L’humeur :
L’appel du vide.
Les animal spirits décrits pas Keynes dans les années 20 n’ont certainement jamais aussi bien décrit le comportement des marches qu’aujourd’hui. En effet, face à l’incertitude et à la peur, les investisseurs suivent le troupeau tête baissée, fonçant tout droit vers le vide. Les amateurs de Rabelais retrouveront ainsi sans difficultés la matérialisation des fameux moutons de Panurge.
Car, à l’instar d’un âne qui n’a pas soif ou d’un enfant gâté qui ne se rend plus compte des cadeaux que lui font ses parents, les marchés restent déprimés. Il s’agit vraiment là d’un cas d’école de Bear market, c’est-à-dire d’un marché tellement pessimiste que rien ne permet de le calmer.
Ainsi, en particulier depuis la faillite de Lehman Brothers qui était décidément un risque démesuré qu’ont pris les autorités américaines, rien n’y fait : sauvetage d’AIG, injections quotidiennes de liquidités, plan Paulson, garantie des Etats européens en faveurs des banques de l’Union et maintenant baisse concertée des taux directeurs.
Tout ça pour rien ! Du moins pour le moment. En effet, il faut laisser le temps aux marchés et aux investisseurs de se rendre compte des cadeaux dont ils disposent et surtout des niveaux de valorisation des entreprises cotées. Ces dernières sont effectivement de plus en plus proches de la valeur des fonds propres des entreprises, ce qui n’a évidemment aucun sens économique.
En fait, nous revivons ce que nous avions vécu début 2003 lorsque seul le pessimisme avait le droit de cité. Plus proche de nous, une situation similaire s’est observée en matière d’évolution du baril et de l’euro. En effet, il y a quelques semaines, le baril frôlait les 150 dollars ce qui amenait le consensus de marché à anticiper une rapide envolée à 200 dollars. Et ce, en dépit de toute réalité économique. De même, un euro à 1,60 dollar faisait dire à de trop nombreux prévisionnistes que l’atteinte rapide de la barre des 2 dollars était inévitable.
A l’époque, nous rappelions dans notre coin qu’il n’y avait aucune pénurie de pétrole et que le prix économiquement justifié du baril était plus proche de 90 dollars que de 150. De même, nous soulignions que le taux de change naturel de l’euro/dollar en fonction des fondamentaux économiques était d’environ 1,20 dollar pour un euro. Evidemment, nous prêchions dans le désert, mais en essayant simplement de faire notre métier qui consiste à faire des prévisions sur la base de la réalité économique et non sur un quelconque mouvement spéculatif.
Aujourd’hui, nous revivons la même situation. Aussi, il ne sert à rien de lutter contre le vent. C’est d’ailleurs pourquoi de trop nombreux analystes et prévisionnistes plongent avec les marchés et dressent les scénarii les plus sombres possibles. Histoire de faire oublier qu’ils n’avaient évidemment pas anticipé la situation actuelle. Ils sont ainsi en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis, car à force d’annoncer le pire, ce dernier pourrait finir par se produire, ce qui les mettra tous au chômage ou les transformera en vendeurs de pizzas. Il n’y a pas de sot métier.
Anyway, le plus important réside dans le fait qu’après s’être amusés à tester les plus bas, les investisseurs vont progressivement reprendre leurs esprits.
Pour ce faire, il suffira de quelques déclics. Une multiplication de grandes fusions-acquisitions, un retour d’investissements massifs en provenance des fonds souverains ou des fonds de private equity qui débordent de cash actuellement, une nouvelle baisse du taux refi en novembre prochain…Autrement dit, l’extrême volatilité qui persiste actuellement sur les marchés indique que ces derniers sont uniquement spéculatifs et ne regardent pas plus loin que le bout de leur nez.
Notre prévision est donc la suivante : le bear market va encore tester des plus bas dans les prochains jours, mais, progressivement, les marchés boursiers vont retrouver des couleurs, anticipant avec neuf mois d’avance la sortie d’une récession économique qui devrait malheureusement perdurer jusqu’à l’été prochain.
