BCE : encore du pain sur la planche !

Bien entendu, il faut se réjouir de la baisse du taux refi de 50 points de base opérée le 15 janvier. Compte tenu des dérapages habituels de la BCE et des déclarations récentes de certains de ses dirigeants, celle-ci aurait effectivement pu maintenir ses taux inchangés, histoire de souligner une fois encore sa stratégie de faucons qui, sous couvert d’indépendance à toute épreuve, constitue en fait une dépendance à l’orthodoxie monétariste…

Le simple fait que la BCE ne nous ait pas réservé de mauvaises surprises est donc en soi une bonne nouvelle. Quelle tristesse d’en arriver là !

D’ailleurs, au-delà de cette amère satisfaction, la BCE n’a absolument pas changé son fusil d’épaule, ni sa sémantique. Ainsi, en dépit de la gravité de la crise qui sévit à travers le monde et en particulier dans la zone euro, elle nous parle comme d’habitude des risques d’affaiblissement sur la croissance et de la réduction des risques sur l’inflation.

Autrement dit, le PIB a beau baisser de plus en plus depuis le printemps dernier, les prix ont beau reculer de 0,7 % depuis juillet dernier, indiquant par là même que le risque de déflation devient croissant, les banques de la zone euro ont beau afficher des pertes abyssales, les taux d’intérêt à long terme ont beau flamber dans de nombreux pays eurolandais, faisant craindre le pire sur la pérennité de la zone euro, rien n’y fait : la BCE continue de nous parler comme si nous traversions une simple bourrasque.

La BCE ignore les risques de déflation

Pis, alors qu’une forte baisse du PIB ne fait aucun doute pour le quatrième trimestre 2008 et s’annonce fort probable pour le premier trimestre 2009, la BCE nous dit qu’avant de baisser davantage son taux refi, elle attend de disposer des chiffres officiels du PIB du quatrième trimestre qui sortiront le 13 février prochain. Laissant ainsi penser que le prochain assouplissement monétaire aura lieu en mars.

On croit rêver : c’est un peu comme si un médecin urgentiste était face à une personne en arrêt cardiaque mais qu’il refusait de lui faire les massages cardiaques et l’électrochoc de la dernière chance tant qu’il n’a pas reçu les examens médicaux du malade à l’agonie.

Cette stratégie est d’autant plus absurde que la BCE sait très bien que toute inflexion de politique monétaire prendra six à neuf mois pour agir sur l’activité.

En outre, même à 2 %, le taux refi est encore très loin de son niveau économiquement justifié (au regard de la décroissance et de la désinflation actuelles), à savoir 1,1 % selon la règle de Taylor.

Le taux refi optimal est de 1,25 %.

En d’autres termes, si face au choix entre l’inflation et la déflation, la Fed a choisi la première pour éviter la seconde qui est immanquablement le pire des drames économiques, la BCE semble préférer la deuxième. Certes, lorsque le niveau d’inflation annuelle sera proche de zéro puis négatif au printemps prochain, la BCE baissera certainement son taux refi à 1,25 %.

Mais il sera trop tard, car une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage de la déflation, la sortie de crise peut prendre des trimestres, voire des années…