Déflation et BCE : quid de 2009 ? (E&S n°70)

L’humeur :

BCE : Encore du pain sur la planche !

Bien entendu, il faut se réjouir de la baisse du taux refi de 50 points de base opérée le 15 janvier. Compte tenu des dérapages habituels de la BCE et des déclarations récentes de certains de ses dirigeants, celle-ci aurait effectivement pu maintenir ses taux inchangés, histoire de souligner une fois encore sa stratégie de faucons qui, sous couvert d’indépendance à toute épreuve, constitue en fait une dépendance à l’orthodoxie monétariste…

Le simple fait que la BCE ne nous ait pas réservé de mauvaises surprises est donc en soi une bonne nouvelle. Quelle tristesse d’en arriver là !

D’ailleurs, au-delà de cette amère satisfaction, la BCE n’a absolument pas changé son fusil d’épaule, ni sa sémantique. Ainsi, en dépit de la gravité de la crise qui sévit à travers le monde et en particulier dans la zone euro, elle nous parle comme d’habitude des risques d’affaiblissement sur la croissance et de la réduction des risques sur l’inflation.

Autrement dit, le PIB a beau baisser de plus en plus depuis le printemps dernier, les prix ont beau reculer de 0,7 % depuis juillet dernier, indiquant par là même que le risque de déflation devient croissant, les banques de la zone euro ont beau afficher des pertes abyssales, les taux d’intérêt à long terme ont beau flamber dans de nombreux pays eurolandais, faisant craindre le pire sur la pérennité de la zone euro, rien n’y fait : la BCE continue de nous parler comme si nous traversions une simple bourrasque.

Pis, alors qu’une forte baisse du PIB ne fait aucun doute pour le quatrième trimestre 2008 et s’annonce fort probable pour le premier trimestre 2009, la BCE nous dit qu’avant de baisser davantage son taux refi, elle attend de disposer des chiffres officiels du PIB du quatrième trimestre qui sortiront le 13 février prochain. Laissant ainsi penser que le prochain assouplissement monétaire aura lieu en mars.

On croit rêver : c’est un peu comme si un médecin urgentiste était face à une personne en arrêt cardiaque mais qu’il refusait de lui faire les massages cardiaques et l’électrochoc de la dernière chance tant qu’il n’a pas reçu les examens médicaux du malade à l’agonie.

Cette stratégie est d’autant plus absurde que la BCE sait très bien que toute inflexion de politique monétaire prendra six à neuf mois pour agir sur l’activité.

En outre, même à 2 %, le taux refi est encore très loin de son niveau économiquement justifié (au regard de la décroissance et de la désinflation actuelles), à savoir 1,1 % selon la règle de Taylor.

Le taux refi optimal est de 1,25 %.

En d’autres termes, si face au choix entre l’inflation et la déflation, la Fed a choisi la première pour éviter la seconde qui est immanquablement le pire des drames économiques, la BCE semble préférer la deuxième. Certes, lorsque le niveau d’inflation annuelle sera proche de zéro puis négatif au printemps prochain, la BCE baissera certainement son taux refi à 1,25 %.

Mais il sera trop tard, car une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage de la déflation, la sortie de crise peut prendre des trimestres, voire des années…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

États-Unis, France : la déflation arrive à grands pas.


C’était moins une : la déflation a été évitée de justesse en décembre. En effet, après avoir déjà reculé de 1 % en octobre, puis de 1,7 % en novembre, les prix à la consommation n’ont reculé « que » de 0,7 % en décembre aux Etats-Unis.

De la sorte, le glissement annuel est resté légèrement positif à + 0,1 %. Pour autant, ne nous faisons pas d’illusion : dès janvier, ce glissement annuel sera négatif, ce qui constituera donc une manifestation technique de la déflation.

En effet, même si les prix enregistrent un rebond technique dans les prochains mois, leur glissement annuel oscillera de – 0,6 % à – 1,2 % de janvier à juin prochains.

En revanche, à partir de l’été, les effets de base (liés à la baisse actuelle des prix énergétiques et des matières premières alors que ces derniers flambaient il y a un an) s’inverseront et ce glissement annuel retrouvera progressivement la barre des + 1,5 % d’ici la fin 2009.

Dans ce cadre, il est indispensable de se focaliser sur l’évolution de l’inflation sous-jacente, c’est-à-dire hors énergie et produits alimentaires. Or, celle-ci reste encore largement positive à + 1,8 % en décembre.

Etats-Unis : aucun effet de second tour tant à la hausse qu’à la baisse.

Autrement dit, de la même façon qu’il n’y a pas eu de forte répercussion de la flambée des prix énergétiques et alimentaires sur les prix sous-jacents, il n’y en a toujours pas à la baisse.

De quoi confirmer que la Réserve fédéral a raison de suivre l’inflation hors énergie et alimentaire pour établir sa politique monétaire.

Dans ce cadre, sa stratégie actuelle de taux zéro s’applique simplement à éviter que la déflation ne dure pas trop longtemps. Et, selon nos prévisions, elle y parviendra.

De l’autre côté de l’Atlantique, et plus précisément dans l’Hexagone, un mouvement similaire s’observe sur les prix, mais malheureusement pas sur les taux d’intérêt.

Ainsi, plus les mois passent, plus la France se rapproche dangereusement de la déflation. En effet, pour le quatrième mois consécutif, les prix à la consommation ont reculé en décembre (- 0,2 %). Pour retrouver une augmentation mensuelle, il faut même remonter à juin 2008.

Dans ce cadre, le glissement annuel des prix à la consommation est passé de 3,6 % à juillet à 1,0 % en décembre 2008.

