L’or bleu

Jaune, noir, vert, bleu : l’or est multicolore. Métal précieux, pétrole, produits agricoles et eau sont les richesses de notre monde, rares et pourtant indispensables.

La neige qui est tombée le week-end dernier ravira non seulement les skieurs impatients mais aussi ceux qui surveillent le niveau de nos nappes phréatiques. Car, si la planète bleue ne manque pas d’eau, l’homme ne peut ou ne sait toute l’utiliser pour couvrir des besoins sans cesse plus grands. 10 % de l’eau que nous prélevons est destinée à notre usage domestique, 20 % à l’industrie et 70 % à l’agriculture.

L’or vert et l’or bleu ne peuvent aller l’un sans l’autre. Il faut 500 litres d’eau pour produire un kilo de pommes de terre, 600 litres pour un kilo de blé, 2 000 litres pour un kilo de soja, 3 500 litres pour un kilo de poulet… et près de 20 000 litres pour produire un kilo de bœuf. Votre menu « steak de bœuf et pates, fromage et pain, crème glacée » représente l’équivalent de 8 450 litres d’eau.

A côté de cela, une personne sur six manque actuellement d’eau potable et cette pénurie risque d’affecter le tiers de la population mondiale d’ici 2025, préviennent les autorités internationales.

Pour maintenir la consommation d’eau à son niveau actuel, il faudrait investir 1 200 milliards de dollars par an pendant 20 ans, expliquaient la semaine dernière des gérants de Prim’ Alternative Investment, lors de la présentation d’un fonds sur les produits agricoles. Pour maintenir celle de pétrole, les besoins financiers ne seraient « que » de 1 000 milliards de dollars par an jusqu’en 2030.

Malheureusement, les priorités ne sont pas forcément toujours bien perçues. En 2015, 30 des Etats américains seront déficitaires en eau. En Arabie Saoudite, en revanche, la prise de conscience est là : pour assurer son autosuffisance en blé, le pays pompe dans ses nappes phréatiques au point qu’elles seront vides d’ici à dix ans. Il a donc décidé d’arrêter les dégâts en 2013. L’Arabie Saoudite deviendra alors importatrice en produits agricoles et paiera ces denrées en pétrodollars.

Aux problèmes économiques et sociaux de l’actuel manque d’eau risquent donc de se greffer d’autres tensions sur la sécurité alimentaire. Qui dit raréfaction de l’eau dit augmentation de son prix dit augmentation des prix des matières premières agricoles. Les émeutes de la faim que nous avons connues cette année pourraient n’être rien à côté de celles qui nous attendent. Et de physique, le problème pourrait devenir géostratégique.

En Chine, la fonte des glaciers, qui alimentent les rivières et les bassins de culture du riz et du blé, ravive le douloureux souvenir de la Grande Famine, qui, de 1959 à 1961, avait fait 30 millions de morts. Or, en Chine, il n’en faudrait pas beaucoup pour déstabiliser l’équilibre social du pays dont le ralentissement de la croissance montre toutes les failles.

L’eau sera sans nul doute un des biens publics les plus essentiels de ce siècle.

Alexandra Voinchet