Bourses, Etats-Unis, franc suisse : sur la bonne voie ? (E&S n°82)

L’humeur :

Les marchés boursiers enfin sur la bonne voie ?

Après dix huit mois de pessimisme et de bear market, les investisseurs boursiers n’osaient plus y croire. Si bien que la quasi-totalité d’entre eux n’a pas réussi à anticiper le rebond enregistré depuis huit semaines, non par manque de professionnalisme, mais tout simplement par aveuglement. Cet aveuglement est d’ailleurs tellement fort que l’embellie observée depuis début mars reste majoritairement analysée comme un mouvement passager qui sera suivi par une forte correction baissière. Selon cette vision consensuelle, la reprise économique n’aura pas lieu, les résultats des banques sont truqués, de nouvelles faillites de grandes entreprises sont inévitables. Bref, cette reprise ne serait qu’un feu de paille. Il faut donc se hâter de prendre ses bénéfices…

D’ailleurs, en renfort de cette thèse, le FMI vient encore de réviser en baisse ses prévisions de croissance mondiale, ou plutôt de décroissance, car désormais, le Fonds dirigé par Dominique Strauss-Khan anticipe une baisse de 1,3 % du PIB mondial en 2009, ce qui constituerait une première historique, du moins depuis l’après-guerre. Mieux ou plutôt pis, tous les pays développés afficheraient des chutes de leur PIB tout aussi historiques : – 6,2 % pour le Japon, – 5,6 % pour l’Allemagne, – 4,2 % pour la zone euro, – 3 % pour la France et – 2,8 % pour les Etats-Unis. A croire que le FMI se complaît dans le pessimisme et cherche absolument à casser le petit rebond de confiance qui s’observe un peu partout dans le monde tant sur les marchés, que pour les entreprises et les ménages.

N’oublions cependant pas que les prévisions du FMI restent structurellement parmi les plus mauvaises de la planète. Souvenons-nous qu’il y a à peine un an, ce même Fonds annonçait pour 2008 une stagnation du PIB américain et une croissance de 2,5 % pour la zone euro, contre des résultats effectifs de respectivement 1,1 % et 0,7 %. De même, rappelons-nous qu’en 1999, ce même FMI annonçait l’engagement de la Russie dans une récession historiquement grave et l’avènement d’une phase de croissance soutenue pour l’Argentine. Nous savons que c’est exactement le contraire qui s’est produit.

Voilà pourquoi, il serait particulièrement vain de se baser sur les prévisions du FMI pour retrouver le chemin du pessimisme. A la rigueur, plus celui-ci est alarmiste, plus le retour d’une croissance soutenue devient probable. C’est d’ailleurs le comportement qu’ont finalement adopté les marchés mercredi dernier, le jour de la publication de ces sombres perspectives, puisqu’après en avoir pris ombrage en début de journée, les principaux indices boursiers ont finalement clôturé en nette hausse.

Pour autant, la volatilité reste forte et les Ours (c’est-à-dire les « Bearish ») veillent et restent largement majoritaires. Il faut dire que chat échaudé craint l’eau froide. Dès lors, avant de retrouver un véritable mouvement haussier, fort et durable, les investisseurs veulent des garanties sur la véracité et la pérennité de la reprise économique et de l’amélioration des résultats des entreprises, en particulier dans le secteur bancaire.

Sur ce dernier point, il faut souligner qu’en dépit de difficultés tenaces, les banques de la planète sont bien en train de restaurer leur rentabilité. Certes, les artifices comptables et la fin du mark to market (c’est-à-dire la valorisation des actifs aux prix de marchés) contribuent à enjoliver les résultats bancaires. Néanmoins et plus fondamentalement, les banques s’emploient aujourd’hui à réduire leur risque, en se focaliser leurs métiers les plus classiques. Ainsi, profitant à plein de la baisse des taux directeurs, les banques retrouvent leur « vieux » métier de la transformation qui consiste tout simplement à se financer à court terme à moindre coûts pour prêter à moyen et long terme sur des rendements bien plus élevés.

Cette stratégie est d’autant plus facile et rentable que les banques n’ont généralement pas complètement répercuté la baisse des taux directeurs et de marchés sur le taux qu’elles pratiquent dans l’octroi de crédit. Ayant dans le même temps réduit leur coût du risque, elles peuvent donc retrouver le chemin de marges appréciables, ce qui leur permettra ensuite de redevenir plus arrangeantes dans la distribution du crédit, soutenant par là même la consommation et l’investissement et, avec eux, l’ensemble de la croissance des économies de la planète. D’abord aux Etats-Unis, puis en Europe et enfin au Japon, sachant que les pays émergents, à commencer par la Chine et à l’exclusion de ceux d’Europe de l’Est, n’ont pas quitté significativement le chemin de la croissance.

