La mondialisation en 2008

Cette année, la mondialisation nous aura montré une autre facette de sa personnalité. Le chercheur Philippe Moreau Defarges définit le multilatéralisme comme la tentative de créer un ordre social accepté par tous. Et si le subprime s’était imposé comme une des meilleures illustrations de cette notion fuyante qu’est le multilatéralisme ?

L’ignominie financière du subprime a créé un « désordre », ce qui est finalement un ordre à sa manière. L’a-normalité n’est-elle pas aussi une norme en soi ? Cet ouragan financier a mis tout le monde d’accord, ce qui n’est pas chose aisée quand on cause globalisation.

2008 sera-t-elle l’année de la prise de conscience de la mondialisation ? Sans nul doute, a-t-on compris, au cours des derniers mois, que la dépendance entre les états était plus forte que ce que nous laissaient penser les discours des grands argentiers du monde.

Pour autant, si le subprime a mis à jour la toile d’araignée économico-financière qui s’est tissée depuis les années 1980, il en a aussi montré toutes les limites. L’entente politique entre les pays est encore un idéal. La montagne du G20, convoqué mi-novembre, a accouché d’une souris. L’initiative européenne n’a d’européenne que son origine strictement géographique. Le monde n’est pas multilatéral mais multipolaire, chacun regardant son pré carré, voulant le protéger, quitte à rejeter les problèmes sur son voisin.

Les blocs économiques se sont effrités. Les pays occidentaux ont montré toute la diversité de leur situation économique. L’Europe est aujourd’hui à deux vitesses : entre l’Allemagne et l’Espagne, un fossé s’est creusé. Les Etats-Unis sont tombés de leur piédestal. Dans les pays émergents, tous sont loin d’émerger justement, beaucoup sont au bord de la noyade.

Le commerce mondial, porté jusqu’à présent aux nues, n’apparaît plus que comme une variable d’ajustement. Les commentateurs se disent soulagés de ne pas sombrer dans le protectionnisme comme cela s’était passé après 1929. Leur optimisme n’est-il pas précoce, alors que chacun – ceux qui ont les moyens comme la Chine ou ceux qui font marcher la planche à billets – y va de sa petite recette es New Deal ? L’Organisation mondiale du commerce espère boucler son cycle de négociations pour la libéralisation accrue du commerce mondial. Cela fait sept ans qu’elle l’espère. Son dirigeant Pascal Lamy envisage encore un possible accord au cours de ce mois de décembre. Croit-il encore au Père Noël ?

2008 marque sans doute l’avènement du XXIe siècle, à bien des points de vue. Philippe Morau Defarges écrivait en 2004 sur « le multilatéralisme et la fin de l’histoire ». Rendons hommage à sa conclusion : « ce que suggère l’Histoire, c’est que chaque avancée vers plus d’ordre, vers plus de régulation s’accompagne de réactions, de résistances, d’imprévus. Tous les efforts faits pour mieux concevoir la paix, au nombre desquels le multilatéralisme, suscitent des réinventions de la violence. Et aucun édifice institutionnel n’est à l’abri d’une catastrophe : crise économique, guerre… » Une analyse qui a, cette année, prouvé toute son acuité.

 

Alexandra Voinchet