Marc Touati
L’analyse économique de la semaine :
L’industrie européenne s’effondre.
Si la publication, cette semaine, des statistiques de la production industrielle du mois d’août dans les principales économies européennes a mis en évidence un rebond de l’activité par rapport au mois de juillet, il convient de relativiser ce mouvement et le remettre dans le contexte d’une dégradation continue de l’activité en ce courant 2008, qui avait été particulièrement forte en juillet, ce qui a suscité un modeste rebond en août.
La seule exception (temporaire à notre sens) à ce diagnostique est l’industrie allemande, qui a effectivement enregistré la plus forte hausse mensuelle de sa production en quinze ans au mois d’août (+3.4 %), une hausse qui compense largement le recul de 1.6 % enregistré en juillet. Une forte activité dans le secteur de la construction (+5.5 %) et dans la production de biens de consommation durables (+8.7 %) sont à l’origine de ce mouvement, qui permet à la production industrielle allemande de s’inscrire en hausse de 1.7 % sur douze mois. Toutefois, l’évolution des commandes aux usines, si elles ont enregistré une hausse de 3.6 % en août, certainement grâce au repli de l’euro et des cours du pétrole), laisse augurer d’un ralentissement de l’activité dans les mois à venir, puisque les commandes sont en baisse de 7.6 % en glissement annuel, leur plus fort rythme de baisse depuis fin 2001. Par ailleurs, l’évolution récente des enquêtes de confiance, en particulier de l’IFO et de sa composante « anticipations » permettent également de penser que la production industrielle allemande sera bientôt orientée à la baisse comme celle de ses partenaires.
En effet, en France, le recul de 0.4 % enregistré au mois d’août s’inscrit dans une tendance à l’affaiblissement marquée, qui n’avait été que brièvement interrompue par le rebond de 1.4 % en juillet. Ainsi, la production d’automobiles, qui était à l’origine de la hausse du mois de juillet (+4.9 % alors) se replie de 0.4 % en août. Dans le même temps, l’activité dans la construction s’inscrit en baisse de 0.7 % et celle dans l’industrie alimentaire recule de 2.6 %. Ce recul a pour effet d’inscrire la production industrielle française en baisse de 2.6 % en glissement annuel, son plus fort rythme de baisse depuis octobre 2005. Un mouvement qui laisse augurer d’une accélération du ralentissement de la croissance annuelle du PIB dans les trimestres à venir. L’économie française est bel et bien en train de s’enfoncer dans la récession…
Par ailleurs, en Italie, la production industrielle a enregistré une hausse de 1.4 % en août après la baisse de 0.5 % enregistrée en juillet mais, en glissement annuel, la production du secteur industriel italien s’inscrit en baisse de 5.3 % en glissement annuel…
Quant au Royaume-Uni, la production industrielle a enregistrée un quatrième mois consécutif de baisse en août, en reculant de 0.6 % après –0.4 % en juillet. Elle est en baisse de 2.3 % en glissement annuel, un plus bas depuis mars 2005.
Ainsi, conformément à ce que décrivent toutes les dernières enquêtes d’opinion et d’activité, en particulier les indices des directeurs d’achats dans les différents pays évoqués plus haut, l’activité industrielle est en train de s’effondrer en Europe, alors que la demande finale européenne et mondiale recule.
Adrien Pichoud
Et les marchés dans tout ça ?
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.
Alors que la crise du crédit était en train de franchir une étape supplémentaire, en privant d’accès au financement à court terme des entreprises ou des entités « saines », c’est à dire avec une probabilité de défaut très faible,
Des entreprises, telle General Electric, ont aussi récemment fait face au même type de problème, avec les conséquences potentiellement désastreuses pour l’économie que l’on peut imaginer.
En réaction à cette situation,
Les Commercial Paper (y compris les asset-backed commercial paper, ABCP) devront être classés dans la meilleur catégorie par toutes les agences de rating, soit un rating A1/P1 (pour les très bons émetteurs, il existe une note A1+ /P1+, qui sera évidemment également éligible). Ainsi, seules les entités bénéficiant du meilleur rating pourront bénéficier de cette facilité.
