Bourse, France, inflation : une fin d’année détonante.

L’humeur :

Bourse : vers une fin d’année ébouriffante.

Il faut s’y préparer, à l’instar des trois derniers mois, la fin d’année 2008 sera particulièrement volatile sur les marchés boursiers internationaux. La raison de base en est assez simple : la visibilité est nulle. Ce faisant, les investisseurs naviguent à vue, passant en quelques heures de la plus grande déprime à la plus grande euphorie, puis de nouveau au pessimisme viscéral… Ainsi, alors que la remontée du dollar, le repli des cours du pétrole et la bonne tenue de la croissance américaine au deuxième trimestre avaient redonné l’espoir aux marchés, il aura suffi d’une déclaration pro-récession de Jean-Claude Trichet et d’une augmentation du taux de chômage américain pour quasiment détruire en deux jours tous les efforts de remontée des deux mois précédents. Réciproquement, alors que les cours boursiers semblaient repartis pour s’engager dans une nouvelle spirale baissière, l’annonce du sauvetage de Freddie Mac et de Fannie Mae par l’administration américaine a permis de relancer les marchés sur le chemin de la hausse. Du moins temporairement, car c’était sans compter les dangers liés au nouveau cyclone dans le golfe du Mexique, les craintes sur la pérennité de Lehman Brothers, la baisse de la production de l’OPEP, le douloureux anniversaire du 11 septembre ou encore les tensions ravivées avec l’Iran. Bref, les amateurs de montagnes russes sont servis.

Et ce n’est pas terminé. En effet, les prochains mois s’annoncent riches en rebondissements. En dehors des risques géopolitiques et climatiques que personne ne maîtrise évidemment, il y a ainsi toute une série d’évènements prévisibles par leur publication mais à l’issue incertaine qui devraient transformer cette fin d’année en un véritable film hitchcockien. Tout commencera avec la publication des premiers résultats des entreprises au troisième trimestre à partir d’octobre prochain. Nous saurons alors si oui ou non les entreprises continuent de résister et surtout si le marasme bancaire est en voie de résorption. En fait, alors que les entreprises et institutions américaines ont déjà réalisé un puissant mouvement de cost cutting tout en engageant des virages stratégiques conséquents, leurs homologues européennes viennent à peine de réaliser l’ampleur des dégâts auxquels elles sont confrontées. Autrement dit, de la même façon que la croissance américaine a redémarré dès le deuxième trimestre alors que celle de la zone euro commençait à chuter, un tel décalage pourrait se retrouver dans les résultats des entreprises à partir du troisième trimestre. D’où une probable surperformance des marchés américains, surtout que ces derniers bénéficieront également d’un effet dollar.

Néanmoins, à côté des résultats des entreprises, les investisseurs resteront obnubilés par le risque de récession aux Etats-Unis. En effet, si la récession tant attendue n’a pas eu lieu fin 2007 et début 2008, une grande majorité d’intervenants soutient qu’elle n’a été en fait que reportée. C’est pourquoi, de la même façon que la publication des comptes nationaux du deuxième trimestre a été déterminante au cours de l’été dernier, celle du PIB du troisième trimestre le sera au moins autant. Et pour cause : soit le PIB américain recule, relançant le scénario de récession, soit il progresse et les « récessionnistes » devront une fois encore se rhabiller. La réponse à cette question sera connue le 30 octobre, qu’il faut donc d’ores et déjà noter dans les agendas. Pour l’instant, selon nos estimations et les chiffres dont nous disposons (notamment la bonne orientation de la production industrielle, des carnets de commandes et des enquêtes ISM), une progression annualisée du PIB de l’ordre de 1,5 % devrait être enregistrée. Ce ne serait donc pas « Byzance » mais suffisant pour remettre les marchés sur les bons rails.

Mais, malheureusement, les embuches ne s’arrêteront pas là car il faudra aussi composer avec les élections présidentielles américaines du 4 novembre. Si les investisseurs savent que, quel que soit le Président élu, celui-ci fera passer le pragmatisme économique avant le dogmatisme idéologique, ils attendront néanmoins que cette incertitude soit levée avant de revenir massivement sur les marchés boursiers. En attendant, ils resteront donc prudents et fortement attentifs à l’évolution de l’emploi et du chômage outre-Atlantique. Chaque premier vendredi du mois, il faudra donc s’attendre à une extrême nervosité, comme cela s’est par exemple observé la semaine dernière. Pour autant, même si les marchés et certains économistes l’ont encore oublié, il faut rappeler que l’emploi est une variable retardée de l’activité. Autrement dit, la hausse récente du chômage correspond à l’atonie de l’activité américaine de la fin 2007 et du début 2008 et ne présage en rien de l’évolution future de la croissance. D’ailleurs, lors des récessions de 1991 et 2001, le chômage a augmenté jusqu’en 1993 et 2003, c’est-à-dire plus d’un an après le début de la reprise économique.

