La zone euro en récession et en déflation

C’est une première depuis l’après-guerre : après les Etats-Unis, l’Allemagne, la France et de très nombreux pays développés, la zone euro est, elle aussi et sans surprise, entrée en déflation. En juin, le glissement annuel des prix à la consommation est ainsi passé en territoire négatif à – 0,1 % précisément.

Bien entendu, cette déflation s’explique principalement par le repli des prix énergétiques de l’automne 2008 au printemps 2009 alors qu’un an plus tôt ces mêmes prix énergétiques flambaient. D’ailleurs, hors énergie et produits alimentaires, l’inflation dite sous jacente reste très faible à 1,6 % en mai et vraisemblablement 1,5 % en juin (les chiffres détaillés n’étant pas encore publiés).

De même, il est clair que l’effet de base positif qui s’observe depuis l’été 2008 va désormais s’inverser. En effet, à partir d’août 2008, les prix des matières premières ont fortement chuté, entraînant dans leur sillage l’indice global des prix à la consommation. A l’inverse, les prix des matières premières augmentent de nouveau. Dès lors, même si les prix à la consommation n’augmentent que de 0,2 % par mois, le glissement annuel de ces derniers atteindra 1,8 % en décembre 2009.

Et cela risque malheureusement de suffire pour inciter la BCE à resserrer son étreinte, ce qui entraînerait une nouvelle appréciation de l’euro et étoufferait dans l’œuf le peu de reprise qui se dessine pour la fin d’année dans la zone euro.

Autrement dit, il ne faut surtout pas exagérer les risques de reflation et a fortiori d’hyperinflation. Cette dernière n’a, selon nous, aucune chance de s’imposer. Et ce, pour au moins quatre raisons. Premièrement, la reprise restera extrêmement molle. Deuxièmement, l’augmentation des cours des matières premières demeurera limitée par la faiblesse de la demande mondiale. Troisièmement, le niveau élevé du taux de chômage réduira mécaniquement l’augmentation des salaires. Quatrièmement, le fort degré concurrentiel international empêchera les entreprises d’augmenter leurs prix fortement et durablement.

Voilà pourquoi, il ne faut surtout pas se tromper d’ennemi : le principal danger qui nous menace réside bien dans une récession durable doublée d’une déflation maligne. Et nous savons depuis 1929 et depuis la crise japonaise des années 1990 qu’une fois engagée, la déflation peut durer plus d’une décennie si elle n’est pas traitée à temps.

Si la BCE continue de refuser de baisser davantage son taux refi et a fortiori si elle choisit de l’augmenter trop vite, ce risque deviendra réalité. Espérons donc que l’entrée officielle de la zone euro en déflation permettra aux dirigeants monétaires eurolandais d’ouvrir enfin les yeux. Et ce, en particulier aujourd’hui, c’est-à-dire un an, presque jour pour jour, après l’augmentation du taux refi de la BCE à 4,25 % alors que la zone euro était déjà en récession. L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique…

Marc Touati