Baisse des taux et récession en Europe : ce n’est pas terminé… (E&S n°66)

L’humeur :

Une leçon de sang-froid.

Les ménages sont formidables. En effet, qu’ils soient américains, allemands ou français, ils refusent de céder au pessimisme et indiquent une légère amélioration de leur moral dans les enquêtes de conjoncture menées auprès d’eux. Certes, aux Etats-Unis, un effet Obama a certainement joué permettant par là même aux Américains de retrouver quelques couleurs. A l’inverse, que ce soit en Allemagne et en France, aucun effet de ce genre n’est observable, même s’il est vrai que les Français pourraient trouver satisfaction à voir leur Président mis en valeur sur la scène internationale lors de la crise financière.

Toujours est-il que dans un contexte d’augmentation du chômage, de morosité exacerbée des entreprises, l’augmentation du moral des ménages a de quoi surprendre. Ainsi, après avoir augmenté de deux points en octobre, l’indice de confiance des ménages français en a gagné 3 en novembre. Avec un niveau toujours très bas de -43, cet indice retrouve ainsi un « plus haut » depuis mai 2008. Cette amélioration est d’autant plus remarquable que la quasi-majorité des indices de l’enquête s’améliore. A commencer par les indicateurs de situation financière personnelle et de niveau de vie en France. Seule ombre persistante au tableau, les ménages craignent de plus en plus une augmentation du chômage dans les prochains mois.

Mais globalement, ce retour de l’espoir tranche avec l’effondrement du moral des chefs d’entreprise. En novembre, ce dernier a ainsi atteint un plus bas depuis octobre 1993. Pis, les perspectives générales de production des industriels français ont atteint un plus bas historique, jamais rencontré depuis la création de l’enquête INSEE dans l’industrie en 1976… Une question s’impose alors : les ménages français sont-ils sont prozac ou bien sont-ce les chefs d’entreprise, les investisseurs financiers et les hommes politiques qui ont sombré dans un comportement dépressif et suicidaire ?

En fait, la réalité est certainement entre les deux. En effet, les entreprises et les marchés ont évidemment de quoi s’inquiéter. Dans ce cadre, les ménages ont raison de se soucier davantage des risques de chômage. Pour autant, tout n’est pas si noir que certains voudraient nous faire croire. En effet, les cours du pétrole et des matières premières sont en nette baisse. Et même si ces évolutions favorables ne sont pas complètement répercutées sur les prix à la consommation, elles jouent mécaniquement à la hausse sur le pouvoir d’achat des ménages.

Parallèlement, si les banques restent encore très frileuses en matière de crédit, la forte baisse des taux monétaires passée et à venir soutiendra forcément l’activité économique dans les prochains mois. C’est du moins ce que laissent penser les déclarations des responsables de la Banque Centrale Européenne. Dans ce cadre, cette dernière devrait abaisser son taux refi à 2 % au plus vite (et au plus tard d’ici le printemps prochain), ce qui permettra à l’euro de se stabiliser autour des 1,20 dollar.

Dans la mesure où ces évolutions mettront environ six mois pour agir sur l’activité, la zone euro est donc condamnée à passer l’hiver en récession avant un timide et progressif rebond à partir de l’été prochain. Autrement dit, elle connaîtra une récession de plus d’un an, c’est-à-dire une récession historiquement longue. Voilà pourquoi, après avoir pêché par excès de méthode Coué, nos gouvernants sont aujourd’hui tombés dans un excès inverse, voulant à tout prix noircir le tableau pour justifier la forte augmentation des dépenses publiques.

Soyons clairs : cette recrudescence est dangereuse. N’oublions pas que les dépenses publiques représentent déjà 53,5 % du PIB français (jusqu’où va-t-on aller ?). Néanmoins, il est tout aussi évident qu’à court terme, l’activité économique et l’emploi vont bénéficier de cette fièvre dépensière des autorités publiques.

