Il y a traditionnellement deux modèles bancaires dans le monde : le modèle « rhénan » et le modèle « anglo-saxon ». Le premier préconise une banque « multimétiers » couvrant toute la gamme des activités : depuis la banque de détail (« retail banking ») jusqu’à la banque d’affaires, en passant par le gestion collective (« assets management ») et les services bancaires (conservation de titres, par exemple). Le second privilégie la séparation des activités, au nom de la lutte contre les conflits d’intérêt, laissant le soin à l’investisseur (l’actionnaire) de choisir les activités bancaires dans lesquelles il souhaite investir, selon la théorie néo-classique qui spécifie que l’actionnaire est le mieux placé pour savoir quels placements il veut effectuer.
En fait, c’est l’histoire qui explique le mieux cette dichotomie, en terme de modèle bancaire. Le modèle rhénan est né en Allemagne au XIXème siècle. A l’époque, ce pays, en voie d’industrialisation rapide, souhaitait permettre aux entreprises de se financer facilement, grâce à l’émergence d’un système bancaire puissant et relativement concentré. En plus, les banques allaient participer à la constitution des fonds propres des entreprises nouvellement créées et siéger dans les conseils d’administration de celles-ci. Par la suite, l’argument sera avancé qu’une diversification des activités des banques est souhaitable, pour « mutualiser » les risques et lisser les cycles économiques, les bénéfices de la banque de détail compensant d’éventuelles pertes de la banque d’investissement, et réciproquement.
Le modèle anglo-saxon, dont l’exemple principal était le système bancaire américain issu des réformes de 1933-1934 (Glass-Steagall Act), préconise de séparer les activités bancaires : d’un côté, il y les banques d’affaires (Goldman Sachs, Merrill Lynch, etc.) et de l’autre les banques de détail, qui font des crédits et reçoivent des dépôts (Chase Manhattan, Citibank, etc.). La législation américaine a même obligé les grandes banques universelles de l’époque à scinder leurs activités : Morgan Guaranty, pour le « retail », Morgan Stanley, pour la banque d’affaires. En fait, la spécialisation par métiers n’obéissait pas une quelconque théorie économique, mais était le résultat de la crise de 1929, dont la responsabilité avait été attribuée, probablement d’une façon exagérée, aux comportements des banques américaines. Cependant, dans les années 1990-2000, les régulateurs américains ont progressivement effacé les barrières règlementaires entre banques de détail et banques d’affaires, en permettant la constitution de « holdings » réunissant les deux catégories de banques sous un seul chapeau.
De ce fait, le modèle dominant actuel est la banque « multimétiers » (ou banque « universelle ») qui permet à l’établissement bancaire de diversifier ses revenus et donc de limiter ses risques, tout en maximisant ses profits. Ce qui n’empêche pas l’existence de « niches », au sein du système bancaire : « boutiques » pratiquant uniquement les fusions-acquisitions, entités dédiées à la gestion collective ; banque régionale absente des marchés et orientée surtout sur la clientèle de particuliers et de PME ; courtiers spécialisés dans l’arbitrage sur les marchés financiers, etc.…
On peut donc penser que le nouveau paysage bancaire européen rassemblera des grandes banques multi–métiers, présentes sur plusieurs marchés domestiques (tel HSBC, BNP, BBVA ou Unicredit) et une quantité d’établissements plus spécialisés, soit géographiquement (banques régionales), soit sectoriellement (assets management, conseil en M & A), avec une tendance à la consolidation (acquisitions, fusions), au fur et à mesure que l’espace financier européen s’unifie.
Bernard MAROIS