Enfin, la reprise des marchés boursiers restera aussi conditionnée par la politique de la BCE. En effet, en dépit de la baisse de l’euro et des prix pétroliers qui auraient dû normalement relancer les cours boursiers à la hausse, ces derniers ont continué de reculer. Au-delà des craintes évoquées précédemment, ce mouvement s’explique aussi par le fait que de nombreux investisseurs préfèrent limiter leur prise de risque et se réfugier vers des placements monétaires dont le rendement dépasse actuellement les 5,3 % à six mois et un an. Ainsi, dès que la BCE changera de ton et a fortiori lorsqu’elle baissera ses taux directeurs, les rendements monétaires reculeront et les investisseurs reviendront progressivement sur les marchés actions. D’où l’importance particulière que revêt la publication du PIB de la zone euro pour le troisième trimestre le 14 novembre. Lorsque la BCE sera mise devant le fait accompli de la récession et aussi du recul de l’inflation, elle n’aura plus le choix, elle devra baisser ses taux en décembre et/ou janvier prochains. En attendant et pour l’ensemble des raisons que nous avons avancées dans cet article, il faut donc se préparer à une fin d’année particulièrement sportive sur l’ensemble des marchés financiers, qui ne sont donc pas au bout de leurs surprises. A suivre…

Marc Touati


L’analyse économique de la semaine :

France : l’industrie et le commerce extérieur souffrent toujours.


Au regard de la baisse de 1,8 % de la production industrielle allemande en juillet, l’augmentation de 1,2 % de son homologue française sur le même mois pourrait apparaître comme une excellente performance. Malheureusement, il n’en est rien. En effet, après le plongeon de 3 % enregistré en mai et la baisse de 0,6 % en juin, la progression de juillet constitue avant tout une modeste correction de la faiblesse passée. D’ailleurs, en dépit de la hausse de juillet, la production industrielle française affiche encore une baisse de 2,5 % sur les trois derniers mois.

Pis, l’augmentation corrective de juillet ne remet absolument pas en cause la perspective d’un deuxième trimestre consécutif de baisse de la production industrielle hexagonale. Et pour cause, au sortir du mois de juillet, l’acquis de « croissance » de cette dernière par rapport au deuxième trimestre est de – 0,3 %. Cela signifie que, même si la production stagne en août et septembre (hypothèse très optimiste si l’on se réfère à la baisse des perspectives de production des dernières enquêtes INSEE dans l’industrie), elle reculera de 0,3 % au troisième trimestre. Et ce, après avoir déjà stagné au premier trimestre et plongé de 1,5 % au deuxième trimestre.

Autrement dit, l’augmentation de juillet constitue l’arbre qui cache la forêt d’une déprime industrielle massive et durable.

Une analyse similaire peut être menée quant à l’évolution du déficit extérieur français. En effet, après le sommet historique de 5,4 milliards d’euros atteint en juin, celui-ci devait forcément enregistrer une évolution corrective en juillet. C’est donc bien ce qui s’est produit, puisque le déficit français a atteint 4,8 milliards d’euros. Pour autant, ce résultat est loin d’être une performance honorable dans la mesure où, après les 5,4 milliards de juin, il s’agit du deuxième record historique de déficit extérieur mensuel.

De plus, la réduction du déficit en juillet tient principalement à la baisse des importations qui s’explique notamment par la diminution de la facture énergétique et par la nette décélération de la consommation dans l’Hexagone. D’ailleurs, sur les trois derniers mois, les exportations continuent de reculer de 1,7 %, tandis que les importations ne progressent plus que de 1,8 %.

Parallèlement, sur les douze derniers mois, le déficit extérieur hexagonal affiche un nouveau record tout aussi historique de 48,790 milliards d’euros. Ainsi, même si une nouvelle baisse du déficit extérieur mensuel est prévisible dans les mois à venir (notamment, comme cela s’est observé en juillet, grâce à la baisse du prix des matières premières, en particulier énergétiques, et aussi à cause du ralentissement de la consommation nationale qui réduit de facto la progression des importations), la barre des 50 milliards d’euros de déficit annuel devrait être atteinte sans difficulté dès cette année.

Dans ces conditions, le PIB français devrait bien enregistrer une stagnation voire une légère baisse au troisième trimestre, avant un quatrième trimestre dans la même veine. De quoi confirmer que la croissance annuelle française avoisinera 1,1 % en 2008.

 

Marc Touati



Et les marchés dans tout ça ?

Gardons un oeil sur le franc suisse !


