Fabius sort ses griffes

La jeunesse de Laurent Fabius fut digne de celle d’un personnage de roman. Le jeune dandy qui s’était illustré par sa prestation à l’émission télévisée « la tête et les jambes » eut un parcours scolaire brillant. Normalien agrégé de lettres, celui qui arrivait en voiture de sport à science po s’est également singularisé à l’ENA où il s’afficha en veste en jean lors de la traditionnelle photo de l’école au milieu de ses condisciples en costume strict. Fils d’un riche antiquaire il aurait dû rejoindre Valery Giscard d’Estaing dont il était le clone en moins âgé. Ce ne fut pas le cas puisqu’il soutint François Mitterrand alors en pleine ascension vers la présidence. Son choix s’avéra payant puisque François Mitterrand élu en 1981 fit de lui trois ans plus tard à 38 ans le plus jeune Premier Ministre que la France ait connue, supplantant des personnalités telles que Jacques Delors ou Pierre Bérégovoy.

 

 Mieux encore François Mitterrand en avait fait son favori et le jeune Fabius se voyait déjà sur orbite pour succéder à « tonton ». Mais le destin en décida autrement puisque les affaires du Rainbow Warrior puis celle dite du sang contaminé brisèrent net l’envol de Laurent Fabius. Fait rarissime pour un ancien Premier Ministre il redevint « simple ministre » de l’économie en 2000 sous le gouvernement Jospin, poste où il ne laissa pas un souvenir impérissable malgré une conjoncture porteuse.

 

 Mais Laurent Fabius n’est pas prêt à prendre sa retraite ni à renoncer à ses ambitions présidentielles comme l’illustre son omniprésence lors de la manifestation syndicale du 19 mars. L’ex premier ministre a bel et bien trouvé dans cette crise un nouveau cheval de bataille faisant dire à Frédéric Lefebvre (porte parole de l’UMP) avec la finesse qui le caractérise « je mets Monsieur Fabius et Mr Cherèque dans la même catégorie celle des rapaces ». Alors que cette crise sociale prend des allures de lutte des classes où l’on met de manière très caricaturale d’un côté le peuple qui souffre et de l’autre les patrons et autres nantis de la finance, Laurent Fabius monte au créneau toutes griffes dehors en oubliant que l’on ne construit pas en s’opposant mais en proposant.

 

L’ex plus jeune premier ministre de France – aussi brillant soit-il – rencontre les mêmes difficultés qu’Alain Juppé et Valery Giscard d’Estaing à leur époque. Il n’est en effet pas facile pour un haut fonctionnaire symbolisant la technostructure de faire un bon politique. La culture et l’intelligence de ces grands commis de l’Etat sont bien peu de choses en comparaison de qualités comme le charisme, la proximité avec les Français ou tout simplement la gouaille. L’élection présidentielle représente la rencontre d’un homme avec les Français et il semble que jusqu’à présent Laurent Fabius soit passé à côté de ces derniers …

 

 

La phrase de la semaine :

«Tout ceux qui sont entrés dans la sphère personnelle de Nicolas Sarkozy se sont brûlé les ailes.» de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie et ancienne conseillère à l’Elysée.

 

rôme Boué