Dans ce cadre, les ménages font finalement le même calcul que les marchés depuis quelques mois : ils ne pensent qu’à court terme. Autrement dit, « profitons de la situation présente tant que nous le pouvons, quant à l’avenir, les incertitudes sont tellement fortes qu’il ne sert à rien de sombrer dans le pessimisme ». C’est en substance ce que nous disent aujourd’hui les ménages français, ainsi que leurs homologues américains et allemands : Carpe Diem. Ils nous donnent donc une leçon formidable de sang froid. Espérons que les entreprises et les investisseurs financiers sauront s’en souvenir.

Si tel est le cas, alors les économies occidentales pourront progressivement retrouver le chemin du cercle vertueux investissement-emploi-revenu-consommation. Car n’oublions pas que la consommation seule ne suffit par à tirer une économie. Et pour cause : lorsqu’un Français achète 100 euros de produits, 50 euros sont absorbés par des produits importés. Dès lors, ce qui est gagné en consommation est en partie perdu en importations. Voilà pourquoi, il n’est pas possible de se contenter de la résistance des dépenses des ménages. Simplement, ces derniers sont en train d’ouvrir la voie aux entreprises et aux industriels pour ne pas céder à la tentation du pessimisme maladif.

En attendant, même s’ils réduiront la voilure, les ménages devraient nous réserver d’autres bonnes surprises, notamment parce qu’ils consommeront significativement pendant les fêtes de fin d’année et les soldes de janvier. Ce qui dans le contexte de déprime actuel, constitue d’ores et déjà un rayon de soleil particulièrement appréciable.

Marc Touati


Et les marchés dans tout ça ?

La BCE a encore du pain sur la planche.


Enfin ! Il aura donc fallu attendre l’aggravation historique de la récession dans la zone euro pour que la BCE se décide à voir la réalité en face et à agir avec vigueur.

Dans ce cadre, la baisse du taux refi de 75 points de base aujourd’hui constitue assurément une bonne nouvelle.

Pour autant, il n’y a aucunement de quoi sauter au plafond. Et ce pour au moins trois grandes raisons.

Primo, l’actuel assouplissement monétaire de la BCE mettra, comme d’habitude six à neuf mois pour agir sur l’activité. Autrement dit, la récession eurolandaise restera d’actualité au moins jusqu’en juin prochain. Ce qui se traduira donc par une récession de plus d’un an, du jamais vu en Europe depuis l’après-guerre.

Secundo, comparativement aux actions extrêmement vigoureuses de la Fed et de la BoE, la BCE reste bien timide et fait ainsi figure de “petit joueur”. Et ce d’autant que les pseudo-risques d’hyper inflation tant annoncée par la BCE il y a encore peu de temps ont été remplacés par des risques de déflation.

Tertio, malgré un niveau de 2,5 % (contre encore 4,25 % début octobre), le taux refi reste encore loin de son niveau optimal en fonction de la récession et de la désinflation actuelles et à venir. Avec une croissance a 0,7 % et une inflation de 1,5 % en moyenne annuelle en 2009 (hypothèses plutôt optimistes), ce taux optimal (dit aussi taux Taylor) est de 1,1 %.

La BCE peut encore mieux faire.

Dans ce cadre, nous anticipons que la BCE continuera de se faire violence et baissera son taux refi à 1,75 % d’ici le printemps prochain, ce qui constituera un plus bas historique depuis la création de la BCE.

L’euro baissera alors sous les 1,20 dollar et la croissance eurolandaise pourra progressivement repartir à partir de l’été-automne 2009. Mieux vaut tard que jamais.

 

Marc Touati


 


Les évènements à suivre du 8 au 12 décembre:

L’économie française continue de souffrir.