Si le franc suisse constitue une devise particulière compte tenu de son rôle de valeur refuge en période difficile, il n’en reste pas moins également connecté aux fondamentaux économiques de la Suisse. A cet égard, le dynamisme de l’économie helvète ces dernières années a permis au franc d’afficher une certaine force, sauf contre l’euro, qui a enregistré une appréciation plus forte encore sur la période

De fait, l’économie suisse reste sur deux années de croissance supérieures à 3 % (3.1 % en 2007, 3.2 % en 2006) après des hausses de 2.4 % en 2005 et de 2.5 % en 2004. Cette période de croissance soutenue et prolongée a poussé la Banque Nationale de Suisse à procéder à un durcissement de sa politique monétaire afin de contenir les pressions inflationnistes, alors que les taux courts avaient atteint un niveau quasi nul en 2003/2004 (c.f. graphique ci-dessous).

Les taux ont été nettement remontés depuis 2004

Source : Bloomberg

Depuis le milieu de l’année 2007, la fourchette objectif de la BNS pour le taux Libor à 3 mois est inchangée à 2.25 % / 3.25 %, alors que le rythme de croissance semble devoir fléchir en 2008 et 2009 mais que l’inflation va accélérer en 2008 (en juin, la BNS a ainsi revu en hausse sa prévision pour 2008, de 2.0 % à 2.7 %). La BNS table sur une croissance du PIB comprise entre 1.5 % et 2.0 % en 2008, soit une estimation légèrement supérieure à celle du FMI (qui table, lui, sur 1.4 %). Le ralentissement de la croissance européenne et mondiale pèse sur les secteurs exportateurs suisses et va effectivement grever la croissance cette année et l’année prochaine, même si les statistiques de croissance du 2ème trimestre 2008 soulignent une meilleure résistance de l’économie helvète que ses voisines de la zone euro (avec une croissance du PIB de 0.4 % après +0.3 % au 1T08, contre –0.2 % après +0.7 % dans la zone euro).

Dans ce contexte économique, quelles perspectives pour le franc suisse? Il semble que la devise helvète soit appelée à faire preuve d’une bonne résistance au cours des trimestres à venir, même si des disparités seront certainement constatées en fonction des devises.

Contre le dollar, le franc suisse ne semble plus disposer d’une réelle marge d’appréciation, après avoir atteint en mars dernier un record historique contre le dollar (à 1.0158 CHF/USD, c.f. graphique ci-dessous). Le rebond de la devise américaine, dans un contexte de redémarrage progressif de l’économie qui sera accompagné d’un redressement du taux objectif des Fed Funds, plaide donc plutôt pour un repli du franc contre le billet vert à moyen terme (mouvement qui semble d’ailleurs amorcé depuis le mois de juillet).

Le franc suisse a atteint la parité avec le dollar!

Source : Bloomberg

En revanche, le mouvement de baisse de la devise suisse contre l’euro, qui avait été constaté depuis le début 2006, semble bien avoir pris fin à la fin de l’année dernière. Le rebond observé depuis lors, même pendant la poursuite de l’appréciation de la devise européenne contre le dollar, semble signifier que le franc suisse a retrouvé un certain attrait pour les investisseurs européens. Le rôle traditionnel de valeur refuge du franc n’y est certainement pas étranger, alors que le rebond de 0.5952 CHF/EUR le 12 octobre dernier à 0.6458 EUR/USD le 17 mars (date du rachat de Bear Sterns par JP Morgan) a coïncidé avec le pic des inquiétudes liées à la crise financière.

Ainsi, alors que la forte dégradation de la conjoncture au sein de la zone euro provoquera tôt ou tard un assouplissement des conditions monétaires de la BCE, que le marché des changes anticipe désormais clairement au regard du repli de l’euro depuis la fin juillet, il semble que, malgré un ralentissement économique également attendu au sein de la Confédération, le franc suisse continuera à se renforcer à moyen terme contre la devise européenne. En tout cas, il conviendra de garder un oeil sur cette devise particulière au cours des mois à venir…

 

Adrien Pichoud



Les évènements à suivre du 15 au 19 septembre :

Les prix baissent des deux côtés de l’Atlantique.


Cette semaine statistique sera relativement chargée et surtout marquée par les chiffres d’inflation du mois d’août des deux côtés de l’Atlantique. Dans les deux cas, la baisse du glissement annuel des prix à la consommation devrait être au rendez-vous. Parallèlement, les indicateurs d’activité outre-Atlantique devraient confirmer la reprise progressive de l’économie américaine.

Lundi 15 septembre, 15h15 (heure de Paris) : la production industrielle américaine poursuit sa lente reprise.

Mardi 16 septembre, 11h : stabilisation de l’indice ZEW sur des niveaux abyssaux.

Mardi 16 septembre, 11h : les prix reculent encore en août dans la zone euro.

Mardi 16 septembre, 14h30 : les prix baissent aussi aux Etats-Unis.

Mardi 16 septembre, 20h15 : la Fed maintient le statu quo monétaire au moins jusqu’au début 2009.

Mercredi 17 septembre, 14h30 : petit rebond des mises en chantier outre-Atlantique.

Jeudi 18 septembre, 16h : petite hausse de l’indicateur avancé du Conference Board.

MT


 

Quels impacts prévisibles des statistiques et évènements de la semaine sur les marchés :