Après la crise, la reprise ?

Après la pluie, vient le beau temps ; après la nuit, le jour se lève. La sagesse populaire ne manque pas de dictons pour relativiser les difficultés et garder l’espoir de lendemains meilleurs. Pour autant, il arrive parfois que les proverbes ne se réalisent pas et que les crises soient tellement longues qu’elles affectent plusieurs générations avant de se résorber. C’est exactement ce qu’ont voulu et veulent encore nous faire croire une large majorité des économistes, prévisionnistes et autres observateurs de la chose économico-financière.

Selon eux, la crise ou plutôt les crises de 2007-2008 ne sont que les hors-d’œuvre d’un marasme similaire à celui de la crise de 1929 et qui va donc durer encore au moins une dizaine d’années. Triste programme. Et ce d’autant que la génération des personnes nées dans les années 60-70 n’a finalement connu que la crise : crises pétrolières des années 1970, 1980, début 1990 et mi-2000, crises immobilières, crise Internet et enfin crise financière généralisée. Seuls deux intermèdes de « bonheur » ont donc permis de tenir le coup, à savoir le contre-choc pétrolier de la deuxième partie des années 80 et la révolution des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication qui a certes débouché sur une bulle financière (comme chaque révolution technologique d’ailleurs), mais qui nous a au moins permis de toucher du bout des doigts, certes pendant un laps de temps limité, l’euphorie de la croissance forte. Bref, à ceux qui nous annoncent la poursuite d’une crise sans précédent, il est possible de répondre que non seulement, après 35 ans de crise, nous sommes vaccinés contre cette dernière et qu’au surplus, nous ne sommes pas à trois ou quatre années supplémentaires de crise près…

En outre et surtout, aguerris par ces 35 piteuses (qui ont donc largement fait oublier les 30 Glorieuses de l’après-guerre), nous savons que les sorties de crise sont généralement mal anticipées et par là même très dynamiques. Qui avait par exemple prévu la croissance forte de la fin des années 80 après le krach de 1987 ? Qui avait prévu la vigueur de la fin des années 90 après l’atonie économique des années 93-97, notamment en Europe ? Qui avait enfin osé prévoir la reprise après la récession de 2001 et les attentats du 11 septembre ? Autrement dit, ce n’est pas parce que le consensus anticipe la poursuite de la récession que la reprise n’aura pas lieu. Bien au contraire. La preuve : le rebond des marchés a bien eu lieu depuis huit semaines alors que début mars, quasiment personne n’osait anticiper ne serait-ce que l’arrêt de la baisse des indices boursiers. Mais, au-delà des enseignements de l’histoire, le plus important réside dans les décisions qui ont été prises depuis quelques mois et dans les statistiques publiées chaque jour depuis quelques semaines qui ne sont certes pas toutes réjouissantes mais qui globalement confirment que le plus dur est bien passé.

Ainsi, à côté de la baisse du PIB des économies développés, les arguments prouvant que le rebond est en train de se mettre en place ne manquent pas. Citons-en quelques uns : Les prix pétroliers et des matières premières restent faibles, maintenant une inflation limitée et soutenant par là même le pouvoir d’achat des ménages. Les banques centrales ont baissé drastiquement leurs taux directeurs. Les relances budgétaires sont massives (5 000 milliards de dollars pour la planète). Le G20, les Etats-Unis, l’Europe, la Chine et le FMI sont unis pour sauver le système, refusant le retour du protectionnisme et du repli sur soi. Dans le même temps, les banques ont été sauvées des deux côtés de l’Atlantique et retrouvent progressivement une meilleure santé, certes en augmentant leur marge sur les taux d’intérêt qu’elles pratiquent sur leurs crédits, mais à la rigueur cela leur permettra de retrouver plus d’agressivité et des tarifs plus agréables dans les prochains trimestres. En outre, la fin du mark to market sera bientôt généralisée, ce qui devrait permettre de donner un bol d’air à de nombreuses institutions financières Enfin, les fonds souverains et privés cumulent plus de 4 000 milliards de dollars de liquidités. Les entreprises cotées restant encore sous-valorisées malgré le récent rebond boursier, il faut donc se préparer à vivre de forts mouvements d’investissements, d’OPA, de fusion-acquisitions et de restructurations en tous genres.

L’ensemble de ces bonnes nouvelles confirment définitivement que nous ne sommes pas en 1929 et que les années à venir ne seront pas similaires aux années 30. D’ailleurs, les statistiques dernièrement publiées des deux côtés de l’Atlantique et en Asie montrent que la reprise a déjà commencé. Commençons par les Etats-Unis : consommation et confiance des ménages en nette hausse, redressement significatif des indices ISM des directeurs d’achat dans l’industrie et les services, fort rebond ventes de logements et des prix dans l’ancien, même les destructions d’emplois se veulent désormais moins cinglantes. En Europe, comme d’habitude, le redémarrage s’annonce moins rapide et moins vigoureux, mais tout de même, il y a aussi de quoi non seulement garder l’espoir, mais aussi anticiper une reprise à partir de l’automne 2008. C’est notamment ce qu’indiquent l’augmentation des indicateurs des directeurs d’achat dans l’industrie et les services, le net redressement de l’indice de sentiment économique ou encore la résistance de la consommation dans certains pays et notamment en France. Attention néanmoins à ne pas le crier trop fort, sinon la BCE va encore rechigner à baisser ses taux directeurs, l’euro va rester trop fort, ce qui, in fine, ne fera que retarder encore un peu plus la reprise. Enfin, en Asie, si le Japon reste engoncé dans la récession, la Chine et l’Inde continuent de surprendre par leur vigueur. Dans l’Empire du Milieu, depuis deux mois déjà, l’indice des directeurs d’achat est repassé largement au-dessus de la barre des 50 et les ventes au détail affichent encore une hausse annuelle de 15 %. Vous avez dit « crise » ?

Au total, nous continuons donc d’afficher des prévisions très loin de la vision noire et défaitiste du FMI. Selon nous, si l’année 2009 sera évidemment difficile (avec une croissance mondiale d’environ 1 %), elle sera néanmoins marquée par un net rebond à partir du printemps. Et si le fort effet d’acquis de décroissance engendré par la baisse massive du PIB au quatrième trimestre 2008 et au premier trimestre 2009 empêchera d’afficher une bonne performance sur 2009, l’année 2010 sera placée sous le signe du rebond significatif, avec une croissance qui devrait atteindre 2,6 % aux Etats-Unis, 0,8 % dans la zone euro, 9 % en Chine et 3 % pour la planète. Vivement 2010 !

Marc Touati