Sans surprise, la BCE a donc abaissé son taux refi de 0,5 point. Avec un niveau de 3,25 %, celui-ci retrouve donc un niveau relativement accommodant.
Il aura donc fallu attendre la baisse du PIB eurolandais au deuxième trimestre, une crise financière sans précédent et la confirmation que la zone euro est engagée dans sa plus grave récession depuis 1993 pour que la BCE comprenne la gravité de la situation.
Mieux vaut tard que jamais, pourrait-on dire. Si ce n’est que, compte tenu d’un délai de six à neuf mois entre la baisse des taux et son impact sur l’activité, la zone euro est déjà condamnée à vivre dans la récession jusqu’à l’été 2009. Cela constituera donc une récession de plus d’un an, du jamais vu depuis le second choc pétrolier.
En outre, si certains pensent encore que la baisse des taux directeurs de la BCE va permettre de relancer le crédit à tout va et, avec lui, les excès de la bulle immobilière, il faut bien leur signaler qu’actuellement, la BCE n’a plus le choix : si elle ne continue pas de baisser le taux refi, elle engagera la zone euro dans une déflation, qui est, rappelons-le, le pire des maux en économie.
Car, autant il est possible de limiter une inflation liée à une surchauffe économique, par exemple en augmentant les taux d’intérêt, autant il n’est pas possible de sortir de la déflation sans un ajustement de l’offre à la demande, c’est-à-dire une augmentation des faillites, du chômage et du mal-être économique.
Voilà pourquoi la BCE ne doit surtout pas s’arrêter en si bon chemin. D’ailleurs, le taux Taylor qui mesure le taux optimal de la politique monétaire en fonction de la croissance et de l’inflation et qui était de 2 % dès le printemps 2008 est aujourd’hui de 1,4 %. Autrement dit, si la zone euro veut avoir une chance de sortir de la récession à l’automne prochain, il faut que le taux refi soit au moins ramené à 2 % d’ici l’été prochain. Telle est d’ailleurs notre prévision.
Mieux, il semblerait qu’après avoir été le chantre du monétarisme orthodoxe, Jean-Claude Trichet est peut-être en train de revenir vers une stratégie plus mesurée et plus pragmatique, à l’image de la posture adoptée par la Bank of England.
L’attitude de la Banque d’Angleterre depuis le début du mois suggère en effet qu’elle aussi a abandonné toute velléité monétariste et qu’elle a désormais bien mesuré l’ampleur du choc que subit l’économie britannique. Elle vient en effet d’abaisser son principal taux directeur, le taux repo, de 200 pb en moins d’un mois, avec la baisse conjointe de 50 pb décidée le 8 octobre et celle de 150 pb décidée hier. Le taux repo est ainsi, à 3.0 %, à son plus bas depuis les années 1950.
Malheureusement, compte tenu de la chute de l’activité au Royaume-Uni, un tel assouplissement monétaire est loin d’être un luxe et la Banque d’Angleterre sera certainement amenée à assouplir encore sa politique monétaire dans les mois à venir afin d’atténuer l’impact dévastateur du resserrement des conditions de crédit et de la chute de l’immobilier sur des ménages britanniques très endettés.
Espérons donc simplement que la BCE ne retrouvera pas ses vieux démons monétaristes et qu’elle fera bien tout pour sortir l’Euroland de la léthargie. Si tel est le cas, alors peut-être qu’après avoir lancé stoptrichet.com en juin dernier, nous lancerons yestrichet.com. C’est tout le mal que nous pouvons souhaiter à notre pauvre zone euro qui s’apprête à vivre une période bien difficile.
Marc Touati