Où en sommes nous dans les réformes du système financier international ?

Que ce soit le G20, le G7, les institutions européennes ou les différents Etats, le sujet du jour reste bien : « les réformes à apporter au système financier mondial ». D’où la question qui en résulte : Avons-nous progressé sur la voie de la refonte de ce système ?

 

Dans le domaine de la régulation financière, les avancées sont finalement assez faibles. Au niveau américain, le programme proposé par le Président Obama, le 17 juin, introduit peu de changements notables. La supervision bancaire, au sens large, reste disséminée entre une multitude d’institutions : la Réserve Fédérale, le Conseil des Superviseurs (présidé par le Secrétaire au Trésor Tim Geithner), la FDIC (Fedral Deposit Insurance Corp), la FHFA (Federal Housing Finance Agency) et, une nouvelle autorité, le National Bank Supervisor, résultant de la fusion de l’OCC (Office of the  Comptroller of the Curency) et de l’OTS (Office of Thrift Supervision). De même la supervision des marchés reste éclatée ; entre la SEC (Securities and Exchange Commission) et la CFTC (Commodity Futures Trading Commission). On conçoit bien qu’il sera assez facile, pour les banques qui le voudront, de se faufiler entre les diverses juridictions, dont les frontières restent en général floues. La seule véritable innovation dans ce réseau de régulateurs réside dans la création annoncée de l’Agence de Protection des Consommateurs, destinée à gérer les relations entre les établissements financiers et les acheteurs de produits financiers, cartes de crédit, etc ; son absence avait fait cruellement défaut, lors de la mise en place des mécanismes qui ont mené à la crise des « subprimes ».

En ce qui concerne l’Europe, la divergence des intérêts nationaux (entre les Britanniques et le Continent) explique les difficultés à établir une autorité « supranationale » de régulation financière. Finalement, les Européens ont opté pour une solution « minimale » où la coordination des efforts de régulation sera attribuée à une «émanation des banques centrales nationales » mais pas à la banque Centrale Européenne, compte-tenu de l’opposition du Royaume-Uni (et donc des acteurs londoniens) à toute férule trop ferme.

En ce qui concerne les autres propositions de réformes communément admises, la communauté internationale a relativement peu avancé. En ce qui concerne le renforcement des contrôles sur les paradis fiscaux, il y a beaucoup de discours, mais encore peu de résultats tangibles. Certes le Luxembourg (membre de l’union Européenne) ou la Suisse (non-membre) ont accepté de limiter de facto le principe sacro-saint du « secret bancaire », en cas d’évasion fiscale avérée, mais les modalités pratiques restent à définir. De toutes façons, 2 des grandes puissances occidentales du Groupe des 7 restent en fait réticentes à aller plus loin : la Grande-Bretagne, parce qu’elle protège de nombreuses principautés issues du Commonwealth qui ne survivent que grâce aux transferts de fonds à dimension fiscale (Petites Antilles, Iles Anglo-Normandes, etc), sans oublier Londres, place offshore N°1.Quant aux Etats-Unis, ils disposent avec l’Etat du Delawaere, d’un paradis fiscal domestique, largement utilisé par leurs entreprises.

Pour ce qui est des sujets plus techniques, telles que la supervision des marchés de -gré-à- gré de produits dérivés, les progrès sont très lents, compte-tenu de la complexité du dossier. En fait, il est difficile d’améliorer la transparence des contrats déjà existants (les encours sont pourtant considérables, se montant à plus de 600 trillions de dollars !). Pour les nouveaux contrats, leur enregistrement et leur compensation à travers des marchés organisés (bourses de commerce) apparaît effectivement souhaitable, mais ardu, dans la mesure où ces contrats ne sont pas « standardisés » et donc peu « fongibles ».

 

Quant aux agences de notation, leur conflit d’intérêt potentiel subsiste (elles sont payées par leurs clients, les émetteurs). Pour qu’elles soient plus indépendantes, il faudrait qu’elles soient rémunérées par les investisseurs (ce qui semblent difficile) ou des organismes internationaux (par exemple le FMI). Tout reste à faire. Même chose, en ce qui concerne la réglementation des « hedge funds ». Comme la plupart d’entre eux sont immatriculés dans des paradis fiscaux, les moyens de contrainte s’avèrent limités. De toutes façons, le sujet apparaît moins brûlant, puisque leur nombre est en constante diminution depuis le début de l’année (on estime que près d’un tiers des « hedge funds » pourrait avoir disparu, à la fin de 2009).

On constate donc qu’il y a encore « beaucoup de pain sur la planche », alors que certains banquiers (surtout américains) brûlent de reprendre le fil de leurs mauvaises habitudes, en reprenant leur liberté, face aux Pouvoirs Publics.

 

Bernard MAROIS

Professeur Emérite HEC

Président, Club Finance HEC