Industrie française : Un retour de quinze ans en arrière

Nous allons bientôt manquer de superlatifs pour qualifier l’état de délabrement de la production industrielle française. Tout a commencé dès le deuxième trimestre 2007 avec les premiers mois de forte baisse de la production. Puis, cette dernière a enregistré une première baisse trimestrielle au deuxième trimestre 2008. Ensuite, la récession s’est installée et enfin, la chute s’est accélérée. Au total, après avoir déjà subi quatre trimestres consécutifs de plongeon et en dépit de l’espoir né des dernières enquêtes INSEE dans l’industrie qui annonçaient un léger rebond en avril, la production industrielle française a encore reculé de 1,4 % sur ce dernier mois. Sur un an, son plongeon atteint ainsi un nouveau record de – 18,6 %.

Sur la seule production manufacturière, la bérézina est encore plus marquée, puisque le glissement annuel atteint également un nouveau plancher historique, mais de – 19,5 %.

Lorsque l’on observe les niveaux actuellement atteints par la production, la déconvenue est encore plus cuisante, puisque la production industrielle française se situe aujourd’hui sur un plus bas depuis mars 1994 et la production manufacturière sur un plancher depuis décembre 1993.

Autrement dit, la récession a projeté l’industrie hexagonale plus de quinze ans en arrière.

En outre, il faut noter que tous les secteurs d’activité sont concernés par ce recul historique. A commencer par les habituels fleurons de l’industrie française, en l’occurrence les biens d’équipements et les matériels de transport, dont la production mesurée sur les trois derniers mois atteint des glissements annuels de respectivement – 23,1 % et – 29,3 %.

Et même si le deuxième trimestre ne fait que commencer, puisque nous n’avons que les chiffres d’avril, la baisse de ce dernier mois ne laisse guère d’illusion pour l’ensemble du trimestre qui affiche un acquis de décroissance de – 2,8 %. En d’autres termes, même si la production industrielle rebondit en mai et juin (ce qui reste très probable, ne serait-ce que par un effet de correction, d’ailleurs confirmé par le rebond des perspectives de production des dernières enquêtes INSEE dans l’industrie), elle n’évitera pas son cinquième trimestre consécutif de chute.

Le PIB français devrait en faire de même et subir également cinq trimestres consécutifs de recul.

Seuls deux lueurs d’espoir peuvent néanmoins être avancées. D’une part, l’industrie manufacturière ne représente que 17 % du PIB français, qui pourrait donc éviter le pire grâce aux services. D’autre part, compte tenu de leur écroulement, la production et le PIB français disposent d’une marge conséquente de correction haussière. Mais ne rêvons pas, avec le maintien d’un euro trop fort, de taux d’intérêt encore trop élevés au regard de l’ampleur de notre récession, sans oublier nos traditionnelles rigidités structurelles et nos freins fiscaux, la reprise restera molle.

 

Marc Touati