Ainsi, même si certaines publications statistiques laisseront encore à désirer, leur amélioration va progressivement s’imposer, faisant prendre conscience aux investisseurs que les marchés boursiers restent encore peu chers et constituent par là même d’excellentes opportunités. C’est d’ailleurs ce que nous observons depuis quelques semaines tant aux Etats-Unis qu’en Europe et notamment en France, où tant le moral des chefs d’entreprise que la consommation des ménages ont surpris positivement.

Voilà pourquoi, nous maintenons notre scénario d’un Dow Jones à 10 500 et d’un Cac 40 à 4 000 d’ici un an. Si les Occidentaux n’en sont pas encore convaincus, il est instructifs de noter que les investisseurs des pays émergents, en particulier en Asie, ont déjà fait savoir qu’ils commençaient à revenir à l’achat tant sur les actions que sur les entreprises occidentales. Il ne faudra pas ensuite se plaindre si nos actuels fleurons industriels, technologiques et tertiaires ont changé de nationalité. C’est aussi à cela que sert une crise : la redistribution des cartes…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

Etats-Unis : après le fond, le rebond !


Si la baisse du PIB américain au premier trimestre a été plus forte que prévu, le rebond de la consommation au cours de ce même trimestre et la nette amélioration de la confiance des ménages en avril confirment que le plus dur est bien passé outre-Atlantique.

Evidemment, il ne faut pas se voiler la face : la récession a encore marqué des points aux Etats-Unis au premier trimestre 2009. En effet, après avoir déjà baissé de 0,5 % (en rythme annualisé) au troisième trimestre 2008 et de 6,3 % au quatrième trimestre, le PIB américain a encore chuté de 6,1 % au premier trimestre 2009. Son glissement annuel atteint désormais – 2,6 %, un plus bas depuis le troisième trimestre 1982.

L’explication de cette nouvelle décrue réside principalement dans l’écroulement de 51,8 % de l’investissement (- 37,9 % pour l’investissement des entreprises et – 38 % pour l’investissement des ménages) et dans le déstockage historique observé au premier trimestre 2009. Hors stocks, la baisse du PIB n’a d’ailleurs été que de 3,4 %, soit bien mieux qu’attendu par le consensus (à savoir – 4,7 %).

C’est certainement la raison pour laquelle les marchés boursiers n’ont pas pris trop ombrage de la baisse globale du PIB. En outre, ce double mouvement de désinvestissement et de déstockage historique apparaît largement excessif par rapport à la relance qui est en train de se mettre en place outre-Atlantique.

Autrement dit, dès le deuxième trimestre, un mouvement correctif devrait s’observer, en particulier sur le front des stocks, qui ont tellement baissé qu’ils ne peuvent que remonter, et sur celui de l’investissement logement qui devrait notamment bénéficier de l’augmentation des mises en chantier du premier trimestre. Dans ce cadre, le premier trimestre devrait constituer le point bas de l’actuelle récession américaine.

Le PIB baisse encore mais la consommation redémarre.

Par ailleurs, il faut également noter que les comptes nationaux américains du premier trimestre ont agréablement surpris par le rebond significatif de la consommation des ménages. Cette dernière, qui rappelons-le, représente 70 % du PIB américain, a effectivement progressé de 2,2 % au premier trimestre, c’est-à-dire sa plus forte hausse depuis le premier trimestre 2007. Et ce alors que le chômage a fortement augmenté sur la même période et que la relance fiscale n’a pas encore commencé.

En d’autres termes, si la consommation a rebondi avant même le début de la relance budgétaire Obama, elle fera forcément encore mieux une fois cette relance en action.

Cette perspective a d’ailleurs été confirmée par l’augmentation spectaculaire de la confiance des ménages calculée par le Conference Board en avril. En effet, après un premier rebond en mars, cet indicateur avancé de la consommation a flambé de 45,7 % sur le seul mois d’avril. Même si avec un niveau de 39,2, cet indice reste encore très bas, il atteint un plus haut depuis novembre 2008 et montre que l’heure des retrouvailles entre les ménages et la confiance a sonné. Et ce d’autant que l’amélioration de l’indice de confiance s’explique principalement par le saut de 81,3 % des perspectives d’activité des ménages au cours des deux derniers mois, qui atteignent désormais un plus haut depuis septembre 2008.

Les ménages retrouvent le sourire.

Dans ce cadre, nous confirmons notre scénario d’un fort rebond du PIB américain du deuxième au quatrième trimestre 2009 et d’une poursuite de la reprise en 2010. Malheureusement, compte tenu d’un acquis de décroissance de – 2,7 % à la fin du premier trimestre 2009, la variation annuelle moyenne du PIB restera négative sur 2009, mais seulement aux alentours des – 1 %. Quant à 2010, nous anticipons que l’économie américaine devrait retrouver une croissance moyenne positive de 2,6 %

Marc Touati



Et les marchés dans tout ça ?