Pour les Commercial Paper qui ne sont pas liés à un collatéral (à l’inverse des ABCP),
-le paiement d’un honoraire sur le montant initialement émis, qui augmentera si de nouvelles émissions ont lieu ;
-l’apport d’une garantie jugée satisfaisante par
-l’apport d’un collatéral jugé satisfaisant par
-tout autre arrangement que
Autrement dit,
Le montant de Commercial Paper acheté par le SPV ne pourra dépasser la moyenne du montant total de Commercial Paper émis par l’entité en circulation au cours du mois d’août 2008, amputé du montant de Commercial Paper actuellement détenu par d’autres investisseurs que le SPV. Les entités ne pourront donc pas profiter de cette facilité pour augmenter leur encours de Commercial Paper.
Les achats effectués par le SPV cesseront le 30 avril 2009 mais le Board de
Il s’agit donc d’une mesure d’urgence visant à éviter la paralysie de l’économie américaine en relançant le marché du crédit à court terme pour les entreprises, dans la mesure où le système financier, en dépit des injections croissantes de liquidité, ne parvient pas à remplir ce rôle.
En effet, au regard de cette mesure, le fait de prêter à des institutions financières en acceptant des collatéraux de qualité moindre que les Bons et Obligations du Trésor, qui avait déjà constitué un choc il y a quelques mois, apparaît bien moins risqué. Dorénavant,
Adrien Pichoud
Les évènements à suivre du 13 au 17 octobre:
Encore des statistiques difficiles outre-Atlantique.
La semaine prochaine sera marquée, aux Etats-Unis, par la publication des ventes au détail, de la production industrielle et des prix à la consommation pour le mois de septembre, qui devraient confirmer le ralentissement de la demande domestique, de l’activité manufacturière et de tensions inflationnistes.
Le Beige Book, rapport des Fed régionales sur l’activité économique des six dernières semaines qui servira de base de travail lors du FOMC du 29 octobre, devrait confirmer le net ralentissement de l’activité, la hausse du chômage et le repli de la demande domestique aux Etats-Unis (publication mercredi à 20h00).
En Europe, la publication de l’indice ZEW allemand d’octobre confirmera la faiblesse des perspectives d’activité Outre Rhin, tandis que les indices des prix à la consommation en France et pour la zone euro décriront une poursuite du ralentissement des tensions inflationnistes.
Mardi 14 octobre 2008, 8h45 heure de Paris : l’inflation ralentit encore en septembre
Comme au mois d’août, l’indice des prix à la consommation devrait être resté inchangé au mois de septembre, alors que le repli modéré des prix de l’énergie a compensé la hausse des prix des autres biens. Le taux annuel d’inflation ralentira ainsi de 3.2 % à 3.1 %.
Mardi 14 octobre, 11h00 : l’indice ZEW se replie en octobre
Après deux mois consécutifs de hausse qui avaient fait suite à un plus bas historique en juillet, l’indice ZEW, qui mesure les anticipations économiques du milieu financier à six mois, devrait enregistrer un repli en octobre, alors que la récente expansion de la crise financière a certainement pesé sur les anticipations. Le ZEW reculera ainsi de –41.1 à –52.0.
Mercredi 15 octobre, 11h00 : ralentissement de l’inflation en septembre
Les prix à la consommation devraient avoir enregistré une légère hausse au mois de septembre (+0.1 % après un recul de 0.1 % en août), ce qui n’empêchera pas l’inflation de ralentir à 3.6 %, confirmant ainsi l’estimation préliminaire publiée à la fin du mois de septembre.
Mercredi 15 octobre, 14h30 : ventes au détail en baisse aux États-Unis
La faiblesse de la consommation au cours de l’été devrait être confirmé par les statistiques des ventes au détail au mois de septembre. En effet, celles-ci devraient enregi
- Crise financière : qui sont les coupables ?
- Encore des statistiques difficiles outre-Atlantique.