L’avenir de l’euro

A la suite d’un éditorial très récent, intitulé « la zone euro à l’épreuve de la crise », plusieurs lecteurs m’ont interrogé sur les chances de survie de l’euro, si la récession devait durer plus longtemps. J’ai donc souhaité revenir sur ce sujet pour préciser plusieurs points.

 

Tout d’abord, évoquons quelques statistiques. L’euro est la monnaie officielle de 330 millions d’utilisateurs (soit environ 16% du PIB mondial), localisés dans 16 pays d’Europe (la Slovaquie étant le dernier pays à avoir rejoint l’union monétaire). Il représente environ 25% des réserves publiques en devises détenues par les banques centrales du monde entier, contre 60% pour le dollar : c’est la fonction « d’étalon de valeur ». En ce qui concerne son usage, en tant que « moyen de paiement », l’euro est beaucoup moins utilisé que le dollar : sa part moyenne des échanges sur le marché des changes tourne autour de 40%, alors que celle du dollar dépasse les 85% ; ce décalage est en grande partie expliquée par l’utilisation presqu’ exclusive du dollar pour le négoce des matières premières, y compris le pétrole. Enfin, en tant que « moyen de financement », l’euro représente seulement 30% des encours de dettes internationales, avec une tendance à la baisse, qui est due à l’amoncellement des « Treasury Bonds »  américains (Bons du Trésor fédéraux) sur les marchés internationaux.

 

Selon les théoriciens, une monnaie commune ne se développera que si la zone monétaire à laquelle elle appartient, est « optimale ». Est ce le cas de la zone euro ?

Rappelons qu’une zone « optimale » doit posséder 3 caractéristiques : une homogénéité des économies qui la compose ; un degré élevé de diversification de la production et d’ouverture économique ; la mobilité des facteurs de production (capital, travail). Sur le premier point, la situation est globalement satisfaisante, bien que certains pays (Grèce, Portugal par exemple) n’aient pas encore totalement rattrapé leur retard sur les « Etats leaders » de la zone (Allemagne, France). En ce qui concerne le deuxième point, la zone euro a beaucoup progressé, favorisant les échanges entre pays et l’interdépendance. Par contre sur le troisième point, en particulier la mobilité du « facteur travail », il reste encore beaucoup à faire.

Chaque pays possède des réglementations très différentes, accentuées par une fiscalité non harmonisée, qui se traduisent par des coûts du travail très variables. Si on rajoute la barrière des langues et des habitudes culturelles, on constate que la mobilité des travailleurs est encore très limitée, à l’intérieur de la zone.

Certes la « convergence » s’est améliorée durant la période d’expansion économique (2003-2007) : l’Irlande a accueilli beaucoup de ressortissants de la zone euro, par exemple. Les investisseurs ont jugé les progrès satisfaisants et les ont validés en faisant pratiquement disparaître la prime de risque pays sur les obligations émises par les Etats.

Mais avec la crise actuelle, la convergence s’est arrêtée, les expatriés en Irlande retournent dans leurs pays respectifs. Chaque Etat essaie de défendre « son » industrie domestique et court au secours de « ses » banques. Du coup les primes de risque réapparaissent et les investisseurs s’interrogent sur l’avenir de la zone euro et donc de la monnaie commune.

 L’absence d’une politique économique commune forte, les faibles moyens, relatifs, des institutions « fédérales » (à Bruxelles) ne facilite pas la tâche. La B.C.E fait ce qu’elle peut, mais sa juridiction se limite à la politique monétaire.

 

Pour terminer, on peut dire que l’avenir de l’euro va se jouer dans les deux années qui viennent. Soit les Etats qui composent la zone monétaire réussissent à  relancer la « convergence » économique, ce qui suppose une forte harmonisation des politiques, soit les pressions à l’explosion de la zone vont augmenter, avec le risque de voir l’euro malmené.

Il faudra, sur ce point, surveiller l’évolution des « primes de risque », vrais signaux anticipatifs des dangers encourus par la zone euro.

Un dernier sujet d’inquiétude concerne l’évolution économique des pays d’Europe Centrale (Hongrie) et Orientale (pays Baltes, Bulgarie, etc) : leurs difficultés actuelles peuvent non seulement mettre en péril l’Union Européenne, mais, par ricochet, affecter le devenir de l’euro. Nous en reparlerons lors d’un prochain éditorial.

 

 

 

Bernard Marois

Professeur Emérite à HEC

Président du Club Finance