G20 : mission accomplie… ou presque.

En dépit d’un suspense de dernière minute formidablement mis en scène par les Français qui ont agité un instant le chiffon rouge de la chaise vide, le G20 s’est soldé, sans surprise, par un succès. En effet, dans le climat de défiance actuel, un échec, c’est-à-dire l’absence de mesures et d’engagements concrets, aurait relancé le pessimisme noir qui sévit depuis bientôt neuf mois et aurait de facto renvoyé la reprise économique aux calendes grecques.

Loin de ce scénario catastrophe, les pays du G20 ont donc pris leur responsabilité en réformant le capitalisme vers une croissance plus saine et une économie mondiale plus transparente. De là à parler de révolution, il y a certainement un excès que nous ne commettrons pas. Ainsi, comme nous l’écrivions dans cette même rubrique sous le titre « Révolution ou Evolution », les dirigeants du G20 ont été suffisamment sages pour faire évoluer le système capitaliste en douceur, sans brutalité, ce qui aurait d’ailleurs été un facteur de craintes et de volatilité augmentées.

Nous pouvons donc dire que, comme nous l’annoncions il y a un mois, le G20 s’est illustré par cinq grands types de mesures.

Premièrement, il a confirmé et renforcé la coopération entre les pays, tant du côté de la politique budgétaire que monétaire. Dans le prolongement de cette entraide, les pays du G20 se sont également engagés à refuser le protectionnisme. De ce point de vue là, le G20 a même été au-delà des espérances en triplant les ressources du FMI et de la Banque Mondiale, mobilisant par là même une nouvelle aide potentielle d’environ 1000 milliards de dollars, qui s’ajoute dont aux 5 000 milliards de relance déjà engagés à travers le monde. En revanche, rien n’a été fait sur le front des devises, pour le grand mal des japonais et des eurolandais qui devront donc supporter un taux de change beaucoup trop fort pendant encore quelques mois.

Deuxièmement comme le souhaitaient surtout les Européens, le G20 a décidé d’un vaste mouvement d’assainissement du système bancaire et financier international. Pour autant, une dérive réglementaire n’a pas eu lieu. En effet, le G20 n’a pas décidé de mettre un gendarme derrière chaque trader ou encore de nationaliser toutes les banques, mais plutôt d’améliorer la supervision et la transparence sur les marchés de dérivés, notamment de crédit. Parallèlement, les pays se sont engagés à mieux encadrer les systèmes de rémunération, tout en renforçant la supervision et la régulation des fonds spéculatifs.

Troisièmement, dans le prolongement de cette plus grande transparence, le G20 a enfin décidé d’améliorer le fonctionnement des agences de notation. Il ne faut évidemment pas jeter l’opprobre sur cette profession difficile et en faire un bouc émissaire idéal. Néanmoins, il était absolument anormal qu’une agence de notation soit payée par l’entreprise qu’elle note. Cette erreur est donc en voie de correction.

Quatrièmement, même si un certain flou continue de persister sur le détail des mesures qui seront prises, les normes comptables internationales seront revues et harmonisées, en particulier en matière de valorisation des actifs aux prix de marché, dit « Mark to Market » ou encore normes IFRS, qui devrait donc être supprimée ou au minimum allégée.

Cinquièmement, et c’est a priori le point qui a suscité le plus de négociations entre les pays participants au sommet de Londres, les paradis fiscaux seront désormais officiellement identifiés et sanctionnés s’ils refusent de jouer le jeu d’un minimum de transparence, notamment dans le cadre de l’argent sale. Pour autant, il faut bien souligner qu’il ne s’agit en aucun cas de supprimer le secret bancaire, mais simplement de limiter des mouvements financiers incontrôlés et incontrôlables.

Compte tenu de l’ensemble de ces avancées concrètes, il est donc tout à fait objectif de dire que le G20 de Londres a été un succès. Pour autant, il ne faudrait pas imaginer que la partie soit définitivement gagnée.

En effet, c’est maintenant que le plus difficile commence. Car, au-delà des déclarations et des engagements, c’est désormais l’heure de l’application concrète des ces mesures.

En outre, même si les avancées du G20 ont de quoi restaurer la confiance et par là même rétablir la croissance, cette dernière reste encore soumise à l’efficacité des relances budgétaires et monétaires décidées à travers le monde.

Or, pendant que le G20 s’orientait vers le succès, la Banque Centrale Européenne nous rappelait cruellement qu’il y avait souvent un décalage entre les annonces et les actes. Ainsi, alors que cette dernière avait promis de tout mettre en œuvre pour éviter la transformation de la récession eurolandaise en déflation, elle nous a encore réservé une mauvaise surprise dont elle a le secret, en abaissant son taux refi de seulement 0,25 point, contre 0,5 attendu.

Même si l’écart est faible, cette décision a suffi pour apprécier l’euro, augmenter les taux d’intérêt à long terme et différer par là même la reprise dont la zone euro a tant besoin.

Cela nous rappelle tristement que si le G20 a été une réussite, l’avènement de la reprise économique en Europe est loin d’être assurée. Et pour cause : l’essentiel des nouvelles aides décidées à Londres concernent principalement les pays émergents. En revanche, les pays développés devront assumer leurs actes en matière de relance. Or, si les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Chine ont mis le paquet pour relancer la machine économique au travers d’une politique monétaire et budgétaire exceptionnellement accommodante (peut-être même trop d’ailleurs), la zone euro reste la plus timide en la matière, tant d’un point de vue budgétaire que monétaire. Dans la mesure où ces politiques minimalistes s’accompagnent d’un euro trop cher, les chances de reprise eurolandaise rapide s’étiolent dangereusement.

Voilà pourquoi et aussi paradoxal que cela puisse paraître, si le G20 a consacré une certaine victoire de la zone euro sur le papier et sur les engagements pris, cette dernière risque de rester, avec le Japon, la lanterne rouge de la croissance mondiale lors de la reprise. Pour se consoler, on pourra toujours dire que nous y sommes habitués et que l’essentiel a été de l’emporter sur les idées. Mais, tout de même, à quoi cela sert-il de lutter pour imposer une liste de paradis fiscaux dont l’efficacité coercitive reste à prouver, si dans le même temps, nous n’arrivons toujours pas à lutter pour mettre en place une croissance forte et durable en France et dans la zone euro ? Va comprendre Charles…

 

Marc Touati