre 2009.

Les ménages restent prudents mais ne paniquent plus.

Certes, il faut reconnaître qu’après quatre mois de réconfort et de réduction des destructions d’emplois, ces dernières sont reparties en forte hausse en juin, passant de 322 000 en mai à 467 000 en juin. Si les niveaux de 741 000 de janvier dernier restent lointains, cette dégradation montre cependant que les entreprises américaines n’ont pas fini leur mouvement de cost cutting.

Cela fait donc exactement deux ans que le marché du travail américain n’a pas enregistré de créations mensuelles nettes d’emplois, soit un total de 5,953 destructions d’emplois, soit environ 40 % de plus que ce qu’aurait du susciter la baisse du PIB américain. L’ajustement est donc particulièrement excessif et appelle une correction favorable.

En outre, nous savons bien qu’il existe un décalage de l’ordre de six mois entre le rebond de l’activité et la véritable amélioration du marché du travail. Dans la mesure où la première commence tout juste à se mettre en place, il est logique que la seconde ne soit pas encore présente.


Même ralentie, l’augmentation du chômage reste excessive par rapport à la baisse du PIB.

Enfin, toujours sur ces chiffres décevants de l’emploi de juin, il faut aussi noter que le taux de chômage n’a augmenté que de 0,1 point à 9,5 %, indiquant que la progression de ce dernier marque désormais le pas.

5,9 millions destructions d’emplois en deux ans.

Pour autant, cette semaine ne se résume pas seulement à des mauvaises nouvelles. Ainsi, l’enquête ISM des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière a poursuivi son amélioration. L’indice ISM composite est passé de 42,8 à 44,8, un plus haut depuis août 2008.

En outre, l’indice emploi a également continué de sortir de l’ornière, atteignant un niveau de 40,7, contre 26,1 en février dernier. L’heure de l’amélioration a donc indéniablement sonné, mais celle-ci reste lente.

Une remontée encourageante des indices ISM

De plus et surtout, l’indice ISM relatif à la production est repassé au-dessus de la barre des 50, à 52,5, soit un plus haut depuis janvier 2008.

Après un an et demi de baisse quasi-continue, la production industrielle pourrait donc bien surprendre par sa reprise au cours de l’été.

Le graphique ci-après est d’ailleurs éloquent puisqu’il montre que la production industrielle pourrait bien enregistrer un rebond en V dès le troisième trimestre.

Une reprise en V pour la production industrielle

Au total, l’ensemble de ces statistiques confirment que l’économie américaine est bien sur la voie de la reprise mais que cette dernière reste également fragile.

 

Marc Touati

Les Marchés :

BCE : Sheriff, fais moi peur…

La Banque de Suède a eu beau laissé entrevoir une lueur d’espoir en abaissant son taux de base de 0,25 point à 0,25 %. Mais non, la BCE reste inflexible. Peu importe que la zone euro soit en déflation, que son PIB ait baissé de 4,6 % sur un an et que son taux de chômage atteigne un sommet à 9,5 %, le taux refi de la BCE restera le taux directeur le plus élevé du monde développé, à savoir 1 %, contre 0,5 % au Royaume-Uni et en Suisse, 0,25 % au Canada et en Suède ou encore entre 0 et 0,25 % aux Etats-Unis, sans parler des 0,1 % du Japon.

Certes, cela aurait pu être pire. N’oublions effectivement pas qu’il y a un an, presque jour pour jour, la BCE augmentait son taux refi à 4,25 % alors que la zone euro était déjà en récession.

Il faudrait donc presque se réjouir du fait que la BCE n’a pas annoncé de prochain resserrement monétaire…

Au-delà du niveau excessif des taux directeurs comparativement à leurs homologues du monde développé, ce statu quo de la BCE alimente encore et toujours la vigueur excessive de l’euro, qui freinera inévitablement la reprise et qui joue déjà très nettement à la baisse sur l’activité et à la hausse sur le chômage.

L’euro fort, le meilleur allié pour la hausse du chômage.

En outre, n’oublions pas que le traditionnel argument inflationniste de la BCE ne tient pas. Et pour cause : pour la première fois se son histoire et après les Etats-Unis, l’Allemagne, la France et de très nombreux pays développés, la zone euro est, elle aussi et sans surprise, entrée en déflation. En juin, le glissement annuel des prix à la consommation est ainsi passé en territoire négatif à – 0,1 % précisément.

Bien entendu, cette déflation s’explique principalement par le repli des prix énergétiques de l’automne 2008 au printemps 2009 alors qu’un an plus tôt ces mêmes prix énergétiques flambaient. D’ailleurs, hors énergie et produits alimentaires, l’inflation dite sous jacente reste très faible à 1,6 % en mai et vraisemblablement 1,5 % en juin (les chiffres détaillés n’étant pas encore publiés).

 

La zone euro en récession et en déflation

De même, il est clair que l’effet de base positif qui s’observe depuis l’été 2008 va désormais s’inverser. En effet, à partir d’août 2008, les prix des matières premières ont fortement chuté, entraînant dans leur sillage l’indice global des prix à la consommation. A