Aux Etats-Unis ont suivra jeudi la balance commerciale américaine dont le déficit devrait se réduire au mois d’octobre. La chute des prix du pétrole devrait en effet réduire la facture énergétique américaine. On suivra également vendredi les ventes de détail aux Etats-Unis qui face à la forte dégradation de l’environnement économique et à l’augmentation du chômage devraient se détériorer à nouveau au mois de novembre après avoir atteint un plus bas en octobre. L’accumulation de mauvais indicateurs aux Etats-Unis aura également pour conséquence un très faible niveau de l’indicateur de confiance de l’Université du Michigan en décembre.

En France, on suivra mardi la balance commerciale qui devrait rester déficitaire. En effet la France doit faire face au ralentissement de la demande mondiale pénalisant particulièrement ses exportations. Mercredi on suivra la production industrielle qui devrait reculer pour le troisième mois consécutif du fait de l’affaiblissement de la demande tant au niveau domestique qu’international dans un contexte de récession mondiale.

Mardi 9 décembre, 8h45 (heure de Paris) : la balance commerciale reste déficitaire en France au mois d’octobre.

En baisse depuis juillet avec un plus bas en octobre 2008(-6,3 milliards d’euros) la balance commerciale française restera déficitaire en octobre 2008 à – 5,9 milliards d’euros. En effet, devant déjà faire face à des difficultés structurelles (manque de compétitivité, forte pression fiscale, faible innovation), la France, en récession depuis le printemps 2008 doit désormais faire face à un ralentissement de la demande mondiale pénalisant ses exportations (en dépit de la baisse de l’euro) et à un ralentissement de sa demande domestique ralentissant les importations mais à un degré moindre, ce qui explique le déficit.

Mercredi 10 décembre, 8h45 : la production industrielle française recule encore en octobre.

La production industrielle française devrait enregistrer un nouveau recul au mois d’octobre de 0.5% après la baisse de 0.5 % enregistrée en septembre et la baisse de 0.4% enregistrée en août. L’affaiblissement de la demande domestique en France comme dans le reste de l’Europe et aux Etats-Unis plonge l’industrie française dans sa plus grave récession depuis les années 70. Les enquêtes d’opinion (INSEE, PMI manufacturier) et les différents indicateurs économiques augurent d’une poursuite de la baisse de l’activité industrielle pour 2008 et 2009.

Jeudi 11 décembre, 14h30 : le déficit commercial américain se réduit en octobre.

Alors que les prix du pétrole poursuivent leur baisse (divisés par 3 depuis cet été), diminuant d’autant la facture énergétique à l’importation des Etats-Unis, le déficit commercial devrait se réduire au mois d’octobre de 56 à 54 milliards de dollars. Ce chiffre fera l’objet d’une attention particulière car un déficit commercial supérieur aux attentes pourrait entraîner une révision à la baisse du PIB américain attendu à la fin du mois de décembre.

Vendredi 12 décembre, 14h30 : les ventes au détail américaines (indicateur avancé) encore en baisse en novembre.

Après quatre mois consécutifs de baisse et un plus bas atteint en octobre (-2,8 %), les ventes au détail devraient encore enregistrer un recul au mois de novembre, alors que l’environnement économique se détériore encore pour les ménages américains : accélération de la hausse du chômage impactant négativement leur pouvoir d’achat, la poursuite de la chute de l’immobilier, le durcissement des conditions de crédit (dans l’immobilier et dans la consommation ), la chute des indices boursiers, ainsi que les craintes de risques de faillites des « majors » de l’industrie automobile. Au regard de ce contexte les ventes au détail devraient reculer en novembre de 1 %. Du fait de cet environnement économique désastreux il ne serait pas étonnant de voir l’indice de confiance des consommateurs de l’Université du Michigan demeurer à un très faible niveau (56) en décembre après avoir chuté à 57,6 en octobre et atteint un plus bas historique en novembre (55,3).

 

Marc Touati et Jérôme Boué


 


Les prévisions économiques et financière d’ACDEFI :


 

 

 

 

* Niveau à 14h30 (heure de Paris)