PIB et emploi en France : quelle tristesse.

Quelle tristesse ! Après avoir résisté tant bien que mal, puis évité de justesse la récession technique grâce à une progression miraculeuse de 0,1 % au troisième trimestre, le PIB français s’est écroulé de 1,2 % au quatrième trimestre. Du jamais vu depuis que la série existe, c’est-à-dire 1978.

En glissement annuel aussi, la déconvenue est au rendez-vous, puisque celui-ci atteint un niveau de – 1 %, cette fois-ci un « record » depuis le troisième trimestre 1993.

Dans ce cadre, au sortir de ce quatrième trimestre calamiteux, l’acquis de « décroissance » du PIB pour 2009 atteint – 0,9 %. Cela signifie que si le PIB stagne sur l’ensemble de l’année 2009, son recul par rapport à 2008 atteindra 0,9 %.

De là à imaginer une baisse du PIB supérieure à 1 % comme le fait Madame Lagarde, il y a un pas qu’il est néanmoins possible de ne pas franchir.

En effet, aussi bizarre que cela puisse paraître, les comptes nationaux du quatrième trimestre ne comportent pas que des mauvaises nouvelles.

Certes, l’investissement des entreprises a fondu de 1,5 % retrouvant un niveau similaire à celui du deuxième trimestre 2007. Certes également, l’investissement logement des ménages a continué de reculer (confirmant que le dégonflement de la bulle immobilière est bien en marche). Certes enfin, les exportations se sont effondrées de 3,7 %, tandis que les importations n’ont reculé « que » de 2,2 %.

Dans ce même cadre, il faut aussi souligner qu’après avoir déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre, puis de 0,3 % au troisième, l’emploi a reculé de 0,6 % au quatrième trimestre. Un plus bas depuis les premier et deuxième trimestres 1993 et qui n’a été dépassé que trois fois depuis que cette statistique a été créée en 1970, à savoir au quatrième trimestre 1992 et au deuxième trimestre 1981 (- 0,7 %), ainsi qu’au quatrième trimestre 1974 (- 0,8 %).

Sur un an, l’emploi recule ainsi de 0,7 %, un plus bas depuis le premier trimestre 1994. C’est dire combien l’ajustement baissier du marché du travail français est fort.

D’ailleurs tous les secteurs d’activité sont concernés par la faiblesse de l’emploi : – 1,1 % dans l’industrie, – 0,5 % dans les services et 0 % pour la construction. Les variations annuelles sont toute aussi inquiétantes avec respectivement : – 2,2 %, – 0,5 % et + 1,7 %.

En outre, il faut noter le nouvel effondrement de l’emploi dans l’intérim (- 12,9 % sur un trimestre et – 21,2 % sur un an). Dans la mesure où l’emploi dans l’intérim constitue un indicateur avancé de l’emploi total, il est donc à craindre que la baisse de ce dernier n’est pas encore terminée.

Pour autant, deux lueurs d’espoir émanent des comptes nationaux du quatrième trimestre. Primo, après trois trimestres de croissance comprise entre 0 et 0,1 %, la consommation des ménages a progressé de 0,5 % au quatrième trimestre. Histoire de rappeler que les ménages n’ont pas encore déposé les armes et surtout que la baisse des prix énergétiques et alimentaires leur a permis de consommer davantage dans d’autres domaines.

Secundo, l’essentiel de la baisse du PIB est due à un déstockage massif. Ainsi, hors stocks, le PIB français ne recule que de 0,3 %.

Cela signifie donc que les entreprises ont bien procédé à des ajustements importants et qu’elles sont prêtent à redémarrer dès que la conjoncture internationale reprendra des couleurs, que la BCE aura baissé ses taux directeurs à 1 %, que les relances budgétaires françaises et européennes seront mises en place et que l’euro aura retrouvé des niveaux normaux (c’est-à-dire autour des 1,15 dollar pour un euro).

Autrement dit, même si la traversée du désert va certainement durer jusqu’à l’été, le PIB reculera beaucoup moins au cours des prochains trimestres et pourra même reprendre le chemin de la hausse à partir du troisième trimestre 2009. C’est dommage que Madame Lagarde qui jubilait il y a neuf mois à l’annonce des chiffres du PIB du premier trimestre 2008 tombe aujourd’hui dans l’excès inverse…

 

Marc Touati