A l’instar de Margaret Thatcher en son temps ou d’Alain Juppé un peu plus tard (avec les résultats que l’on sait dans ce dernier cas), la Banque Centrale Européenne est droite dans ses bottes.
Ainsi, la boue de la récession a beau s’épaissir, la BCE a beau le reconnaître, rien n’y fait : plus la zone euro s’enlise, plus la BCE semble satisfaite.
Il faudrait même se réjouir que Jean-Claude Trichet n’ait pas eu envie de rééditer son coup de juin dernier en annonçant une hausse prochaine du taux refi.
En d’autres termes, en écoutant les déclarations du Président de la BCE, il y a vraiment de quoi déprimer : la récession est là, elle va s’intensifier, des entreprises vont faire faillite, le chômage va augmenter, des citoyens vont s’appauvrir. Mais qu’importe : pour la BCE, ces drames humains et sociétaux sont les prix à payer pour permettre à l’inflation de revenir à 2 %… en 2010, selon les propres termes de Jean-Claude Trichet.
Une question s’impose alors : jusqu’à quand allons nous supporter cet aveuglement et ce mépris à l’égard des acteurs économiques de la zone euro ?
En attendant, il est clair que la BCE mène sa stratégie dans le flou le plus total. Ainsi, au-delà du fait qu’elle anticipe un retour d’une inflation à 2 % vers 2010, ses prévisions de croissance pour 2008 et 2009 sont impressionnantes de clairvoyance et de précision.
Et pour cause, pour 2008, la BCE anticipe une croissance comprise entre 1,1 % et 1,7 %. Sachant que l’acquis de croissance du PIB de la zone euro est déjà de 1,2 % à la fin du second semestre, cela signifie implicitement que la BCE n’anticipe aucune amélioration significative au second semestre et plutôt même une nouvelle dégradation.
Mais il y a mieux, car, pour 2009, la BCE annonce une croissance comprise entre 0,6 % et 1,8 % ! A l’évidence, faire plus large et plus imprécis aurait été difficile. Quoique…
En conclusion, nous continuons d’anticiper que la BCE va maintenir le statu quo jusqu’à la publication des comptes nationaux du troisième trimestre mi-novembre. Par la suite, une fois que ces derniers auront confirmé l’enlisement de la zone euro, la BCE sera obligée de réagir en abaissant son taux refi de 25 points de base en décembre, puis de rééditer l’opération au début 2009.
Or, dans la mesure où toute inflexion de politique monétaire prend six à neuf mois pour agir sur l’activité, la zone euro ne se redressera qu’à partir de l’été 2009 dans le meilleur des cas. Tant pis pour nous !
Marc Touati