Assurément, 2008 restera l’année de toutes les mauvaises surprises. Tout avait d’ailleurs « bien » commencé avec la fameuse affaire Kerviel qui démontra qu’une des banques d’affaires les plus performantes au monde pouvait perdre cinq milliards d’euros en quelques heures. Le tempo était donné : 2008 allait montrer que la finance mondiale, qui avait déjà subi une première gifle en 2007 avec l’éclatement de la bulle des subprimes, était en train de perdre tous ses repères.
Ensuite, ce fût la flambée des cours du pétrole et de l’ensemble des matières premières qui mit le feu aux poudres, démontrant par là même que les « meilleurs spécialistes » de la planète et l’ensemble des marchés pouvaient sans vergogne et en dépit du bon sens prévoir à la fois une récession mondiale et un baril à 200 dollars…
Mais ce n’était pas tout, car même si elle fut organisée sans trop de dérapages, la faillite de Bear Stearns rappelait à tous que disposer d’un passé glorieux et être une figure emblématique de la finance mondiale n’étaient en rien des gage de pérennité. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour de la BCE de plonger dans l’absurdité en augmentant ses taux directeurs en pleine récession de la zone euro et alors que l’inflation qui prévalait à l’époque n’était aucunement le produit d’une demande trop forte par rapport à l’offre et donc sur laquelle la politique monétaire n’avait pas de prise.
Mais le pic de cette année meurtrière n’était pas encore atteint. Pour ce faire, il a fallu attendre le 15 septembre et la faillite non préparée de Lehman Brothers qui allait entraîner le monde dans sa crise financière la plus grave depuis 1929. Enfin, cerise sur le gâteau et synthèse parfaite de cette année de mer… cenaires, l’affaire Madoff est venue rappeler que même l’insoupçonnable devenait inévitable.
Bref, nous avons bien vécu une année historique. Dans ces conditions, faire le bilan de nos prévisions économiques et financières pourrait paraître inutile. En effet, nous n’avons prévu ni Kerviel, ni Bear Stearns, ni la folie de la BCE, ni la faillite de Lehman Brothers et encore mois le scandale Madoff. Mais était-ce possible ? Certainement pas. Pour autant, le fait que tout le monde se soit trompé ne constitue pas une excuse et nous devons reconnaître que, de ce point de vue, ainsi que sur le front des prévisions boursières, nous avons eu tort. Voilà pourquoi, par respect pour nos clients, il est indispensable de continuer à jouer
Et ce d’autant qu’à l’exception des déboires financiers que nous venons d’évoquer, le bilan de nos prévisions 2008 est même plutôt flatteur. En effet, nous avons été les premiers à annoncer l’avènement d’une récession dans la zone euro pour 2008 et une croissance française inférieure à 1 %. Toujours dans l’Hexagone, nous avons été parmi les seuls à annoncer un dérapage des comptes publics vers un déficit de 3 % du PIB et à prévoir le dégonflement de la bulle immobilière que nous avions d’ailleurs été parmi les très rares à détecter il y a déjà deux ans et demi.
Parallèlement, nous avons été parmi les rares à anticiper que la croissance américaine serait supérieure à 1 % en 2008. Rappelons-nous qu’il y a un an, la plupart des prévisionnistes et notamment ceux du FMI annonçaient une croissance américaine d’au mieux 0,5 %. Or, jusqu’à la faillite de Lehman Brothers, celle-ci avoisinait les 2 % et elle dispose encore d’un acquis de 1,3 % à la fin du troisième trimestre.
De même, nous avons dû lutter pour affirmer, seuls contre tous, que le baril à 150 dollars n’avait pas de sens économique et qu’il devrait baisser à partir de l’été 2008. Dans le prolongement de cette prévision, nous avons aussi crié haut et fort que la remontée du taux refi de la BCE en juillet dernier était une absurdité. Nous profitons d’ailleurs de cette occasion pour remercier les 12 500 signataires de la pétition stopTrichet.com à travers toute l’Europe.
En outre, au lendemain de la triste décision de la BCE, nous étions parmi les très rares à annoncer que l’inflation se replierait nettement dans la zone euro et que la BCE serait finalement contrainte de baisser son taux refi. Si l’exacerbation de la crise financière a évidemment obligé celle-ci à aller au-delà de nos prévisions, il ne faut pas oublier que la récession eurolandaise a commencé dès le deuxième trimestre, puis s’est accélérée au troisième trimestre, avant même la faillite de qui vous savez, confirmant par là même que la remontée du taux refi de juillet restera certainement l’une des plus graves erreurs de politique monétaire des trente dernières années.
En ce qui concerne les pays émergents, nous n’avions certes pas anticipé que l’ampleur du ralentissement serait si forte, mais nous avions annoncé que ceux-ci continueraient de représenter les deux tiers de la croissance mondiale et que ceux d’Asie et d’Amérique Latine seraient les plus résistants au contraire des pays d’Europe de l’Est.
Enfin, lorsque l’euro valait 1,60 dollar et que de nombreux économistes le voyaient à 2, nous avons été parmi les très rares à annoncer une baisse significative de ce dernier, avec un objectif de 1,35 dollar pour la fin 2008.
Mais au-delà de la satisfaction que peut nous procurer ce bilan favorable, nous voulons surtout souligner que ce dernier rappelle que nous ne sommes pas des devins et que nous devons faire nos prévisions en toute humilité et sur la base des fondamentaux économiques. Bien sûr, cette stratégie ne peut pas nous permettre d’avoir toujours raison mais au moins elle nous permet de défendre nos prévisions avec objectivité et en toute indépendance. Espérons donc que grâce à cette méthode, notre bilan 2009 sera encore meilleur que celui de 2008. Et ce d’autant que si, il y a un an, nous avons été les premiers à annoncer la récession en Europe, nous sommes aujourd’hui parmi les rares à anticiper une reprise dès l’été aux Etats-Unis et à partir de l’automne de ce côté-ci de l’Atlantique. Après une année 2008 de toutes les mauvaises surprises, 2009 pourrait donc bien devenir celle de toutes les bonnes surprises.