Mondialisation : Mauvais rattrapage

Au moins, la crise aura suscité quelques éclats de rire – nerveux. Le dernier date de ma lecture, sensée être très austère, d’une note du Fonds Monétaire International informant du changement de cap pris par l’institution pour mieux servir ses fonctions. Si l’objectif est louable, les moyens alloués prêtent à sourire. Petite lecture commentée.

Le FMI a créé une nouvelle ligne de crédit modulable. En clair, un instrument de plus pour apporter des finances aux pays dans le besoin. Mais un instrument plus souple, argumente le Fonds, qui n’a pas encore digéré toutes les critiques à l’égard de ses méthodes magistrales, contraignantes et souvent inadaptées aux particularismes de chaque pays.

Cette LCM – ligne de crédit modulable – ne s’adresse pas à tous. Il faut être admissible. Et la liste de critères de qualification établie par le fonds est déroutante. « Le pays membre a) a des fondamentaux économiques et un cadre institutionnel très solides, b) met en œuvre une politique économique très saine – et a d’excellents antécédents en la matière – et c) reste déterminé à maintenir ce cap à l’avenir. » Combien de pays européens pourraient postuler ?

Ce n’est pas tout. Le candidat doit présenter une « situation extérieure viable ». Là encore, combien de pays exportateurs peuvent prétendre remplir ce critère ? Le FMI mentionne un « compte de capital où prédominent les flux de capitaux privés ». Les bricolages financiers des Etats pour colmater les brèches des banques et autres institutions financières, de la Caisse d’Epargne à AIG, n’entrent pas dans la catégorie des capitaux privés, non ? Autre pré requis : des « finances publiques solides, et notamment viabilité de la dette publique ». La lecture des prévisions de dettes et de déficits publics des membres de l’Eurogroupe, au regard des préconisations du Pacte de Stabilité et de Croissance, laisse plus que perplexe. A la mention « absence de problème de solvabilité des banques constituant une menace immédiate de crise bancaire », même doute.

Au final, il n’y a guère que le critère « supervision efficace du secteur financier », qui semble coïncider avec la situation actuelle, et encore, depuis peu.

Heureusement, le FMI précise qu’ « il ne serait pas nécessaire pour être admissible à la LCM d’afficher de bons scores pour tous ces critères ». A ce train là, en effet, il n’y avait guère de postulants. La Roumanie, qui vient pourtant de recevoir un enveloppe de 12,9 milliards d’euros, n’était pas en bonne position.

Création de cette LCM, suppression de facilités peu usitées, assouplissement d’autres modalités de prêts, augmentation des ressources de l’institution – ce qui n’est pas chose aisée -,… le FMI a mis les bouchées doubles. Hors de question de laisser un Etat faire faillite. Le risque systémique est bien trop grand.

« L’un des objectifs de cette refonte est d’encourager les pays à faire appel au FMI sans tarder plutôt que d’attendre que leurs problèmes soient devenus insolubles », souhaite le « pompier pyromane », dans son communiqué de presse. Un discours responsabilisant à l’égard des tiers, qui tranche avec un autre, sans doute plus réaliste : « le débat portera certainement sur l’absence d’intervention active du FMI », écrivait en décembre, dans une publication de l’organisation, un ancien du FMI. La LCM est donc le fruit d’une séance de rattrapage intensive. Mais, ces remaniements ne sont pas des solutions miracles. Si le Fonds a bien raison, c’est quand il dit que « les temps sont durs ».

 

Alexandra Voinchet