Mais ce n’est pas tout. Car, avec les soldes et la nouvelle baisse des pris énergétiques, les prix devraient encore reculer en janvier et rester stables en février. Dès lors, même si un rebond technique s’observe au printemps, le glissement annuel des prix sera bien négatif à partir d’avril prochain et ce jusqu’à l’été.

Autrement dit, la France sera bien en déflation.

Or, bien plus grave que l’inflation, la déflation est le pire des maux économiques. En effet, elle concrétise une situation d’excès d’offre par rapport à la demande. Pour que l’offre s’ajuste à la demande, il faut donc qu’elle baisse, ce qui se traduit par une baisse de la production, des faillites et in fine des licenciements, donc une nouvelle baisse de la demande. D’où une poursuite de la déflation…

Le seul moyen de s’en sortir réside alors dans une politique de soutien à la demande (consommation et investissement), en particulier via une forte baisse des taux directeurs de la banque centrale et une relance budgétaire efficace, c’est-à-dire qui ne se contente pas de distribuer des subsides publiques pour colmater les brèches.

En d’autres termes, la France et la zone euro ont le choix : soit elles continuent de refuser un plan de relance global, concerté et efficace et elles sortiront de la déflation à partir de l’automne 2009 ; soit elles restent frileuses et engagent des dépenses publiques inefficaces et elles s’enfonceront dans une déflation à la japonaise, c’est-à-dire durable et destructrice.

Plus globalement, l’approche de la déflation dans l’Hexagone, en Europe et dans l’ensemble du monde occidental nous rappelle qu’il vaut mieux accepter une inflation temporaire qu’une déflation économiquement et socialement dévastatrice.

Marc Touati


Les évènements à suivre du 19 au 23 janvier :

Une semaine de répit.


Aux Etats-Unis, on suivra les mises en chantier jeudi qui après avoir atteint un plus bas depuis 2003 au mois de décembre, stagneront au mois de janvier.

En Europe, on suivra vendredi les indices PMI des directeurs d’achats dans l’industrie manufacturière et dans les services qui demeureront à un très faible niveau du fait de la dégradation de l’environnement économique international.

En Allemagne on suivra l’indice ZEW de sentiment économique qui du fait de la profonde récession qui frappe le pays et de la très faible demande mondiale restera très faible à l’instar du climat des affaires en France. En France toujours, on suivra les dépenses des ménages qui, après avoir fait de la résistance au mois de novembre, marqueront le pas en décembre.

 

Mardi 20 janvier : 11h (heure de Paris) : l’indice ZEW de sentiment économique se stabilise à un faible niveau en Allemagne au mois de janvier.

Après avoir atteint un plus bas historique en juillet (à – 63,9), l’indice ZEW des anticipations des investisseurs institutionnels et des analystes financiers sur l’évolution de l’économie allemande dans les six mois à venir avait légèrement rebondi en août/septembre, avant de revenir tout près de son plus bas en octobre, à – 63 pour remonter à – 53,5 en novembre et – 45,2 en décembre. Compte tenu de la poursuite de la détérioration de l’environnement économique allemand et plus largement mondial, l’indice ZEW devrait stagner à – 45 au mois de janvier.

 

Jeudi 22 janvier : 08h45 : les dépenses des ménages français stagnent au mois de décembre.

La hausse du chômage, le retournement du marché immobilier, le resserrement des conditions de crédit et la détérioration générale de l’environnement économique ne relâchent pas la pression sur la consommation des ménages dont le moral reste très faible.

 En conséquence, après avoir fait de la résistance et progressé au mois de novembre de 0,3%, les dépenses de consommation en produits manufacturés devraient stagner au mois de décembre. La consommation, qui fut longtemps le moteur de la croissance de l’économie française, n’en finit pas de céder, sans pour autant s’écrouler.

Jeudi 22 janvier : 14h30 (heure de Paris) : les mises en chantier aux Etats-Unis stagnent à un faible niveau au mois de décembre.

En chute depuis le mois de juillet, les mises en chantier aux Etats-Unis ont baissé de 18,9 % au mois de novembre pour atteindre un plus bas à 625 000. Directement frappés par le « credit crunch » et par la hausse du chômage, les ménages américains voient leur pouvoir d’achat diminuer drastiquement, ce qui contribue à la chute du marché de l’immobilier et par conséquent des mises en chantier. Ayant déjà atteint un très faible niveau, ces dernières devraient stagner à 625 000 au mois de décembre.

 

Vendredi 23 janvier : 08h45 : l’indice de confiance des entrepreneurs français reste très bas et stagne au mois de décembre.

Après avoir baissé au mois de septembre à 91 et au mois d’octobre et de novembre respectivement à 87 et à 79, l’indice de confiance des entrepreneurs en France a atteint un plus bas au mois de décembre à 73. La confiance des entrepreneurs français devrait demeurer très faible à 73 au mois de janvier. En effet, la France subit le ralentissement de l’économie mondiale générant une demande domestique et extérieure atone pouvant aboutir à une déflation.

 

Vendredi 23 janvier : 10h : l’indice des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière de la zone euro se stabilise à un niveau bas en janvier.

Après avoir reculé à un plus bas depuis 2003 et atteint 33,9 en décembre, l’indice des directeurs d’achat dans l’industrie manufacturière de la zone euro devrait se stabiliser au niveau de 33,9 en décembre. Face à l’importante dégradation de l’environnement économique, cet indice semble avoir atteint un point bas très nettement sous le niveau des 50 reflétant une contraction marquée de l’activité au quatrième trimestre. Pour sa part l’indicateur des directeurs d’achats dans les services conservera son faible niveau de 42.

 

Jérôme Boué



Les prévisions économiques et financière d’ACDEFI :