Le franc suisse résiste à la crise.


Croissance faible, crise financière, pertes abyssales d’UBS, affaire Madoff, débat acerbe sur les paradis fiscaux… Depuis quelques années et surtout depuis quelques mois, la Suisse est attaquée sur tous les fronts. A tel point que de la mi-2006 à l’automne 2008, le franc suisse a connu une forte dépréciation, notamment vis-à-vis de l’euro.

Ainsi, alors que le niveau de l’euro/franc suisse atteignait 1,45 en 2002-2003, il frôlait les 1,70 franc suisse pour un euro fin 2007. Pis, la remontée du taux directeur central de la Banque Nationale de Suisse (BNS) de 0,25 % en 2004 à 2,75 % fin 2007 n’y a quasiment rien changé.

Il faut dire qu’entre temps, la BCE a augmenté son taux refi jusqu’à 4,25 % en juillet 2008, réduisant mécaniquement l’appétence pour la devise helvétique au profit de son homologue eurolandaise.

En fait, il a fallu atteindre la faillite de Lehman Brothers et la crise qui en a suivi pour redonner des couleurs au franc suisse qui a alors retrouvé son rôle de valeur refuge. Néanmoins, cette embellie a été en partie freinée et un temps même inversée par les craintes sur la santé d’UBS et sur les risques d’altération du secret bancaire.

Pour autant, depuis le début 2009, le franc suisse se stabilise autour des 1,50 pour un euro. Ce qui nous paraît être un niveau entièrement justifié. Et ce, pour au moins cinq raisons.

Premièrement, l’économe helvétique apparaît comme une des plus résistantes face à la crise. Ainsi, alors que les PIB de ses voisins (Allemagne, Italie et France en tête) ont affiché des glissements annuels nettement négatifs dès le quatrième trimestre 2008, celui de la Suisse limite les dégâts avec une baisse de seulement 0,1 %.

L’économie suisse fait bien mieux que ses homologues eurolandaises.

Parallèlement, alors que le chômage flambe dans la plupart des économies développées, en particulier en Europe, le taux de chômage suisse demeure contenu à 3,4 % en mars dernier.

Autrement dit, la résistance de l’économie helvétique comparativement aux graves difficultés de ses partenaires occidentaux constitue un argument de poids pour continuer de faire confiance au franc suisse. Si bien que la forte baisse du taux directeur central de la BNS de 2,75 % à l’automne dernier à 0,25 % depuis février 2009 n’a non seulement pas déprécié le franc suisse mais l’a au contraire apprécié, notamment vis-à-vis de l’euro.

La récession et le chômage reste contenus.

Cette situation pourrait paraître d’autant plus étonnante que, dans le même temps, la BCE est restée frileuse dans la baisse de son taux refi qui est d’ailleurs encore de 1,25 %.

La baisse des taux de la BNS ne fait plus baisser le franc suisse.

Néanmoins et deuxièmement, ce paradoxe entre baisse des taux directeurs et appréciation du change n’est qu’apparent. En effet, cette dernière montre simplement que les marchés analyse la baisses des taux de la BNS comme crédible, c’est-à-dire capable de relancer une croissance qui est déjà l’une des plus résistantes des pays occidentaux et qui ne pourra donc que s’améliorer avec le soutien de la politique monétaire.

Troisièmement, après avoir fait craindre le pire, le sommet du G20 de Londres n’a finalement pas porté atteinte au secret bancaire suisse. Pour faire plaisir aux Français et aux Allemands, le G20 s’est effectivement contenté de publier une liste noire des paradis fiscaux, sur laquelle la Suisse ne figure évidemment pas, laquelle devra simplement se contenter d’une liste grise non coercitive. Le risque d’une fuite de capitaux de la Suisse vers d’autres horizons s’est donc largement estompé.

Quatrièmement, la réduction drastique des salaires des opérateurs financiers londoniens ainsi que l’augmentation tout aussi drastique de la fiscalité des revenus outre-Manche devraient inciter de nombreuses maisons à s’installer sur des terres fiscalement moins contraignantes, à commencer par Genève et Zurich.

Enfin et cinquièmement, dans la vague d’investissements financiers des fonds souverains qui est en train de se mettre en place, la Suisse devrait constituer un intermédiaire de choix, notamment avec les fonds des pays de l’OPEP qui entretiennent des relations historiquement fortes avec les institutions financières helvétiques.

Aussi surprenant que celui puisse paraître,